Décryptage : Les constructeurs américains sont-ils à l'attaque de l’industrie automobile européenne ?
par Pierre-Laurent Ribault

Décryptage : Les constructeurs américains sont-ils à l'attaque de l’industrie automobile européenne ?

Ce mercredi l’AFP a rapporté des propos virils du ministre de l’Economie Emmanuel Macron en visite chez l'équipementier Lisi, dans le Val d'Oise, accusant les constructeurs américains de vouloir exploiter le scandale Volkswagen pour « affaiblir l’industrie automobile européenne ». Qu’a-t-il bien voulu dire par là ?

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Si l’on peut comprendre que Monsieur Macron, en tant que représentant de l’actionnaire qu’est l’Etat Français chez les constructeurs nationaux, se soucie de préserver les intérêts des contribuables, cette prise à partie soudaine des constructeurs américains est pour le moins brouillonne. Pourquoi ?

A moins qu’il n’ait de nouvelles informations ultra-secrètes sous la main, on imagine que le ministre de l’Economie fait ici référence l’affaire Volkswagen qui a éclaté aux Etats-Unis. Cela pose plusieurs problèmes.

- Serait-ce une mise en cause de l’EPA et de son homologue californienne, sous-entendant que ces organismes seraient pilotés en sous-main par les industriels locaux du secteur ? Si on peut penser que les officiels US ont certainement pris un malin plaisir à sortir l’affaire au milieu de la grand messe de l’industrie automobile allemande de Francfort, pour le reste l’affaire est tout ce qu’il y a de légitime. C’est on le sait une organisation non gouvernementale qui a tiré la sonnette d’alarme, et Volkswagen a admis sa faute. L’EPA n’a incriminé aucun autre constructeur européen à ce jour. FCA, Ford et GM font profil bas, GM qui vient de prendre une amende plutôt salée de la part du gouvernement américain dans l’affaire des commutateurs d’allumage défectueux. Même si Detroit n'abrite pas des enfants de choeur quand il s'agit de business, ça se saurait, la théorie de la collusion de l’Etat américain avec les constructeurs du cru dans cette affaire à ce stade est pour le moins fumeuse… Comme on l’espère ne le sont pas les nouveaux pickups diesel de GM qui vont être les premiers à subir les contrôles renforcés de l’EPA.

- Si ce n’est pas l’EPA que vise Emmanuel Macron, seraient-ce alors des agissements des constructeurs américains présents en Europe, principal marché des moteurs diesels ? "des concurrents américains, qui sont on le sait beaucoup moins ouverts au diesel même s’ils ont des véhicules eux-mêmes très polluants ». Moins ouverts au diesel, c’est vite dit. Il suffit d’entrer dans une concession Ford ou Opel pour s’apercevoir que le catalogue ne manque pas de moteurs à l’huile lourde. Et les autres voitures européennes non diesel de ces constructeurs ne sont ni plus ni moins polluantes que les voitures des constructeurs européens. Ce n'est pas comme si les parcs concessionnaires de l'hexagone étaient remplis de Ford F-150 Raptor ou de Cadillac Escalade. Quant aux autres marchés mondiaux, en particulier la Chine, on n’y vend quasiment pas de Diesel pour les voitures particulières, et les Américains seront bien en peine d’y exploiter l’affaire. Cet angle n’est pas très convaincant non plus.

- Etant donné qu'il est décidément difficile de faire lien entre l'affaire américaine et son volet européen en y impliquant les constructeurs US, peut-être qu'Emmanuel Macron élargit sans le dire la problématique de cette affaire vers les négociations du traité transatlantique et le fait que Detroit cherche à protéger son marché dans ces négociations. C'est sans doute le cas mais c'est un autre sujet, et surtout  cela ne concerne pas directement les constructeurs français qui ne sont pas présents outre-Atlantique et auxquels les officiels de l’Agence pour l’Environnement américaine n’ont pas fait la moindre allusion. Notre ministre s’applique-t-il alors depuis le Val d'Oise à la défense de l'industrie auto allemande, seul acteur européen majeur sur le territoire américain ? Ce serait franchement curieux.

- Serait-ce enfin que, constructeurs américains ou pas, notre ministre de l’Economie ne craigne surtout que l’affaire ne nuise au Diesel de façon générale, et donc par ricochet aux constructeurs français,  et ne cherche à faire diversion ? C’est déjà plus séduisant. « Nous devons tous et toutes être extrêmement vigilants pour ne pas faire de ce scandale Volkswagen un scandale diesel » a-t-il également déclaré. « Les constructeurs français m’ont ici réaffirmé à nouveau la fiabilité de leurs équipements et des chiffres qui sont aujourd’hui annoncés ». C'est vraisemblablement le cas, et cette défense de la filière française est admirable, mais les gouvernements européens n’en sont peut-être pas aussi sûrs, vu la vague de tests complémentaires concernant tous les constructeurs annoncés dans la plupart des pays de la communauté, y compris par la collègue de Monsieur Macron, Ségolène Royal, qui ne compte pas prendre pour argent comptant les affirmations des constructeurs. Wait and see, comme on dit à Detroit.

En résumé, cette déclaration à l’emporte-pièce en rappelle une autre, l’attaque à brûle-pourpoint tout aussi étonnante d’Arnaud Montebourg contre les constructeurs coréens en 2012. Prédisons lui le même succès.

Source : AFP et divers

Crédit image : Ford Performance

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Ce mercredi l’AFP a rapporté des propos virils du ministre de l’Economie Emmanuel Macron en visite chez l'équipementier Lisi, dans le Val d'Oise, accusant les constructeurs américains de vouloir exploiter le scandale Volkswagen pour « affaiblir l’industrie automobile européenne ». Qu’a-t-il bien voulu dire par là ?

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