Rétro - 50 ans déjà : Beltoise marche sur l'eau à Monaco !
par Nicolas Anderbegani

Rétro - 50 ans déjà : Beltoise marche sur l'eau à Monaco !

Jean-Pierre Beltoise remporta le 14 mai 1972 une victoire mémorable sous des trombes d'eau à Monaco. Un jalon dans l'aventure française en F1.

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Prémices d'un futur conflit

Le grand prix de Monaco 1972 aurait pu ne jamais avoir lieu ! En effet, la course en principauté survient dans un contexte tendu entre les autorités sportives, CSI (ancêtre de la FIA) et ACM d’un côté, et de l’autre bord la F1CA, ancêtre de la FOCA (l'association des équipes), au sein de laquelle le patron de Brabham, Bernie Ecclestone, qui a pris la direction de l’organisme l’année précédente, s’affirme comme un chef de file déterminé à défendre les intérêts des équipes et à engager un rapport de force avec le pouvoir sportif. A Monaco, le bras de fer concerne le nombre de voitures autorisées à prendre le départ. Ecclestone, déjà épaulé à cette époque par un brillant avocat, Max Mosley, veut augmenter le nombre de véhicules admis afin de ne léser aucun engagé, tandis que les autorités avancent la question de la sécurité pour limiter le nombre de voitures.

La tension monte, au point que la F1CA  menace de boycotter la course, ce à quoi l’ACM (Automobile Club de Monaco) répond en faisant cadenasser les garages des équipes, qui sont rapidement brisés par les intéressés. L’ACM, finalement lâchée par la CSI, se résigne à céder. Le grand prix se disputera ainsi avec 25 voitures sur la grille. Cet épisode est révélateur de la montée en puissance des équipes, fédérés par le puissant Ecclestone qui leur fait prendre consience de leur poids politique et aussi des perspectives de profit qui se profilent dans le développement du business de la F1. Voilà donc les prémices du conflit à venir, qui éclatera au grand jour quelques années plus tard entre Ecclestone et la FISA, au point de menacer la F1 d’implosion.

Le parcours d'un combattant

Mais revenons à la compétition. D’un point de vue sportif, le championnat s’annonce comme un match à trois entre Tyrrell, porté par le champion en titre Jackie Stewart, McLaren avec Dennis Hulme et Lotus qui fait rouler la nouvelle sensation de la F1, le jeune Emerson Fittipaldi. Vainqueur dès son 4ème grand prix en 1970, le brésilien a fait une entrée fracassante en F1 et peut compter sur une redoutable Lotus 72D, ultime évolution d’une redoutable machine qui a révolutionné la F1 à sa sortie, deux ans plus tôt, en inaugurant une carrosserie en coins très aérodynamique et surtout l’apparition des premiers pontons latéraux. Derrière, en embuscade, Ferrari essaie de retrouver sa splendeur d’antan grâce au talentueux belge Jacky Ickx. N’oublions pas non plus l’équipe britannique BRM, vice-championne du monde 1971, mais qui a connu bien des déboires. Frappée par la mort de Pedro Rodriguez puis de Jo Siffert l’année précédente, l’écurie a de surcroît perdue son sponsor, Yardley, parti chez McLaren, et récupère le cigarettier Philip Morris…qui impose l’engagement de 5 voitures ! Une tâche bien lourde pour cette équipe fragilisée, qui a dû recruter plusieurs pilotes pour combler les pertes. Parmi eux, on retrouve le français Jean-Pierre Beltoise, qui vient de traverser une saison 1971 pleine d’amertume.

Issu de la moto où il a remporté de multiples titres nationaux, Jean-Pierre Beltoise s’est lancé dans la course automobile en 1963 mais tout aurait pu s’arrêter lors des 12 heures de Reims 1964. Victime d’un très grave accident où il a été éjecté, il frôle l’amputation du bras gauche. Opéré en urgence, il échappe finalement au pire mais ressort de cette terrible épreuve avec un bras fortement diminué, bloqué au niveau du coude. Malgré ce handicap, Beltoise reprend le volant et devient au milieu des années 60 le fer de lance, le symbole de la renaissance du sport automobile français, portée par l’ambitieuse épopée Matra dont il est l’un des piliers. Champion de France de F3 1965, puis champion d’Europe de F2 en 1968, Beltoise réalise deux belles saisons en 1969 et 1970 avec plusieurs podiums à la clé mais n’a pas encore décroché de victoire.

Mais en 1971, c’est le tournant. Lors des 1000 kms de Buenos Aires disputées en janvier, Beltoise tombe en panne d’essence sur sa Matra MS660. Alors qu’il traverse la piste en poussant sa voiture pour la ramener aux stands, Ignazio Giunti sur Ferrari, masqué par une autre voiture, ne peut l’éviter et percute de plein fouet la Matra. La violence de l’impact et l’incendie qui embrase la Ferrari entraînent la mort du malheureux Giunti. Incriminé dans l’accident et inculpé par la justice argentine pour « homicide involontaire », Beltoise est d’abord suspendu trois mois par la FFSA puis par six autres mois la CSI, ce qui lui fait manquer une grande partie de la saison. Quand il revient en fin d’année, il constate que Matra privilégie ostensiblement son équipier Chris Amon, ce qui le pousse à quitter l’équipe française. Faisant équipe avec Peter Gethin, Howden Ganley mais aussi un certain Helmut Marko, le français entame la saison 1972 avec BRM sur deux abandons.

Des conditions dantesques

Fittipaldi décroche sa première pole position devant Ickx , Regazzoni sur Ferrari et Beltoise sur BRM. Son équipier Gethin s'est hissé au cinquième rang devant la Matra d'Amon et la McLaren de Hulme. Les Tyrrell ont rencontré de nombreux problèmes: Stewart est seulement huitième et Cevert douzième.

Le dimanche dans la matinée, la pluie s’abat sur Monaco et tout le monde chausse des pneus rainurés. Au départ, Beltoise sollicite en douceur les 12 cylindres de son moteur et parvient à doubler Ickx et Fittipaldi avant le freinage du premier virage.Jouissant d’une visibilité parfaite devant le peloton, il doit maintenant tenir et ne pas faire la moindre faute. Comme il l’expliquera plus tard, son coude droit bloqué le gène moins dans ces conditions particulières alors que lorsque la piste est sèche, tenir le volant et changer les vitesses être bien plus difficile. Le style de pilotage de Beltoise, tout en douceur, est ultra efficace.

Le Français redoute Jacky Ickx, le maître incontesté sous la pluie, qui prend la chasse dès le 5ème tour de course. Le belge pourtant ne réussira jamais à revenir. Beltoise pilote sa BRM du bout des doigts et a failli tout perdre par deux fois. Au 27e tour,  il force le passage à l’épingle de la gare sur Tim Schenken, qui ne lui concédait pas un tour de retard, il « s'appuie » contre le flanc gauche de la Surtees et passe au forceps. Derrière, Jackie Stewart enchaîne les têtes à queue et préfère assurer. Au 42e tour ensuite, Beltoise est gêné par Peterson puis,  Au virage du Gazomètre, se positionne pour passer à l'intérieur quand le Suédois se rabat devant lui. L'avant de la BRM percute une roue arrière de la March. Peterson se laisse doubler par Beltoise, mais celui-ci, Pensant avoir endommagé son train avant, ralentit au maximum à l'épingle de la gare afin d'observer la réaction des spectateurs au passage de sa voiture. Aucun ne réagit car celle-ci est intacte. Rassuré, Beltoise remet les gaz.

Après deux heures et 26 minutes d’apocalypse, Beltoise voit enfin le drapeau à damier. Il remporte sa première et seule victoire en F1 avec 38 secondes d’avance sur Jacky Ickx et un tour complet sur Emerson Fittipaldi ! Beltoise ne gagnera plus. Il restera avec BRM jusqu’en 1974 puis, alors qu’il pensait obtenir un volant chez Ligier, se fera doubler par l’espoir Jacques Laffite. Néanmoins, avec ce succès, Jean-Pierre Beltoise ouvra le chemin pour une génération dorée qui fit briller les couleurs tricolores en F1 pendant près de quinze ans.

 

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Pour résumer

Jean-Pierre Beltoise ne gagnera plus en F1 après Monaco 72. Il restera avec BRM jusqu’en 1974 puis, alors qu’il pensait obtenir un volant chez Ligier, se fera doubler par l’espoir Jacques Laffite. Néanmoins, avec ce succès, Jean-Pierre Beltoise ouvra le chemin pour une génération dorée qui fit briller les couleurs tricolores en F1 pendant près de quinze ans.

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