1er mai 1994, adieu Ayrton : le jour qui a changé la F1
par Nicolas Anderbegani

1er mai 1994, adieu Ayrton : le jour qui a changé la F1

Un quart de siècle déjà que Ayrton Senna nous quittait, au faîte de sa gloire, sous les yeux de millions de téléspectateurs pétrifiés et marqués à jamais. La mort consécutive de l'idole du Brésil transformèrent durablement le visage de ce sport. La fin d'une époque en somme.

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Un quart de siècle déjà que Ayrton Senna nous quittait, au faîte de sa gloire, sous les yeux de millions de téléspectateurs pétrifiés et marqués à jamais. La mort consécutive de Roland Ratzenberger puis de l'idole du Brésil transformèrent durablement le visage de ce sport. La fin d'une époque en somme.

De drames en bouleversements règlementaires

Comme souvent, il faut parfois attendre des drames, voire des séries noires, pour obliger les décideurs à réagir. La F1 n'échappe pas à cette règle : l'histoire de sa règlementation technique et sécuritaire est une succession de tragédies puis de réactions, souvent drastiques, des législateurs.

C'est la succession affolante des décès à la fin des années 60 (Bandini à Monaco en 1967, Jo Schlesser en 1968, Jochen Rindt et Piers Courage en 70 et tant d'autres) qui amène les premières améliorations notables sur la sécurité. Sous l'impulsion du champion du monde Jackie Stewart, meneur de la fronde des pilotes face à la léthargie des autorités, on commence à se pencher sur la formation des commissaires, le remplacement des bottes de paille par des glissières, l'éloignement du public, etc.

L'accident de Niki Lauda en 1976 sur le circuit du Nordschleife, où les secours mirent bien du temps à intervenir, condamne les circuits aux tracés trop longs et amène à renforcer la présence des secouristes aux abords des pistes.

L'avènement du Turbo puis de l'effet de sol (les fameuses jupes aérodynamiques latérales qui plaquaient les F1 à la route) à la fin des années 70 entrainent un bond considérable des performances des monoplaces, surtout dans les vitesses de passage en courbe. Mais le moindre incident technique en courbe se paye très cher. Les accidents tragiques de Patrick Depailler, Gilles Villeneuve ou encore Didier Pironi (dans des circonstances certes différentes) amènent la FISA, sous l'impulsion de Jean-Marie Balestre, à interdire autoritairement les jupes et imposer un fond plat dès 1983 pour limiter l'effet de sol.

Dans les années qui suivent, la priorité est de réduire les performances délirantes des moteurs Turbo, avant leur interdiction pure et simple fin 1988. Mais la structure même des monoplaces n'évolue guère, ce qui donne lieu à de nouveaux drames : les jambes broyées de Jacques Laffite en 1986 à Brands Hatch, l'effroyable crash de Martin Donnelly à Jerez en 1990, sans oublier les crashs de Piquet, Alboreto et Berger à Imola dans le virage de...Tamburello, dont ils sortent miraculeusement vivants. Des drames qui ne sont pas seulement imputables aux voitures, mais aussi aux infrastructures obsolètes des circuits et aux moyens d'intervention insuffisants. C'est ce qui expliquera en partie la mort d'Elio de Angelis au Castellet en 1986 ou le drame de Philippe Streiff à Rio en 1989.

Au début des années 90, les progrès sont sensibles avec le renforcement des cockpits (cellules de survie), l'introduction de crashs-tests, la protection accrue des réservoirs de carburant, etc. Puis le boom de l'électronique révolutionne la F1 avec des monoplaces qui deviennent de véritables ordinateurs ambulants. Les performances s'affolent de nouveau et La FIA réagit en interdisant brutalement les aides électroniques (ABS, suspension active) pour la saison 1994. Mais ce revirement règlementaire fait jaser car, derrière l'argument -recevable- de maîtrise des coûts et de valorisation le pilotage, se cache aussi une manœuvre politique afin d'enrayer la domination de Williams-Renault. L'écurie anglaise a maîtrisé à la perfection le virage de l’électronique et dominé les saisons 92-93, ce qui n'est pas très bon pour le "show" et les audiences TV. D'autant plus que la sécurité a été quelque peu oubliée dans l'affaire, voire même dégradée, ce dont attestent les premiers accidents du début de saison.

On change tout !

Les accidents mortels de Ratzenberger et Senna sont-ils liés aux performances trop élevées des F1 ? Pas vraiment : la perte de l'aileron pour le premier, la rupture de colonne de direction (à priori...) pour le second, ont été les facteurs déclencheurs. Que Ratzenberger ait tapé le mur à 315 ou 280 Km/h n'aurait sans doute pas changé grand chose aux conséquences. On ne peut incriminer non plus la suppression des aides électroniques, qui n'a aucune part dans la causalité des accidents. Mais par contre, dans les deux cas, l'insuffisance de la protection de la tête du pilote et des aménagements sur la piste ont pesé dans l'issue fatale des accidents.

Dans les semaines qui suivent Imola, alors qu'un nouveau drame a surgi à Monaco avec Karl Wendlinger, un bras de fer s'engage. Le président de la FIA, Max Mosley, mis au pilori par les médias, riposte. Il annonce en conférence de presse des mesures drastiques pour réduire les performances des voitures: limitation de la puissance à 600 chevaux, réduction de la taille des ailerons et de l'appui aérodynamique de 50%, augmentation du poids...Mosley s'attaque donc aux performances, sauf que certaines de ces mesures doivent entrer en vigueur...dès les grands prix d'Espagne et du Canada suivants !

Le diktat de Mosley déclenche une fronde des patrons d'écurie, Flavio Briatore en tête, et des motoristes qui dénoncent des mesures prises dans la précipitation et sans concertation. Qui plus est, hormis l'évocation de meilleures protections latérales pour les têtes des pilotes, absolument rien n'est dit sur les infrastructures des circuits, alors que les accidents d' Imola ont révélé les énormes carences du circuit en la matière. Et la piste italienne n'est pas la seule dans ce cas.

Les pilotes de leur côté ressuscitent le GPDA (association des pilotes de grand prix) à l'initiative de Gerhard Berger et de Niki Lauda, afin de faire entendre leur voix, ce qu n'a pas vraiment été le cas ces dernières années. Lauda, dont l'influence et la légitimité sont indiscutables, avait évoqué ce sujet avec...Ayrton Senna, le matin du 1er mai, au lendemain de la mort de Ratzenberger.

Mosley met de l'eau dans son vin et intègre les directeurs techniques à un "groupe de travail" qui doit réflechir sur les réformes à mener. Toutefois, certaines mesures sont validées pour l'Espagne : suite à l'accident d'Alboreto, dont une roue baladeuse a fauché des mécaniciens à Imola, la vitesse est limitée à 80 Km/h dans les stands.

Des restrictions sont imposées sur la boîte à air, l'aileron avant et le diffuseur arrière pour réduire l'appui. D'autres évolutions sont annoncées pour le Canada, concernant l'ouverture du cockpit, le renforcement des triangles de suspension et les protections latérales. Sauf que, entre Monaco et Barcelone, Olivier Panis et Pedro Lamy sont victimes de gros accidents lors de tests menés par leurs équipes pour éprouver les modifications techniques voulues par Mosley. A Silverstone, le pilote portugais perd son aileron arrière à haute vitesse. Sa Lotus décolle et finit dans les tribunes ! Lamy est relevé avec deux jambes brisées, alors que les premiers échos de l'accident indiquent que les modifications hâtives de la FIA seraient en cause.

Crise politique

Trop c'est trop ! à Barcelone, la plupart des patrons d'écurie se dressent contre Mosley, dénonçant à la fois l'illogisme des réformes techniques (on baisse l'appui mais pas la puissance...) et son autoritarisme. La politique s'en mêle évidemment : Briatore, alors directeur de Benetton, mène la fronde, mais Mosley saura s'en rappeler bientôt. Lors des premiers essais libres, la plupart des monoplaces restent dans les stands. Ecclestone, soucieux avant tout que "the show must go on", met tout le monde d'accord, ce qui permettra d'échelonner raisonnablement les modifications techniques. Quant aux pilotes, ils se focalisent sur les circuits et obtiennent l'ajout de chicanes sur les points chauds de certains circuits. A Barcelone, une chicane est installée à la hâte au niveau du virage de Campsa, à l'aide de pneus !

Ainsi verra-t-on apparaître ensuite une chicane dans la ligne droite avant les stands du circuit Gilles Villeneuve, et même une chicane dans le raidillon de l'au rouge à Spa ! Sacrilège...

C'est en 1995 que la F1 présentera réellement un nouveau visage, avec des voitures alourdies, moins puissantes via une réduction de cylindrée et profondément modifiées sur le plan aérodynamique. Des travaux conséquents sont entamés sur plusieurs circuits, dont celui d'Imola où deux chicanes remplacent les courbes de Tamburello et Villeneuve/Tosa. De nouvelles normes seront établies pour les futurs circuits, qui feront un bond en avant énorme sécuritaire (zones de dégagements, recul des murs, protections de pneus, etc.). Nous sommes à l'aube de l'ère Hermann Tilke, le célèbre concepteur officiel choisi par la F1 pour créer de nouvelles pistes exemplaires sur la sécurité, mais très décriées au niveau du pilotage et du caractère. Depuis le milieu des années 90, l'amélioration de la sécurité a été une préoccupation permanente qui ne s'est jamais relâchée, comme en attestent l'introduction du HANS puis du HALO l'an passé.

Oui, Imola a changé à jamais la F1. Un choc émotionnel violent, dont la portée fut décuplée par sa médiatisation en direct* et qui dépassa largement le cercle du sport automobile et de ses fans. La mort de Senna en fit un mythe, mais marqua aussi la fin d'une époque : le 1er mai tua la passion de certains amoureux de la F1, et fit dire à d'autres que, paradoxalement, le retour de bâton sécuritaire qui s'en suivi enleva peu à peu à la F1 son insouciance, sa "folie" et l'engagea vers une inévitable aseptisation.

*je vous recommande Ce que nous dit la vitesse, un livre de Jean-Philippe Domecq qui analysait l'impact mondial de la mort de Senna.

Images et vidéos : reddit, flickr, youtube

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Un quart de siècle déjà que Ayrton Senna nous quittait, au faîte de sa gloire, sous les yeux de millions de téléspectateurs pétrifiés et marqués à jamais. La mort consécutive de l'idole du Brésil transformèrent durablement le visage de ce sport. La fin d'une époque en somme.

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