Patron de PSA Peugeot-Talbot Citroën de 1982- à 1997, Jacques Calvet est décédé à l’âge de 88 ans. Ce grand patron laisse derrière lui une impression mélangée entre restructuration réussie, mais aussi conflit social chez PSA.
Comme un pied de nez du destin, Jacques Calvet est né le 19 septembre 1931 à Boulogne-Billancourt et est mort à Dieppe le 9 avril 2020. Deux villes emblématiques du grand rival de l’époque, Renault (avec Alpine).
Après des études de droit, puis Sciences Po, et enfin l’ENA de 1955 à 1957, Jacques Calvet entre à la Cour des Comptes. Ce haut fonctionnaire va alors prendre du galon dans les différents cabinets ministériels en suivant celui qui n’était pas encore Président de la République, Valéry Giscard d’Estaing. Marqué à droite, J. Calvet part à la Banque nationale de Paris (BNP). Il y restera de 1974 à 1982, jusqu’à ce que la majorité Présidentielle bascule à gauche et ne décide de changer quelques têtes.
C’est à ce moment-là que la Famille Peugeot fait appel à lui pour redresser PSA Peugeot-Talbot Citroën. En effet, Peugeot a racheté Citroën à Michelin (à la demande des gouvernants de l’époque) en 1974. Puis, PSA Peugeot Citroën rachète Chrysler Europe qui deviendra Tablot. La relance de la marque Tablot se passe mal, on est en plein deuxième choc pétrolier et le monde se tourne vers les petites voitures. La gammes vieillissante de grandes berlines pèse lourd pour un groupe qui était en 1979 le 4e groupe automobile mondial derrière GM, Ford et Toyota, et surtout le 1er groupe automobile européen !
Le début de la présidence de Calvet est marqué par de grandes suppressions d’emplois. Près de 10% des effectifs sont « sacrifiés » pour restructurer le groupe. L’idée de Calvet est de rationaliser les gammes et de faire, déjà à l’époque, de grandes synergies entre les marques. La décision est aussi prise de tuer une nouvelle fois Talbot qui disparaît en 1986 et ne survit alors plus qu’en Angleterre.
Un groupe restructuré et assaini financièrement
Lancée avant sa présidence, la Peugeot 205 va être mise en avant pour sauver le groupe qui cumule plus de 30 milliards de Francs de dette. Il lance de petits modèles, leur met des moteurs Diesel, et stoppe l’hémorragie des ventes. Cette quasi mono-culture, du diesel et de la 205, ainsi qu’une marque, Citroën, qui se « banalise », sont les principaux griefs contre lui. Mais, embauché pour sauver le groupe par la Famille Peugeot, il laisse, en 1997, un groupe bénéficiaire avec des fonds propres remis à flot. Le groupe PSA est redevenu 3e groupe automobile européen avec 12% de part de marché.
Tout ne s’est pas fait facilement. Jacques Calvet est un homme certes charismatique, mais qui sait se montrer ferme. Sous sa présidence, les effectifs vont fondre de moitié. Surtout, il s’oppose frontalement à un pouvoir socialiste, et doit aussi affronter des grèves sociales très dures. Surtout que dans le même temps, sa rémunération augmente. A l’époque, on ne parle pas du salaire des grands patrons et forcément quand on commence, cela grince des dents.
Le groupe PSA refuse une augmentation de salaire aux ouvriers à la fin des années 80. Mais, le Canard Enchaîné se procure la feuille d’imposition du patron sur les dernières années. Il y apparaît une augmentation de près de 50% en à peine 2 ans. Scandale, procès et une image brouillée. Ces scandales aboutiront à l’obligation légale en 2003 de publier la rémunération des patrons d’entreprises cotées.
Des problèmes de « ouatures »
Calvet est également un anti-Maastricht convaincu. Considérant l’Europe comme une « machine folle », il s’est battu pendant son mandat à la tête de PSA, mais aussi avant et après, contre une Europe qui ouvre les bras à la concurrence, et surtout une Europe qui signe un accord avec l’ennemi, le Japon. En effet, en 1991, l’accord Bruxelles-Tokyo prévoit la libéralisation des échanges entre les deux signataires. Et Calvet de prédire que l’Europe roulera bientôt en Nissan et en Toyota.
Sa notoriété publique, Jacques Calvet la doit en partie aux Arènes de l’Info, devenues plus tard les Guignols de l’Info sur Canal+ qui n’hésitent pas à le brocarder férocement. Jacques « Calouet » y est montré en patron un peu dépassé par ses problèmes de « ouatures ». La Peugeot 605 sera aussi une cible favorite des auteurs. Cette satire, Calvet ne la supporte pas. Il intente un procès, qu’il perd, et n’a jamais réellement goûté cet humour potache.
En 1997, atteint par la limite d’âge, il part et cède la place à Jean-Martin Folz. L’un de ses regrets à la tête de PSA et de ne pas avoir pu continuer de redresser le groupe et d’avoir poursuivi l’internationalisation débutée tardivement. Ses successeurs ne feront pas mieux sur ce plan puisque PSA est toujours très (trop) centré sur l’Europe.
Volontiers paternaliste, grandiloquent souvent, conservateur selon certains, il laisse une empreinte importante chez PSA. Sans lui, le groupe automobile sous les difficultés financières, aurait peut-être simplement été absorbé par un concurrent.
C. Tavares réagit à la disparition de son prédécesseur
A l’annonce du décès de Jacques Calvet, Carlos Tavares, Président du Directoire du Groupe PSA déclare : « C’est avec une grande tristesse que j’apprends le décès de Jacques Calvet et je tiens à exprimer au nom de tous les salariés du Groupe PSA nos sincères condoléances à son épouse et à sa famille. Jacques Calvet, grand visionnaire, a dirigé l’entreprise de 1984 à 1997, pour en faire un constructeur automobile de premier plan.
Je tiens à saluer la mémoire de ce grand capitaine d’industrie qui nous quitte, doté d’un rare courage et d’une détermination sans faille qui doivent nous inspirer. Au regard de la crise que nous traversons, son exemple nous oblige et nous engage à protéger l’entreprise dans l’intérêt de ses salariés, comme il a toujours su le faire ».
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38 Commentaires sur "Jacques Calvet (1931 – 2020) : une vision de la France"
Les OUATURES vont être tristes alors….
Un peu quand même… Même si c’est lui, le coupable avec l’accord de Mitterrand sur la démocratisation néfaste des diesels dans nos villes.
Pour les restes… C’est un grand bonhomme.
Un peu d’histoire.
En 1984 que 5 % du parc automobile français roule au diesel, André Roussel, médecin universitaire et membre du Conseil de la recherche et Président de la commission d’écotoxicité des substances chimiques de 1984 à 1989, envoie un rapport commandé par la ministre de l’Environnement Huguette Bouchardeau avec la conclusion de ne plus l’augmenter la part du diesel !
… en 2008 78 % de véhicules diesel
…
Jacques Calvet n’a milité qu’en France pour les avantages fiscaux pour le diesel…dans le reste du monde ce n’est pas lui 😉
Mais lui nous a « offert » l’AX 1,5D, le summum du culte du diesel… On ne peut comparer une golf tdi qui fait 80000km par an à une citadine poids plume à 8000 kms par an…
Et même 1360 cm³ pour le première 1.4D
Cette AX, diesel consommait, je crois qquch comme moins de 4 litres en réel, en 1987 il n’avait pas mieux je crois.
Il était allé à reculons en F1, et d’ailleurs cela a joué à mon avis dans le départ de Jean Todt vers Ferrari.
C’est quasi certain !
Pas vraiment enthousiaste pour la F1, il n’avait pas compris le milieu et que Ron DENNIS cherchait surtout un moteur Gratuit !
Pour autant ce fût la meilleure saison en F1.
Souvent c ‘est le sucesseur qui recueille les FRuits. pour la politique des Plates formes, elle avait commencé en 1993 ( T1/T5 et B1/B5 )
Pourfendeur de l’UE mortifére et du traité de Maastricht, rien que pour ça il mérite un hommage .
Globalement d’accord @Mwouais
Mais le train arrière de la ZX était révolutionnaire pour l’époque, l’ancêtre des 4 RD avec un peu de propagande.
Par contre le reste était d’une tristesse… comme une Golf, mais sans l’aura comme la C4 de 2010 c’était voué à l’échec !
…la 306 n’avait pas repris le châssis d’ailleurs !?
@SGL : mon écriture sur la Zx est évidemment provocatrice. Mais si tu parles d’une idée révolutionnaire, demande-toi pourquoi personne, pas même Citroen n’a poursuivi cette brillante idée 😉
Je me souviens d’un ingénieur châssis de Citroën qui me disait que ce système était utile que dans les cas extrêmes, idéal pour les Modèles du type VTS ou s16, mais effet nul pour le commun de mortels, néanmoins 306, Xsara, Xantia, on bénéficiait de ce système.
Les limitations de vitesse drastiques ont dû étouffer l’intérêt.
Mais les 4RD sont néanmoins à l’honneur aujourd’hui, c’est évolution version active.
Et pour l’époque, sans ESP, c’était ingénieux.
Je crois d’ailleurs que les 306 ne pouvaient avoir ESP, et la Golf, c’était de série…mais la Peugeot n’en avait pas réellement l’utilité 😉
Train arrière également bio dégradables….
Un carnage en contrôle technique…
Ah bon ?
Peut-être une autre raison de l’abandon du système… !?
A noter que le train arrière des 309 GTi doit être changé tous les 150-200.000 km
Sauf que la Xantia a été le première voiture du renouveau de Citroën…
Voiture du renouveau, elle a surtout vu sa suivante (C5 I) avec grimace : esthétique de papy et système hydropneumatique simplifié pour arriver à son abandon.
La Xantia était elle seulement rentable ? Bien vendue en nombre, n’a t’elle pas participé aux problèmes financiers des années 90 ? Puis, la voiture qui devait être symbolique pour la qualité enfin trouvée péchait aussi sur ce point avec des peeling de tableau de bord, de mémoire.
La Xantia avait tout de même déjà une image fort peu favorable pour son conducteur (puis, caméra café l’a achevée)
Moi, je ne trouve pas, la Xantia à laisse un bon souvenir (pas la C5 I)
« (puis, caméra café l’a achevée) » tacler une voiture en fin de vie… Facile
Autoflagellation bien française, mais justifier pour ne pas paraître trop franchouillard.
La C5 I une catastrophe, tenté de remplacer la Xantia et la XM en même temps …au mieux aura été un Dunkerque industriel face aux BAM, Citroen aurait dû faire une Xantia II
Je ne connais pas les comptes de Citroen, je suppose donc que la ‘bonne idée ‘ de Calvet était de se dire que le haut de gamme (XM) chez Citroen est mort et que la Xantia avec suspension pneumatique est très chère à construire …bah, faisons entre deux et…bingo ! La C5 qui s’adresse à qui ? (comme d’habitude et …comme DS le fait actuellement encore avec la DS7 ou la DS9).
Calvet a eu une autre idée un peu vaseuse pour remplacer la 205 …en la ne remplaçant pas ou plutôt par un binôme qu’était la 106 et 306… Ça a superbement marché pour la 306, pour la 106, moyennement ou correctement pour le segment A.
Mais beaucoup de gens ont changé leur 205 par la première Clio, et ça a failli mal tourné pour les PdM de Peugeot .
Heureusement que la « reine » 206 est arrivée en 1998 pour remplacer la 205 … Après 16 ans de production !
C’est pas le visionnaire qui voyait des MONOSPACES partout et prédisait aucun avenir aux SUV?
Sachant qu’il a quitté PSA en 1997 et qu’à part le 1er Rav4 il n’y avait pas de SUV (le Qashqai c’est 10 ans après).
La quadruplette Evasion/806/Ulysse/Zeta ne déboule qu’en 1994 bien après le Voyager ou l’Espace (mais avant le Galaxy/Sharan/Alhambra qui arrivent 2 ans après.
Quant au Xsara Picasso, le programme est certes lancé à la fin de sa présidence, mais n’arrive qu’en 1999, 3 ans après le Scenic.
R.I.P. 🙁