Rétro F1 30 ans déjà : Hockenheim 1993, la dernière du Professeur
par Nicolas Anderbegani

Rétro F1 30 ans déjà : Hockenheim 1993, la dernière du Professeur

Le 25 juillet 1993, Alain Prost remportait à Hockenheim sa 7ème victoire de la saison, la 51ème de sa carrière mais aussi la dernière.

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En 1993, Alain Prost est revenu en Formule 1 après une année sabbatique « purgée » en 1992 suite à son éviction peu amène de la Scuderia Ferrari fin 1991 après le grand prix du Japon. Ayant préparé dans les moindres détails les conditions de son retour, Prost s’est engagé avec Williams, s’assurant de disposer de la meilleure voiture du plateau, mais aussi du meilleur moteur avec le V10 Renault, au grand dam d’Ayrton Senna qui avait fait des pieds et des mains pour se glisser dans ce baquet.

Un début de saison houleux

Mais alors que tout le monde s’attendait à un titre facile et une domination sans partage du binôme Prost/Williams, la partie fut plus rude que prévu, sportivement mais aussi politiquement. Avant-même le début de la saison, Alain Prost s’était retrouvé dans le collimateur de la FISA, de Max Mosley et de Bernie Ecclestone, pour avoir dit ses quatre vérités dans la presse sur les méthodes de management des dirigeants britanniques et des instances sportives, ce qui lui avait valu d’être traduit devant un conseil de la FISA et de voir une épée de Damoclès peser sur sa superlicence, au risque de compromettre son retour au sommet. Il avait dû attendre la semaine suivant le premier grand prix de la saison, pour être « blanchi », non sans avoir subi une très désagréable pression.

Ensuite, c’est sportivement que les choses furent assez compliquées. Le français a dû s’accoutumer au pilotage particulier de la Williams à suspension active, et s’est même « payé » un très gros accident à Estoril pendant les essais hivernaux – fait très rare dans sa carrière- et il a dû retrouver ses marques après un an loin des circuits. Par conséquent, il se retrouva malmené en début de saison par Ayrton Senna, à cause aussi de circonstances de courses partculières. Malgré un succès au grand prix d’ouverture à Kyalami, ses deux échecs successifs sous la pluie au Brésil – il termina dans les graviers en aquaplaning- puis surtout à Donington, où lui et son équipe perdirent pieds tandis que Senna survolait les éléments, déclenchèrent une vague de moqueries et une violente campagne médiatique contre lui alors qu’il était censé disposer de la meilleure voiture. Fini, émoussé, toujours en retrait sous la pluie, moins opiniâtre qu’avant : les critiques pleuvent sur Prost, notamment dans la presse française, ce qui ne fait qu’exacerber son sentiment de persécution et sa crispation.

Les autorités mettent des bâtons dans les roues

A partir du grand prix de San Marin, la machine Prost-Williams s’est enfin mise en marche. Victoire à Imola, à Barcelone, au Canada, en France, en Angleterre. Malgré tout, les coups fourrés se sont poursuivis, surtout en coulisses, où tout a été fait pour mettre la pression sur Williams et leur mettre des bâtons dans les roues afin d’entraver leur domination, car Mosley et Ecclestone, partis en croisade pour « réduire les coûts » et relancer le spectacle, voulaient imposer, contre la volonté de Williams justement, un nouveau règlement technique qui devait bannir les aides électroniques, domaine dans lequel Woking était passé maître, ayant en partie bâti sa domination sur ces acquis technologiques. Tracasseries administratives, menaces de disqualification à répétition, accusation de tricherie sur le carburant Elf des V10 Renault, intimidation : rien ou presque ne fut épargné. En piste aussi, Prost n’a pas le droit à l’erreur. A Monaco, il bouge légèrement au départ juste avant le feu vert, à cause d’un embrayage qui lui causa bien des soucis tout au long de la saison. Il écope alors d’un stop and go de 10 secondes, qui se transforme vite en une bonne minute car il cale au moment de repartir. Relégué à 1 tour de Senna, il doit alors se contenter de la 4e place en principauté.

Un départ chaotique à Hockenheim

En Allemagne, à Hockenheim, la Schumi-Mania bat son plein. Celui qui n’est pas encore le Kaiser soulève déjà les foules sur sa Benetton-Ford. Le warm-up, disputé dans des conditions diluviennes, a été marqué par un terrible crash de Derek Warwick sur sa Footwork, mais plus de peur que de mal. Williams verrouille sans surprise la première ligne.

Départ…et Alain Prost manque une fois de plus son démarrage ! Hill s'empare de la première place, suivi par Schumacher, tandis que Senna plonge à l'intérieur du premier virage pour doubler Prost. Les deux anciens rivaux du temps de McLaren-Honda franchissent à fond et côte à côte la première longue ligne droite. En 1991, les deux s’étaient déjà toisés mais Prost avait dû prendre l’échappatoire avec sa Ferrari pour éviter l’accident. Cette fois-ci, le pilote Williams s'impose par l'intérieur à la chicane. Senna résiste, traverse le bac à graviers et revient en piste à contre-sens. Il n'est par bonheur heurté par personne, effectue un 360° et repart en dernière position. Prost est parti en travers mais parvient à rectifier sa trajectoire. Plus loin, à l'abord de la deuxième chicane, Brundle se porte à sa hauteur et retarde son freinage... au point de perdre le contrôle de sa Ligier. Il amorce un tête-à-queue et force ainsi Prost à couper la chicane par un superbe réflexe. Les deux pilotes rejoignent la piste grâce à l'échappatoire, sans perdre de positions.

Une pénalité discutable

Prost adopte rapidement le rythme le plus élevé, dépasse Schumacher au 6e tour puis son équiper Damon Hill au 9e tour. Mais, patatras ! Au 10e tour, la direction de course lui inflige une pénalité de 10 secondes…pour avoir court-circuité la chicane lors du 1er tour ! Visiblement, les commissaires n’ont pas vu que Prost a coupé pour éviter la Ligier de Brundle en perdition (l’anglais est également pénalisé !) et qu’il n’avait tiré aucun avantage de cet incident. Ou alors, on veut retarder une issue du championnat qui semble trop vite se dessiner…

Prost replonge ainsi à la 6e place du classement et laisse filer Damon Hill, lequel devance Schumacher. Pendant que le français entame sa remontée, de même que Senna, qui cravache depuis sa toupie du départ, une intense bagarre anime la mi-course entre Mark Blundell (Ligier) et Gerhard Berger (Ferrari). La bataille dure deux tours et frôle à plusieurs reprises la correctionnelle, surtout à cause du pilotage rugueux de l’autrichien qui ferme les portes en zigzaguant et donne même des coups de volant, forçant ainsi Blundell à mettre deux roues dans l’herbe dans une ligne droite à plus de 340 km/h !

La poisse de Damon, la victoire aigre-douce de Prost

A quelques tours de l’arrivée, rien ne peut entraver Damon Hill, qui compte 16 secondes d’avance sur Prost. Williams a bien quelques inquiétudes sur les pneumatiques de l’anglais, qui n’a pas fait d’arrêt aux stands, mais son rythme de course ne s’est pas effondré. Et coup de théâtre ! Au 44e tour, le pneu arrière-gauche de Hill déchape avant la troisième chicane, soulevant une gerbe d'étincelles. Décidément, après Adelaïde 1986, les histoires de gomme chez Williams sont problématiques ! Prost double son équipier et roule vers la victoire. Hill tente de regagner son garage mais part en tête-à-queue juste avant l'entrée des stands et abandonne sa Williams perchée sur un vibreur.

"Le professeur" remporte ainsi son 51ème et dernier succès en Formule 1, devant un jeune Schumacher qui fait trembler d’allégresse le stadium. Malgré son succès, le français ne décolère pas face à une pénalité qu’il juge infondée : « Fallait-il rester en plein milieu et provoquer un accordage sur lequel le reste du peloton allait s'écraser ? J'ai volontairement choisi d'alléger mon freinage et de tirer tout droit, dans l'échappatoire. Je n'avais pas le choix (…) Cette sévérité relève du scandale. Tout cela n'existe que pour rendre le spectacle plus intéressant. » Martin Brundle tombe lui aussi des nues quand il comprend que les commissaires n’ont pas vu son tête-à-queue ni même regardé le replay !

Ces intrigues et manœuvres en sous-main pèseront très lourd dans le choix d’Alain Prost de raccrocher ses gants dès la fin de la saison 1993, alors même qu’il disposait d’un contrat pour 1994. Quant à Damon Hill, malheureux après deux victoires perdues à Silverstone (casse moteur) et en Allemagne, il s'imposera enfin en Hongrie.

 

 

Classement course

1             Alain PROST       Williams Renault 1h 18m 40.885s 

2             Michael SCHUMACHER  Benetton Ford Cosworth+16.664s          

3             Mark BLUNDELL Ligier    Renault +59.349s

4             Ayrton SENNA   McLaren Ford Cosworth +1m 08.229s

5             Riccardo PATRESE Benetton Ford Cosworth +1m 31.516s

6             Gerhard BERGER Ferrari +1m 34.754s   

7             Jean ALESI Ferrari +1m 35.841s

8             Martin BRUNDLE Ligier  Renault                             

9             Karl WENDLINGER Sauber            Sauber                              

10          Johnny HERBERT Lotus  Ford Cosworth  

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Pour résumer

En juillet 1993 à Hockenheim, Alain Prost remporte sa 51e et dernière victoire en Formule 1, après une course mouvementée où il s'est vu infligé une pénalité étrange avant de profiter des malheurs de Damon Hill à quelques kilomètres de l'arrivée.

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