Jacques Calvet (1931 - 2020) : une vision de la France
par Thibaut Emme

Jacques Calvet (1931 - 2020) : une vision de la France

Patron de PSA Peugeot-Talbot Citroën de 1982- à 1997, Jacques Calvet est décédé à l'âge de 88 ans. Ce grand patron laisse derrière lui une impression mélangée entre restructuration réussie, mais aussi conflit social chez PSA.

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Comme un pied de nez du destin, Jacques Calvet est né le 19 septembre 1931 à Boulogne-Billancourt et est mort à Dieppe le 9 avril 2020. Deux villes emblématiques du grand rival de l'époque, Renault (avec Alpine).

Après des études de droit, puis Sciences Po, et enfin l'ENA de 1955 à 1957, Jacques Calvet entre à la Cour des Comptes. Ce haut fonctionnaire va alors prendre du galon dans les différents cabinets ministériels en suivant celui qui n'était pas encore Président de la République, Valéry Giscard d'Estaing. Marqué à droite, J. Calvet part à la Banque nationale de Paris (BNP). Il y restera de 1974 à 1982, jusqu'à ce que la majorité Présidentielle bascule à gauche et ne décide de changer quelques têtes.

C'est à ce moment-là que la Famille Peugeot fait appel à lui pour redresser PSA Peugeot-Talbot Citroën. En effet, Peugeot a racheté Citroën à Michelin (à la demande des gouvernants de l'époque) en 1974. Puis, PSA Peugeot Citroën rachète Chrysler Europe qui deviendra Tablot. La relance de la marque Tablot se passe mal, on est en plein deuxième choc pétrolier et le monde se tourne vers les petites voitures. La gammes vieillissante de grandes berlines pèse lourd pour un groupe qui était en 1979 le 4e groupe automobile mondial derrière GM, Ford et Toyota, et surtout le 1er groupe automobile européen !

Le début de la présidence de Calvet est marqué par de grandes suppressions d'emplois. Près de 10% des effectifs sont "sacrifiés" pour restructurer le groupe. L'idée de Calvet est de rationaliser les gammes et de faire, déjà à l'époque, de grandes synergies entre les marques. La décision est aussi prise de tuer une nouvelle fois Talbot qui disparaît en 1986 et ne survit alors plus qu'en Angleterre.

Un groupe restructuré et assaini financièrement

Lancée avant sa présidence, la Peugeot 205 va être mise en avant pour sauver le groupe qui cumule plus de 30 milliards de Francs de dette. Il lance de petits modèles, leur met des moteurs Diesel, et stoppe l'hémorragie des ventes. Cette quasi mono-culture, du diesel et de la 205, ainsi qu'une marque, Citroën, qui se "banalise", sont les principaux griefs contre lui. Mais, embauché pour sauver le groupe par la Famille Peugeot, il laisse, en 1997, un groupe bénéficiaire avec des fonds propres remis à flot. Le groupe PSA est redevenu 3e groupe automobile européen avec 12% de part de marché.

Tout ne s'est pas fait facilement. Jacques Calvet est un homme certes charismatique, mais qui sait se montrer ferme. Sous sa présidence, les effectifs vont fondre de moitié. Surtout, il s'oppose frontalement à un pouvoir socialiste, et doit aussi affronter des grèves sociales très dures. Surtout que dans le même temps, sa rémunération augmente. A l'époque, on ne parle pas du salaire des grands patrons et forcément quand on commence, cela grince des dents.

Le groupe PSA refuse une augmentation de salaire aux ouvriers à la fin des années 80. Mais, le Canard Enchaîné se procure la feuille d'imposition du patron sur les dernières années. Il y apparaît une augmentation de près de 50% en à peine 2 ans. Scandale, procès et une image brouillée. Ces scandales aboutiront à l'obligation légale en 2003 de publier la rémunération des patrons d'entreprises cotées.

Des problèmes de "ouatures"

Calvet est également un anti-Maastricht convaincu. Considérant l'Europe comme une "machine folle", il s'est battu pendant son mandat à la tête de PSA, mais aussi avant et après, contre une Europe qui ouvre les bras à la concurrence, et surtout une Europe qui signe un accord avec l'ennemi, le Japon. En effet, en 1991, l'accord Bruxelles-Tokyo prévoit la libéralisation des échanges entre les deux signataires. Et Calvet de prédire que l'Europe roulera bientôt en Nissan et en Toyota.

Sa notoriété publique, Jacques Calvet la doit en partie aux Arènes de l'Info, devenues plus tard les Guignols de l'Info sur Canal+ qui n'hésitent pas à le brocarder férocement. Jacques "Calouet" y est montré en patron un peu dépassé par ses problèmes de "ouatures". La Peugeot 605 sera aussi une cible favorite des auteurs. Cette satire, Calvet ne la supporte pas. Il intente un procès, qu'il perd, et n'a jamais réellement goûté cet humour potache.

En 1997, atteint par la limite d'âge, il part et cède la place à Jean-Martin Folz. L'un de ses regrets à la tête de PSA et de ne pas avoir pu continuer de redresser le groupe et d'avoir poursuivi l'internationalisation débutée tardivement. Ses successeurs ne feront pas mieux sur ce plan puisque PSA est toujours très (trop) centré sur l'Europe.

Volontiers paternaliste, grandiloquent souvent, conservateur selon certains, il laisse une empreinte importante chez PSA. Sans lui, le groupe automobile sous les difficultés financières, aurait peut-être simplement été absorbé par un concurrent.

C. Tavares réagit à la disparition de son prédécesseur

A l’annonce du décès de Jacques Calvet, Carlos Tavares, Président du Directoire du Groupe PSA déclare : « C’est avec une grande tristesse que j’apprends le décès de Jacques Calvet et je tiens à exprimer au nom de tous les salariés du Groupe PSA nos sincères condoléances à son épouse et à sa famille. Jacques Calvet, grand visionnaire, a dirigé l’entreprise de 1984 à 1997, pour en faire un constructeur automobile de premier plan.

Je tiens à saluer la mémoire de ce grand capitaine d’industrie qui nous quitte, doté d’un rare courage et d’une détermination sans faille qui doivent nous inspirer. Au regard de la crise que nous traversons, son exemple nous oblige et nous engage à protéger l’entreprise dans l’intérêt de ses salariés, comme il a toujours su le faire ».

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Pour résumer

Patron de PSA Peugeot-Talbot Citroën de 1982- à 1997, Jacques Calvet est décédé à l'âge de 88 ans. Ce grand patron laisse derrière lui une impression mélangée entre restructuration réussie, mais aussi conflit social chez PSA.

Thibaut Emme
Rédacteur
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