Stellantis a trouvé son nouveau PDG : Antonio Filosa. L’Italie reprend le pouvoir ?

filosa

Habemus ducem !

Après le départ surprise et anticipé de Carlos Tavarès en décembre dernier, Stellantis a pris le temps de trouver son nouveau PDG. A partir du 23 juin, Antonio Filosa dirigera le groupe né de la fusion de FCA et PSA. Considéré dès le départ parmi les candidats les plus probables, le manager italien a été choisi à l’unanimité par le conseil d’administration après « un processus de recherche approfondi de candidats internes et externes « . Il prend la suite de John Elkann, qui avait repris le rôle à titre intérimaire et restera président exécutif du groupe. Le plébiscite d’Antonio Filosa vient de son expérience acquise sur plus de 25 ans d’activité dans le secteur automobile, la multiplicité des fonctions exercées dans le monde entier, sa connaissance de l’entreprise et ses qualités de leadership.

25 ans au sein du groupe

Né à Naples en 1973, Antonio Filosa présente une allure très différente de celle de Carlos Tavarès. On pourrait même le considérer comme son antithèse. La communication autour de lui appuie sur son charisme, ses capacités d’écoute et son caractère affable, son sens du travail collégial, comme pour mieux prendre le contrepied de son prédécesseur, jugé autoritaire et autocrate.

Très latin, de nationalité italienne et brésilienne, c’est un pur produit du « cursus honorum » FCA, dont il a rejoint les rangs en 1999 avant même que FCA n’existe. Il a occupé des postes à responsabilités croissantes et très diversifiés. Il a été directeur d’une usine Fiat à Betim, au Brésil, puis responsable des achats pour la région Amérique Latine. Directeur de l’Argentine et des marques Alfa Romeo et Maserati pour la région Amérique Latine à la fin des années 2010, il a fini par obtenir la direction de Stellantis en Amérique du Nord et du Sud.

Durant son mandat de PDG de Jeep, Antonio Filosa a étendu la présence de la marque américaine également en Europe, ce qui l’a conduit à être nommé en décembre 2024 directeur de l’exploitation de la marque dans les Amériques et, en février dernier, directeur qualité du constructeur au niveau mondial.

Une nouvelle approche ?

« La connaissance approfondie d’Antonio de notre entreprise et de notre secteur le prépare parfaitement à son rôle dans cette nouvelle phase cruciale du développement de Stellantis », a déclaré John Elkann, rappelant qu’il avait travaillé en étroite collaboration avec le nouveau PDG au cours des six derniers mois, au cours desquels Filosa « a dirigé l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud dans une période de défis sans précédent ».

Remerciant le président John Elkann et les membres du conseil d’administration, le nouveau PDG a déclaré : « Nous possédons les marques les plus prestigieuses et les plus emblématiques de l’histoire de l’automobile, ainsi qu’une tradition d’ innovation vieille de plus de 100 ans. Cette histoire, alliée à notre engagement à fournir à nos clients les produits et services qu’ils apprécient, est la clé de notre succès. »

Dans une lettre adressée aux employés et révélée par BFM, il explique que « Cette entreprise est dans mon sang. Je ne pourrais être plus fier de l’opportunité qui m’est donnée de travailler avec vous tous, à travers le monde, dans le cadre de mes nouvelles fonctions, à votre service, pour Stellantis ».

Un Everest à gravir

La tâche de Filosa est immense, après une année 2024 qui a vu les ventes et les bénéfices de Stellantis fondre (-70%), en Europe comme en Amérique. De nombreux dossiers épineux l’attendent, dont la crise des usines italiennes. Termoli est en cours de démantèlement, tandis que Cassino, Mirafiori et consorts tournent au ralenti.

Autre dossier brûlant, la situation commerciale très compliquée et la faible rentabilité de plusieurs marques, en premier lieu Maserati (où est le plan produit ?) mais aussi Abarth, Lancia, DS dont les ventes sont insuffisantes et, dans une moindre mesure, Alfa Romeo. La transition électrique, le rattrapage technologie face à la concurrence chinoise et la gestion délicate des capacités de production sont autant de challenges à surmonter. L’avenir est aussi incertain en Amérique, où le groupe a dévissé et où s’ajoutent maintenant les inquiétudes face aux menaces douanières de Trump. Filosa aura sans doute des choix difficiles à trancher dans les mois et les années à venir.

Les Italiens ont-ils repris les rênes ?

Le choix de Filosa est sans doute également politique et pourrait bien traduire un mouvement de balancier du pouvoir au sein de Stellantis vers l’Italie. Né de la fusion de l’italien FCA et du français PSA, le groupe Stellantis avait penché du côté français depuis ses débuts en 2021, avec la prise de pouvoir de Carlos Tavarès, la montée en grade de Jean-Philippe Imparato et le poids très français des technologies et moteurs utilisés dans le groupe. Avec le départ de Tavarès, la partie italienne est visiblement en train de reprendre le leadership, alors, qu’au même moment, des rumeurs font état d’un possible désengagement de la famille Peugeot.

Alors que les relations entre Stellantis et le gouvernement italien ont été houleuses depuis l’an dernier, la nomination de Filosa est-elle une confirmation d’un basculement du centre de gravité de l’autre côté des Alpes ? La représentativité de la partie française du groupe s’efface donc au sein de l’état-major, ce qui fait déjà craindre des conséquences néfastes pour les sites de production tricolores. L’usine de Poissy fait partie des sites sur la sellette. Cela aura-t-il aussi des conséquences d’un point de vue technique et technologique ? Les moteurs Puretech ont été privilégiés, en dépit des problèmes techniques et des dégâts médiatiques des premières générations, face aux moteurs Firefly tombés en déshérence. A suivre…

(13 commentaires)

  1. Bon vent (de départ dans sa nouvelle fonction) et bon courage !
    Car les problèmes sont nombreux… La partie technique est réglée à 90 %… Mais la politique !??? Tout reste à faire !
    J’espère que sa nationalité italienne lui ouvrira des portes et évitera des blocages.

  2. Il y a du boulot, c’est certain.
    Entre la grogne du réseau américain qui en avaient marre de vendre de la camelote hors de prix face à la concurrence.
    Le réseau européen des concessionnaires qui en avaient marre d’avoir des marges toujours aussi faibles au dépend du constructeur.
    La gestion des plateformes… Plateforme indienne… même Renault n’a pas oser
    Et enfin la segmentation des marques qui était territoriale principalement avec Tavares
    Gros gros travail en perspective pour « normaliser » Stellantis

    1. « La gestion des plateformes… Plateforme indienne… même Renault n’a pas oser »
      … C’est quoi la Spring !?
      Et la « Plateforme indienne » dérive directement de la STLA Small à 90 % !

      1. Non la STLA Small n’existe pas encore, elle est repoussée à 2027 et est censée être une toute nouvelle plateforme que la 208III devrait inaugurer

        La plateforme « indienne » équipant les véhicules bon marchés du groupe est effectivement une version dépouillée de la CMP conçue par PSA et lancée il y a 7 ans

        1. @Virage, oui, c’est exact, je me suis trompé de génération.
          Mais parler de « Plateforme indienne » quand la base est à 90 % PSA puis largement modifié pour les standards Européens.
          … Effectivement, après, on peut dire que Bugatti est 100 % français… Tant qu’à faire, on est plus à un baratin de près !

      2. La différence est simple : la Spring est un exemple unique dans la Galaxie Renault, alors que chez Stellantis la STLA Smart équipe en Europe 2 Citroen, 1 Opel, bientôt 2 voir 3 Fiat, c’est donc loin d’être une exception

        1. @Virage, « Stellantis la STLA Smart équipe en Europe 2 Citroen, 1 Opel, bientôt 2 voir 3 Fiat, c’est donc loin d’être une exception » c’est un fait…Et c’est justement l’avantage du groupe Stellantis… le cas unique de la Galaxie Renault, c’est justement la faiblesse d’être trop seule !

  3. Le basculement du pouvoir vers l’Italie s’explique probablement par 2 facteurs imprévus :

    – Le scandale du Puretech qui a ruiné l’image de Stellantis et celle de la technologie française.
    Si vous observez bien, depuis l’éviction de Tavares en décembre 2024, Stellantis semble vouloir se défaire de toute association avec la France et le groupe le fait savoir via différentes opérations de communication/marketing.
    Par exemple, les déclarations des dirigeants, y compris Jean-Philippe Imparato (un exPSA) qui explique que désormais l’Italie serait au centre de la stratégie de Stellantis (il faut comprendre « le coeur de Stellantis »).
    Ensuite, le choix de Turin comme siège social européen du groupe.
    Relisez toute l’actu de Stellantis depuis décembre 2024, c’est hyper intéressant, on voit bien que tout est fait pour pencher vers l’Italie, comme s’il fallait faire oublier tout ce qui vient de France (à cause du Puretech et à cause de la gestion de cost-killer de Tavares).

    – 2e facteur imprévu :
    La nomination du financier Edouard Peugeot à la tête de Peugeot Invest.
    Si Robert Peugeot avait été plus jeune (ne serait-ce que de 10 ans), les exPSA auraient gardé le contrôle sur Stellantis mais là, on voit bien qu’avec la nouvelle génération de Peugeot, le coeur n’y est plus.
    En résumé, ce ne sont plus des industriels mais des financiers perdant de l’argent avec un groupe Stellantis à l’image « francisée » désastreuse.

    Au moment de la fusion, c’était clairement les exPSA et donc la France qui contrôlaient Stellantis.
    Il ne faut pas oublier non plus qu’il y a un pacte d’actionnaire entre les Peugeot et l’état français (et aussi avec ce qui reste de Dongfeng dans l’actionnariat) car tous les médias ne parlent que des 7.7% des Peugeot dans Stellantis, contre les 15% d’Exor.

    Donc en fait, l’actionnariat ne change pas en lui-même (il n’est pas déséquilibré entre la partie française et la partie italienne).
    C’est juste que pour le moment, les Peugeot ne souhaitent pas monter d’avantage au capital de Stellantis.

    Ensuite, personne ne connaît avec précision les termes du contrat de fusion : il y a certainement une partie encore confidentielle (qui explique qu’un PSA en meilleure santé ait accepté de s’associer au groupe FCA tout entier).
    Concernant la fusion inversée que beaucoup de gens ne comprennent pas : c’est normal que l’exFCA soit resté l’entité survivante qui a ensuite absorbé PSA pour ensuite changer de nom, c’est le principe même de ce type de fusion.
    Dans les documents juridiques, c’est PSA qui a été déclaré comme étant le l’acheteur (d’un point de vue comptable).
    Sans PSA, FCA aurait certainement fini en revente à la découpe, tant la partie italienne était mal en point.
    Donc en 2019, PSA était davantage en position de force que FCA

    Ce qui est vraiment flou, à présent avec Stellantis, c’est que les 2 familles historiques qui dirigent le groupe sont désormais dirigées par des financiers qui souhaitent investir ailleurs que dans leur groupe automobile.
    C’est très possible qu’un jour, dans quelques années, les Peugeot et les Agnelli/Elkann continuent leur désengagement dans Stellantis et qu’au final ce soient les américains qui en profitent pour prendre définitivement le pouvoir : Stellantis devenant un groupe 100% américain avec des filiales en Europe, comme jadis GM ou encore maintenant Ford.
    Ca serait complètement ironique mais c’est possible que ça se passe ainsi : une relation de plus en plus conflictuelle entre les américains et les européens.
    Un scénario à la Renault-Nissan où le japonais mettait sans cesse la pression au français car il était plus gros et rapportait plus d’argent (sans parler du gouffre culturel).

  4. Le départ surprise et anticipé de Carlos Tavarès….. disons plutôt qu’il s’est sauvé, façon Carlos Ghosn, sans avoir eu recours à l’avion et à la caisse ….. mais sa disparition des écrans depuis son départ en dit long…

  5. « L’Italie reprend le pouvoir ? »

    Effectivement, jusqu’à maintenant ou du moins jusqu’à la fin de Tavares … On pouvait dire que Stellantis était un gros « Peugeot »… Là, les rapports de forces ont bien changé, un patron italien venant de Fiat et les % chez Stellantis des « Fiat » qui sont au double des « Peugeot ».

    Stellantis est devenue une sorte de gros « Fiat », c’est un fait !

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