Rétro 40 ans : « Jeannot » Ragnotti remporte un Tour de Corse 1985 tragique

Le Tour de Corse 1985 fut marqué par la victoire de Jean Ragnotti sur la R5 Maxi Turbo mais aussi la mort d’Attilio Bettega. Retour sur cet épisode tragique qui a eu lieu il y a 40 ans déjà.

Peugeot 205 T16, l’épouvantail

En 1985, le groupe B enflamme le championnat du monde des rallyes. Peugeot est venu bousculer la hiérarchie, remettant en cause la suprématie affichée par Audi en 1984. En effet, les coupés Sport Quattro, malgré les 400 chevaux de leur moteur 5 cylindres, sont malmenés depuis le début de la saison par la 205 T16. Les lionnes n’ont peut-être que 350 chevaux, mais la position centrale arrière du bloc, l’excellente répartition des masses et la compacité du modèle, qui ne pèse que 980 kg (contre 1050 aux allemandes), en font une redoutable machine de guerre.

Peugeot a ainsi écrasé le début de la saison avec des victoires d’Ari Vatanen au Monte-Carlo et en Suède, puis de Timo Salonen au Portugal.  Plus inquiétant encore pour leurs adversaires, Peugeot ne s’endort pas sur ses lauriers et engage au Tour de Corse, aux mains de Bruno Saby, la 205 T16 Évolution 2, qui gagne 70 kg sur la balance, avec un aérodynamisme renforcé et un moteur qui, désormais suralimenté par un turbocompresseur Garrett, délivre 430 chevaux à 7500 tr/min !

Derrière le duel Peugeot/ Audi, Lancia tente de résister avec les 037 Rally de Markku Alén, Attilio Bettega et Massimo Biasion. Ces berlinettes à moteur central de 960 kg et 330 chevaux sont encore agiles mais leur transmission à propulsion ne leur permet plus de rivaliser avec les intégrales. De toute façon, Lancia a stoppé le développement des 037 et s’active pour engager sa nouvelle arme, la Delta S4.

Maxi : Apogée de la R5 Turbo

Autre apparition inédite en mondial, celle de la Renault 5 Maxi Turbo groupe B, pilotée par Jan Ragnotti, qui est une évolution de la R5 Turbo « Tour de Corse » avec laquelle il a été champion de France en 1984.

Pour jouer sa carte en Groupe B face aux machines à transmission intégrale, Renault a sorti le grand jeu. Le moteur, dont la cylindrée passe de 1397 à 1527cc, reçoit un nouveau turbocompresseur agrémenté d’un système à dépression issu de la Formule 1. Le train avant s’élargit et les freins comportent des disques ventilés au diamètre augmenté. Quant au look il est ultra spectaculaire : coque en acier avec un pavillon en aluminium, carrosserie étudiée en soufflerie, six gros phares ronds intégrés en plus des phares communs à toutes les R5, et énorme aileron monté sur le hayon.

Elle ne pèse que 905 kg contre 960 pour sa devancière. Son moteur quatre cylindres, en position centrale arrière, gavé par un turbocompresseur Garrett, développe 350 chevaux à 6500 tr/min. La maestria de « l’acrobate » Jeannot et l’agilité de la Maxi Turbo, légère et puissante, peuvent en faire une cliente redoutable.

Le Tour de casse !

Le rallye « aux 10.000 virages », comme on le surnomme, est un juge de paix, qui éprouve les mécaniques et les pilotes. Routes sinueuses, piégeuses, où du gravier et de la terre peut surgir au coin d’une courbe asphaltée. Aucun répit n’est possible, aucune erreur n’est tolérée et il fait très chaud en ce début mai 1985. Bref, la victoire ne sera pas une simple affaire d’efficacité mécanique, mais aussi une course de résistance, où les pilotes doivent avoir des nerfs d’acier pour surmonter la fatigue.

Le Tour de Corse 1985 est ainsi une hécatombe, une course par élimination : dès le premier tronçon chronométré, alors que Jean Ragnotti prend le leadership devant Attilio Bettega, on compte déjà les abandons des 205 de Timo Salonen et Bernard Darniche, celui de l’Opel Manta 400 de Guy Fréquelin et celui de l’unique Audi Quattro de Walter Röhrl, victime d’un disque de frein cassé. Après seulement quarante kilomètres de course, quatre équipages de pointe sont déjà hors course !

Drame chez Lancia

La course tourne au drame dans le 4e secteur chronométré. Bettega sort large d’une courbe rapide et tape une pierre. Catapultée, la Lancia amorce un vol plané avant de heurter un arbre de plein fouet, à la hauteur du pilote, probablement tué sur le coup. La voiture termine sa course en contrebas de la route. Maurizio Perissinot, le copilote de Bettega, s’en extrait totalement indemne. Révélé par le trophée Autobianchi en 1977, Bettega avait roulé pour FIA avant d’intégrer la Scuderia Lancia en 1982, avec comme meilleur résultat une 2nd place au San Remo 1984. Une chape de plomb s’abat sur le tour de Corse et les pilotes.

Tandis que Ragnotti possède plus d’une demi-minute d’avance sur Vatanen à l’issue de cette première journée, Markku Alén, 3ème mais dévasté par la disparition de son coéquipier, annonce son retrait. Biasion fera de même peu après.

https://www.facebook.com/watch/?v=1327859200592904

Vatanen pousse, un peu trop

L’après-midi annonce un duel d’anthologie entre Ragnotti et Vatanen. Fidèle à sa réputation, le finlandais attaque comme un dingue. Un tête à queue de Ragnotti dans l’ES7 le ramène à 1 seconde du français, mais dans le secteur suivant, Ari est victime coup sur coup de deux crevaisons suite à des contacts avec des pierres. Sans roue de secours, il doit faire appel à l’hélicoptère d’assistance et perd 27’ dans cette affaire !  Les espoirs de victoire s’envolent. Nullement refroidi, il repart le couteau entre les dents, aligne encore des scratchs (55’’ infligés à Ragnotti dans l’ES12 !) mais pointe 6e à 25’ du leader, qui compte plus de 6’ d’avance sur Bruno Saby.

Vatanen poursuit son effort le vendredi et remporte les quatre épreuves spéciales de la matinée, remontant à la quatrième place. Mais entre Moriani et Cervione, il rate un virage. La 205 part en tonneaux et retombe en contrebas de la route. L’équipage est miraculeusement indemne mais contraint à l’abandon. Fort de son avance, Ragnotti a légèrement levé le pied et rejoint Corte avec encore près de six minutes d’avance sur Saby.

Chant du cygne de la Maxi

Vatanen éliminé, la course se calme. Chacun essaie d’en finir avec cette épreuve d’élimination. Ragnotti, qui a mené l’épreuve de bout en bout, remporte son deuxième Tour de Corse tandis que Saby, deuxième, permet à Peugeot de réaliser une excellente opération au championnat par rapport à Audi. Les Porsche de Béguin et Coleman s’octroient les troisième et quatrièmes places devant les Alfa Romeo GTV de Loubet et Balas qui signent le doublé en groupe A.

Le Tour de Corse se termine dans la tristesse et le deuil après la mort de Bettega. Un an plus tard, jou pour jour, la grande faucheuse frappera encore Lancia et le rallye, avec la disparition du petit prodige Henri Toivonen. Ce sera alors la fin programmée du Groupe B.

(2 commentaires)

  1. Quelle époque ces groupe B !
    Moins de 1000 kg et 350 à 400 ch, elles en ont fait vibrer plus d’un

  2. Époque incroyable et fantastique !
    Que les constructeurs Français ne devraient pas oublier pour faire le buzz commercial et économique… C’était ultra bon pour l’image de marque, et cela faisait vibrer tout le monde !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *