Métaux pour VE : risque d’une double dépendance
par Elisabeth Studer

Métaux pour VE : risque d’une double dépendance

Alors que l’industrie met actuellement les bouchées doubles pour assurer la transition énergétique, certaines voix redoutent d’ores et déjà que le phénomène accentue la dépendance de l’économie occidentale vis-à-vis de la Chine.

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Christel Bories, PDG du groupe minier français Eramet, n’y va pas par quatre chemins, s’alarmant du fait que l’Europe risque une "double dépendance" vis-à-vis de la Chine en matière de transition énergétique, à la fois pour l'extraction des métaux rares et pour leur transformation industrielle.

Transition énergétique : l’Europe risque une double dépendance

"L'Europe doit faire attention de ne pas se retrouver avec une double dépendance chinoise : à la fois sur l'extraction et sur la raffinerie" des métaux comme le manganèse, le cobalt, le nickel ou le lithium, utilisés dans la fabrication des batteries électriques, a déclaré Christel Bories sur BFM Business.

L’Europe se doit d’avoir des acteurs miniers capables de répondre aux besoins de production des VE

"La batterie d'un véhicule électrique, c'est 40% de la valeur du véhicule, et une grande partie de son poids, ce sont des métaux : nickel, manganèse, cobalt, lithium, les fameuses batteries lithium-ion" a tenu à rappeler la dirigeante.

"On parle de gigafactory, mais d'où vont venir les matières premières ?" s'est-elle interrogée. Redoutant une suprématie de la Chine en la matière.

Selon elle, l'Europe devait avoir des acteurs miniers capables "de développer et de produire de façon responsable les métaux de la transition énergétique".

Peu d’acteurs européens dans le secteur

Alors qu'Eramet est considéré comme un acteur stratégique par l'État français, "il n'y pas beaucoup d'autres acteurs européens" dans le secteur, a rappelé Christel Bories.

Selon elle, il faut développer ou aider à développer des entreprises du type d’Eramet et agir pour soutenir les start-up créées dans ces domaines-là.

L’Europe doit faire de la géopolitique … aussi bien que la Chine

Selon elle, l'Europe doit "faire de la géopolitique », à savoir « de la diplomatie économique pour se lier à des pays qui ont ces richesses-là ».

Observant que la Chine « fait cela extrêmement bien de façon efficace depuis de nombreuses années » … elle constate que l’Empire du Milieu « a mis la main sur beaucoup de ressources".

Métaux : hausse des besoins et des prix

Le groupe Eramet est désormais recentré sur les activités minières stratégiques. Il affiche une hausse de 8% de son chiffre d'affaires au premier trimestre.

Sa croissance a été tirée durant la période par celle de ses mines et par la hausse des prix des métaux sur les marchés mondiaux, malgré le recul des ventes des alliages haute affectés par la crise de l'aéronautique.

Eramet et Nouvelle Calédonie concurrencés par la Chine sur le marché du nickel ?

En mars dernier, Tsingshan, un géant mondial de l’acier inoxydable, a annoncé qu’il pourrait produire du nickel de qualité batterie, à partir de fonte de nickel à bas coût, d'ici la fin de l'année 2021.

Le groupe chinois prévoit de doubler sa production de fonte de nickel (NPI) en 2 ans et de la convertir en vue de satisfaire la demande des véhicules électriques.

La production de nickel du groupe chinois passerait ainsi de 75.000 tonnes aujourd’hui à 800.000 tonnes en 2022 et à 1,1 millions de tonnes en 2023.

De quoi inquiéter Eramet et ses activités d’extraction en Nouvelle-Calédonie … et les écologistes. Car si la fonte de nickel est abondante, le processus est polluant.

Si l’annonce de Tsingshan a fait chuter le prix du nickel, certains analystes émettent quelques doutes, pointant une annonce prématurée et opportuniste. Les propos du groupe chinois coïncidant avec l’arrivée de Tesla en Nouvelle-Calédonie, et le sauvetage du site industriel de l’Usine du Sud.

La Chine contrôle un tiers de l’offre mondiale du lithium

Si la Chine ne produit que 7 % du lithium mondial, elle a toutefois investi dans les mines étrangères. Le géant chinois du lithium Tianqi et Ganfeng, entreprises spécialisées dans la transformation de ce métal, contrôlent un tiers de l’offre mondiale du lithium via leurs parts dans des mines australiennes et chiliennes.

Et 90 % du minerai extrait sur le salar d’Uyuni, en Bolivie, sont exportés vers la Chine. Le gouvernement bolivien a signé un accord avec l’entreprise chinoise Xinjiang TBEA Group pour exploiter d’autres salars, à Coipasa et à Pastos Grandes.

En mai 2018, Tianqi a renforcé sa position dans le secteur via un accord de tout premier ordre au Chili, première source minière mondiale de cette matière première indispensable à la fabrication des batteries. Equipement dont la production ne cesse de s’accroître à la faveur du développement des véhicules électriques.

Suivant sa ferme volonté de dominer le secteur, Tianqi est ainsi monté au capital du chilien SQM (Société chimique et minière du Chili), premier exploitant du lithium. Une participation de choix alors que SQM exploite le salar d’Atacama, site chilien qui recèle les plus importantes ressources de lithium au monde, le Chili possédant dans son ensemble les plus grandes réserves mondiales de cette matière première.

Notre avis, par leblogauto.com

Alors que les batteries constituent un élément clé du processus de production d’un véhicule électrique et que constructeurs et équipementiers européens tentent de s’affranchir de la suprématie asiatique en la matière en implantant des unités industrielles sur le Vieux Continent, une double dépendance pourrait voir le jour en amont de la chaine. Ne pouvant plus « jouer » sur les prix des batteries elles-mêmes – celles-ci étant à terme produites en Europe - la Chine pourrait user d’une nouvelle arme : le cours – voire la disponibilité - des matières premières.

Mais ne nous leurrons pas. La dirigeante d’Eramet prêche pour sa paroisse, son discours – certes clairvoyant sur les risques d’une dépendance - est également dicté par la peur de voir chuter les débouchés et revenus de l’entreprise issus de l’extraction du nickel. La concurrence s’annonce dure …

L’arrivée de Tsingshan sur le marché destiné à la production de véhicules électriques pourrait accroitre l’offre de manière très importante, offrant ainsi une alternative au nickel de qualité batterie. De quoi faire dégringoler les prix et fragiliser les quelques producteurs responsables, avec au premier rang la Nouvelle-Calédonie. Pour aboutir au final à une situation dominante de la Chine ?

Reste que la production de nickel pour batteries à partir du NPI, proposé par Tsingshan, serait six fois plus polluante que réalisée sur le territoire calédonien avec une empreinte carbone près de cinq fois supérieure.

Quant aux matériaux de type lithium, la Chine semble avoir déjà fait main basse sur les ressources … devenant en quelque sorte maître du monde ?

Les métaux pour les véhicules électriques seront au 21ème siècle ce que l’or noir aura été pour les moteurs thermiques au 20ème siècle. La Chine l’a bien compris. Déployant ses talents géopolitiques de la même manière que pour le pétrole …

Sources : Eramet, AFP, Géo, France.TV

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Alors que l’industrie met actuellement les bouchées doubles pour assurer la transition énergétique, certaines voix redoutent d’ores et déjà que le phénomène accentue la dépendance de l’économie occidentale vis-à-vis de la Chine.

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