Crise automobile à Guangzhou : entre pressions internationales, chute industrielle et réinvention

En Chine, Guangzhou (alias Canton en français) fait face à une crise automobile sous l’effet des droits de douane, des licenciements et même de la montée des marques chinoises. Un paradoxe apparent qui oblige la ville et les dirigeants à réinventer la métropole.

Guangzhou, grande métropole industrielle du sud de la Chine, traverse une période délicate. Ce centre névralgique de la production automobile fait face à une convergence de problèmes économiques, géopolitiques et structurels.

La ville, historiquement dépendante des constructeurs automobiles étrangers, notamment japonais, subit de plein fouet les répercussions des droits de douane américains et européens sur les véhicules électriques (VE) chinois, ainsi qu’une concurrence nationale de plus en plus féroce. Cette situation affecte non seulement les grandes entreprises mais aussi la vie quotidienne des travailleurs de la région.

Une économie sous pression

La politique commerciale agressive des États-Unis, initiée sous l’administration Trump, continue de produire ses effets. L’imposition de droits de douane punitifs sur les VE fabriqués en Chine a réduit les perspectives d’exportation et fragilisé l’économie locale. Ces mesures s’ajoutent à une conjoncture économique chinoise déjà tendue, mettant à mal des industries clés comme celle de l’automobile. L’Europe n’avait pas attendu Trump pour mettre ses propres droits de douane et limiter l’invasion des véhicules chinois.

Guangzhou, autrefois symbole du dynamisme industriel, est aujourd’hui confrontée à une baisse de la production et à une montée du chômage. De nombreux travailleurs, comme Zhang, ancien employé d’un fournisseur électronique pour Honda et Tesla, ont vu leur avenir basculer. Face à la disparition progressive des commandes et aux licenciements, beaucoup se tournent vers des activités alternatives, notamment le covoiturage via des plateformes comme Didi.

Une paupérisation de la population qui commence également à migrer vers d’autres mégalopoles plus attirantes niveau emploi.

La dépendance aux constructeurs étrangers

Guangzhou a longtemps misé sur les partenariats avec les grands constructeurs étrangers, notamment « l’ennemi » japonais, pour son développement économique. Toyota, Nissan et Honda y exploitent des coentreprises importantes. Cependant, les difficultés de ces entreprises à s’adapter à la nouvelle donne du marché ont entraîné des conséquences lourdes.

Par exemple, la coentreprise GAC-Toyota a enregistré une chute de 23 % de sa production en 2024. Face à la baisse de la demande, les autorités locales ont tenté d’empêcher Toyota de réduire ses activités à Guangzhou, craignant de ne pas atteindre leurs objectifs de croissance du PIB. Le maire adjoint est même allé jusqu’à Tokyo pour négocier directement avec Toyota, sans résultat concluant.

Le marché intérieur chinois est très mouvant et pour les constructeurs, il est difficile de suivre le mouvement. Ce qui peut fonctionner un jour, n’est plus « à la mode » le lendemain. Des changements trop rapides pour l’industrie automobile.

L’échec des champions locaux

Guangzhou a également tenté de promouvoir ses propres champions nationaux dans le secteur des VE. Toutefois, plusieurs projets ambitieux se sont soldés par des échecs. Le cas le plus marquant reste celui de China Evergrande NEV (New Energy Auto), qui se voulait un concurrent direct de Tesla.

Après des annonces ambitieuses en 2019, l’entreprise a cessé sa production et est aujourd’hui proche de la faillite, laissant son usine de 80 hectares quasiment abandonnée. Il faut dire que c’est tout le groupe immobilier Evergrande qui s’est rêvé en géant mondial avant de vasciller.

Le tournant Xpeng

Malgré les difficultés, Guangzhou a su attirer certains acteurs prometteurs du secteur des VE. Xpeng, entreprise cotée aux États-Unis et soutenue par Volkswagen, a établi ses premières usines dans la région. Après Zhaoqing, Xpeng a ouvert une seconde usine à Guangzhou en 2023, grâce à un soutien financier massif du gouvernement local (4 milliards de yuans, soit 550 millions de dollars).

La montée des marques chinoises

Les consommateurs chinois manifestent une préférence croissante pour les marques nationales. Des entreprises comme BYD, née à Shenzhen, ont su capitaliser sur cette tendance. Créée en tant que fabricant de batteries en 1995, BYD s’est lancée dans l’automobile en 2003. En 2023, son chiffre d’affaires a dépassé les 100 milliards de dollars, surpassant même Tesla en Chine. Mais attention, le marché chinois peut se retourner à tout moment.

En attendant, cette préférence pour les marques locales accentue la pression sur les constructeurs étrangers, déjà fragilisés par les tensions commerciales et les transformations technologiques du secteur. Cela oblige aussi les gouvernements locaux à fournir de gros subsides pour attirer ces nouveaux champions chinois.

L’automatisation, un nouveau défi social

Pour autant, dans leur course à la compétitivité, les entreprises misent de plus en plus sur l’automatisation. Honda, par exemple, a commencé la production de VE dans une usine de Guangzhou automatisée à 100 % pour certaines tâches, comme le soudage. Cette transition technologique, bien que stratégique pour les entreprises, accentue la précarité de l’emploi pour les ouvriers peu qualifiés.

On retrouve Zhang, qui profitait autrefois d’un emploi stable avec avantages sociaux. Il voit aujourd’hui son niveau de vie chuter. Sa situation illustre les transformations profondes du marché du travail à Guangzhou. Les ouvriers se retrouvent dans la situation des paysans hier. Il va falloir réinventer l’emploi pour des dizaines de millions de personnes.

Tentatives de relance locale

Consciente de l’ampleur de la crise, la ville de Guangzhou a donc réagi. L’arrivée de Sun Zhiyang, un ancien cadre de FAW (anciennement First Automobile Works, constructeur automobile), au poste de maire traduit cette volonté de relancer l’industrie. Tout un symbole que de prendre un cadre de l’industrie automobile pour tenter de réformer ce secteur à Canton.

Par ailleurs, la municipalité investit massivement dans des technologies d’avenir comme la conduite autonome. Des entreprises comme WeRide et Pony.ai ont installé leur siège dans la ville, grâce aux incitations et au lobbying de l’administration locale. Une course effrénée qui n’aura pas de pause ni de fin.

L’enjeu GAC, évidemment

GAC (Guangzhou Automobile Group), principal pilier industriel de la ville, représente à elle seule 75 % de la production automobile locale. Son avenir est donc directement lié à celui de la métropole. Après une baisse de 20 % des livraisons en 2023, GAC a annoncé un plan ambitieux : le lancement de 22 modèles de VE en trois ans, en partenariat avec Huawei.

A la chinoise, GAC va lancer tout azimut des modèles dont une grande partie seront des bides commerciaux. Mais pour le constructeur et la ville, il suffit d’un ou deux modèles qui fonctionnent pour relancer l’industrie automobile dans la région. En cela, la Chine connait les difficultés que les USA ont connu il y a des dizaines d’années avec la faillite de Détroit en juillet 2013, la cité automobile.

Il a fallu se réinventer, comme Canton / Guangzhou doit se réinventer.

Notre avis par leblogauto.com

Guangzhou incarne les bouleversements de l’industrie automobile mondiale. Entre les droits de douane européens ou désormais américains, la concurrence nationale, la robotisation et l’effondrement de certains projets, la ville est contrainte à une véritable transformation.

Sa capacité à rebondir dépendra de sa faculté à attirer les innovations, à réinventer ses modèles industriels et à protéger son tissu social, aujourd’hui mis à rude épreuve.

(3 commentaires)

  1. Excellente bonne nouvelle , en Russie sur les 9 principales marques 8 sont chinoises , alors que Macron et l’Europe interdit d’y vendre des voitures , une catastrophe économique …. Notre sauveur Trump « punitif comme vous le dites » ou lucide pour d’autres, va limiter l’invasion au moins aux USA , Bravo …

    1. Trump serait « lucide » avant tout pour les intérêts américains !
      …et les intérêts américains ne sont pas forcément les nôtres ?

      Quel intérêt pour nous de recommencer avec la Russie !?
      Pour les encourager qu’ils aient raison dans leur expansionnisme par la force… Vous dites ça parce-qu’il y a l’Allemagne et la Pologne qui nous sépare de la guerre en Ukraine ?

  2. Le marché automobile chinois est un marché massivement subventionné pour les usines et pour les acheteurs. En économie capitaliste, seule la libre concurrence garantit l’amélioration des produits, une sorte de darwinisme économique.
    Et Canton possède une culture très différente de celle du pouvoir chinois, l’équivalent des Etat du sud des USA par rapport au Nord. Ce qui signifie que la Province va devoir compter sur ses propres ressources pour s’en sortir.

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