Les tensions commerciales Chine-Occident menacent l’approvisionnement en semi-conducteurs essentiels à la production automobile mondiale.
Un risque imminent de rupture dans la chaîne d’approvisionnement automobile
L’industrie automobile internationale se retrouve une nouvelle fois face à la menace d’une pénurie de semi-conducteurs. Après la crise provoquée par la pandémie, qui avait entraîné l’arrêt de nombreuses lignes d’assemblage faute de composants électroniques, les constructeurs et équipementiers se préparent désormais à une nouvelle perturbation majeure. En cause : les représailles de Pékin contre Nexperia, fabricant néerlandais de puces détenu par le chinois Wingtech Technology, désormais soumis à des restrictions d’exportation imposées par la Chine.
Ces mesures, prises en réponse à la décision du gouvernement néerlandais de reprendre le contrôle de l’entreprise pour des raisons de sécurité nationale, fragilisent toute la chaîne d’approvisionnement automobile. Car si Nexperia ne produit pas de composants de pointe, ses semi-conducteurs – présents par centaines dans un seul véhicule – assurent des fonctions essentielles : gestion des commutateurs, contrôle du volant, alimentation des systèmes embarqués. Plus de 60 % de ses revenus proviennent du secteur automobile, ce qui montre à quel point les constructeurs dépendent de ses volumes.
Face à l’ampleur du risque, les grands groupes européens, à commencer par Volkswagen et Bosch, multiplient les réunions de crise. Selon plusieurs sources industrielles, certains fabricants estiment que leurs stocks actuels de composants Nexperia ne couvriront que quelques semaines de production. Sans solution rapide, les usines pourraient à nouveau tourner au ralenti, voire s’arrêter.
L’escalade commerciale sino-occidentale s’invite dans les usines automobiles
La tension autour des semi-conducteurs s’inscrit dans un contexte géopolitique explosif. À l’approche de nouvelles discussions entre la Chine et les États-Unis, Pékin et Washington multiplient les annonces de restrictions. Les États-Unis maintiennent leurs droits de douane tandis que l’Union européenne cible les véhicules électriques chinois. En réponse, la Chine resserre son contrôle sur les exportations de matériaux critiques, de batteries et désormais de puces électroniques.
Nexperia, bien qu’européenne sur le papier, se retrouve au cœur de cette rivalité stratégique. Son propriétaire chinois est considéré avec méfiance par les autorités occidentales, ce qui a conduit les Pays-Bas à reprendre la main sur certains actifs jugés sensibles. Pour Pékin, cette décision justifie une riposte. Résultat : la Chine bloque désormais les exportations issues des usines Nexperia installées sur son territoire.
La situation devient d’autant plus complexe que les constructeurs automobiles ne s’approvisionnent pas directement en puces, mais via des fournisseurs comme Bosch, Continental (via sa division Aumovio) ou Infineon. Ces équipementiers eux-mêmes dépendent d’une multitude de sous-fournisseurs. La visibilité sur l’étendue réelle de la dépendance à Nexperia est donc limitée, rendant la planification encore plus difficile.
Les industriels cherchent des solutions, mais le temps presse
Certains acteurs tentent déjà de se repositionner. Infineon, l’un des principaux fabricants européens de semi-conducteurs, affirme être contacté par des clients de Nexperia en quête d’alternatives. Mais dans un secteur où chaque référence électronique est validée après de longs tests de fiabilité, remplacer un composant n’est pas une opération immédiate. Les équipementiers estiment qu’il faudrait plusieurs mois pour adapter leurs chaînes d’approvisionnement.
Volkswagen a mis en place une cellule spécifique afin de recenser les composants potentiellement impactés dans ses milliers de références. Le groupe assure que sa production n’est pas encore touchée, mais reconnaît se préparer à divers scénarios. Bosch, de son côté, reste en contact étroit avec Nexperia et affirme travailler à minimiser les perturbations.
De son côté, Nexperia a informé ses partenaires qu’il considérait les restrictions imposées par Pékin comme un cas de force majeure, ce qui le libérerait de certaines obligations contractuelles de livraison. L’entreprise affirme discuter avec les autorités chinoises pour tenter d’obtenir une exemption.
Les organisations professionnelles tirent la sonnette d’alarme. L’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) prévient que l’industrie se retrouve une nouvelle fois face à une situation critique. Sa directrice générale, Sigrid de Vries, appelle à des solutions rapides et pragmatiques pour éviter une nouvelle paralysie du secteur.
Notre avis, par leblogauto.com
Cette crise illustre la dépendance persistante de l’industrie automobile à des composants clés dont la fabrication reste fortement concentrée en Asie. Malgré les efforts entrepris depuis la pandémie pour diversifier les sources d’approvisionnement, le secteur reste vulnérable aux tensions géopolitiques. Les constructeurs devront accélérer la relocalisation ou la sécurisation de la production de semi-conducteurs stratégiques. À court terme, l’issue dépendra largement de la capacité des autorités chinoises et européennes à désamorcer le conflit.
Crédit illustration : REUTERS – Florence Lo.
