Surcapacité industrielle : la véritable menace derrière la guerre des prix automobiles en Chine

La Chine fait face à une surcapacité critique dans l’automobile, prolongeant la guerre des prix et menaçant l’équilibre du marché local.

Une guerre des prix symptomatique d’un mal plus profond

La guerre des prix dans l’industrie automobile chinoise ne cesse de faire rage. Mais derrière ces rabais spectaculaires se cache une problématique structurelle bien plus inquiétante : une surcapacité massive et persistante. En 2024, moins de la moitié de la capacité de production automobile chinoise a été utilisée, selon l’Institut de recherche automobile Gasgoo basé à Shanghai. Sur les 55,5 millions de véhicules que les usines chinoises peuvent produire chaque année, seulement 49,5 % de cette capacité a été effectivement exploitée.

Cette situation engendre une pression croissante sur les constructeurs automobiles, qui doivent écouler leurs stocks dans un marché saturé, tout en maintenant des coûts de production élevés. Le résultat : une intensification de la guerre des prix qui fragilise l’ensemble du secteur.

Des constructeurs au bord de l’asphyxie

Le phénomène n’épargne aucun segment, y compris celui des véhicules électriques haut de gamme, pourtant en plein essor global. Certaines marques affichent des taux d’utilisation de capacité dramatiquement bas, voire dérisoires. Hainan Haima Automobile Co., ancien partenaire de Mazda, n’a utilisé que 1,5 % de sa capacité en 2024, ne produisant que 6 836 véhicules sur une capacité de 450 000. Haima Co., issue du même écosystème industriel, a connu un sort similaire avec un taux de 1,7 % seulement.

Même Mengshi Automobile Technology Co., branche haut de gamme du groupe Dongfeng spécialisée dans les véhicules tout-terrain électriques, n’a utilisé que 1,9 % de sa capacité, révélant les difficultés d’adoption sur ce segment spécifique.

Une pression croissante sur les marges et la survie des marques

Cette sous-utilisation généralisée a des conséquences directes : les marges bénéficiaires se réduisent, les prix sont tirés vers le bas, et la compétition devient intenable pour les petits acteurs. Les analystes s’accordent à dire que cette situation ne peut pas perdurer sans transformations profondes. Pour Jochen Siebert, directeur général du cabinet de conseil JSC Automotive, “tant que la capacité utilisée restera autour de 50 %, la guerre des prix ne peut s’arrêter.”

En Europe, une telle situation mènerait probablement à des fermetures d’usines. Mais en Chine, les enjeux politiques et économiques locaux empêchent une restructuration rapide. Les gouvernements régionaux souhaitent préserver les emplois et les investissements, ce qui freine la consolidation pourtant nécessaire.

La consolidation, une issue inévitable ?

Le gouvernement chinois commence à réagir. Des avertissements ont été adressés au secteur en mai, dénonçant une “compétition de rat race”, et des dirigeants de marques majeures ont été convoqués à Pékin pour évoquer des mesures d’assainissement. Ces initiatives visent à prévenir un effondrement systémique et à encourager des alliances ou des fusions.

Malgré cela, BYD Co., leader du marché, continue d’élargir sa production avec un taux d’utilisation élevé de 82,1 %, notamment grâce à ses ventes agressives et à ses implantations internationales. Fin mai, l’entreprise a lancé des remises allant jusqu’à 34 % sur 22 modèles électriques et hybrides rechargeables, illustrant parfaitement la spirale concurrentielle dans laquelle est prise l’industrie.

Notre avis par leblogauto.com

La surcapacité chronique de l’industrie automobile chinoise alimente une guerre des prix destructrice et expose les faiblesses structurelles du secteur. Sans réformes majeures, la pression sur les entreprises pourrait conduire à une vague de faillites ou de rachats. La Chine devra arbitrer entre ses ambitions industrielles et les réalités économiques du marché si elle veut garantir un avenir durable à son secteur automobile.

Crédit illustration : Alamy.

(4 commentaires)

  1. tout cela n’a évidement été possible que par la subvention massive des constructeurs par le gouvernement chinois. Il faut mettre des droits de douane dissuasifs sur les bagnoles chinoises

  2. pour avoir fourni des équipements en Chine dans les années 2000-2015, la Chine a une façon d’investir qui reste communiste. elle fonctionne sur des plans quinquennaux.
    2000-2010: il est décidé d’augmenter la production d’énergie electrique à base de charbon. Chaque province a des objectifs chiffrés.
    une fois l’électricité disponible, il faut la consommer: on décide donc d’investir dans des raffineries d’amidon à partir de mais (Importé des USA!!). ces raffineries produisent des sirops de glucose, à un prix tellement bas et dans de tels volumes que cela déséquilibre le marché mondial.
    les prix se cassent la figure, il faut faire autre chose du glucose. un des dérivés du glucose, c’est l’acide citrique. on construit des usines d’acide citrique un peu partout. le marché de l’acide citrique mondial est en crise, l’amérique du Sud est submergé, les usines ferment. l’Europe, les USA ont du mal les prix sont inférieurs au cout de production, des sites ferment.
    l’acide citrique ne paye plus, les chinois se reportent sur des molécules à plus haute VA….

    la conclusion: en décidant d’augmenter la production d’électricité, la Chine a déséquilibré le marché mondial du sirop de glucose et de l’acide citrique (et surement bien d’autres).
    Pareil avec les bagnoles: le PCC ordonne de produire des VE, on en fait à la pelle, sans se soucier des débouchés

    1. merci pour ces explications. Ca explique la croissance médiocre de la Chine et leurs problèmes économiques malgré tous leurs avantages : problèmes dans l’immobilier, chomage des jeunes, pas de systeme de retraite

    2. En effet, la Chine est bien le deuxième pays communiste à avoir réussi.
      On a vu récemment que la comptabilité obéissait elle aussi à des principes productivistes (genre on cache la moitié des dettes).
      Mais au bout d’un moment quand la comptabilité et la vérité financière d’une entreprise s’écartent trop, ça casse : les faillites en cascade sont là.
      Si la croissance de la Chine ralentit trop, il faudra bien éliminer les moutons noirs et fusionner les groupes.

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