En sciences politiques, et notamment dans le programme de 1ère de la spécialité HGGSP (Histoire Géographie Géopolitique Sciences Politiques), on est amené à étudier le concept de démocratie, afin de le mettre en perspective à travers différents exemples de systèmes politiques passés ou présents. Peut-être que les procédures électives de la FIA feraient un très bon sujet d’étude !
Un suspense insoutenable
Il y avait en tous cas moins de suspense que pour l’issue du championnat du monde 2025 : sans surprise, le président sortant de la Fédération internationale de l’automobile (FIA) Mohammed Ben Sulayem, à la tête de l’instance dirigeante du sport auto depuis fin 2021, a été réélu vendredi pour un second mandat. En même temps, il était le seul candidat. Ça rappelle un peu les élections des démocraties populaires…
« Je m’engage à continuer à œuvrer pour la FIA, pour le sport automobile, pour la mobilité et pour nos clubs membres dans toutes les régions du monde », a déclaré dans un communiqué l’Emirati de 64 ans, 14 fois titré en championnat du Moyen-Orient des rallyes. « Nous avons surmonté de nombreux obstacles, mais aujourd’hui, ensemble, nous sommes plus forts que jamais », a-t-il encore dit, à l’issue d’une élection dont le processus électoral est contesté. Le vote a eu lieu en Ouzbékistan, à Tachkent, où s’est également tenu le gala annuel de la FIA avec la remise des prix.
Des progrès financiers, mais une longue litanie de polémiques !
Pour son premier mandat, Mohammed Ben Sulayem – qui a succédé au Français Jean Todt – avait axé sa campagne sur la modernisation de la FIA et davantage de transparence. Il promettait un audit externe sur la gouvernance, une évaluation des finances et la mise en place de rapports budgétaires et financiers.
On retiendra surtout du premier mandat de l’Emirati les nombreuses polémiques avec le milieu de la F1, qui semblaient presque, par moments, rappeler les “grandes heures” du conflit FISA/FOCA. Ses déclarations à l’emporte-pièce et sa propension à se mêler d’affaires en dehors de son périmètre ont créé de nombreuses frictions…
On peut évoquer pêle-mêle l’affaire de l’écurie Andretti, les rumeurs de vente de la F1 ou encore les enquêtes lancées sur la femme de Toto Wolff. Il a aussi suscité la colère des pilotes de F1 et de rallye après l’imposition de fortes amendes pour propos grossiers, mesure qu’il a finalement assouplie.
Sous son ère, l’instance est passée d’un déficit de 24 millions d’euros en 2021 à un bénéfice de 4,7 millions en 2024. Toutefois, la gestion interne a soulevé de nombreuses interrogations. L’Émirati divise jusque dans son propre camp puisqu’en avril dernier, Robert Reid, son vice-président chargé du sport et proche allié, a démissionné en dénonçant un manque de transparence. Une vague de départs a d’ailleurs marqué l’organigramme de la FIA. Autant dire que les promesses de “Glasnost” à la sauce FIA n’ont pas été pleinement tenues !
Rebondissement judiciaire ?
Un épisode judiciaire découle d’ailleurs de cette élection : la Suissesse Laura Villars, empêchée de postuler à la présidence de la FIA, a assigné fin octobre l’instance en justice pour contester les règles du scrutin. Selon la suissesse, ces règles empêcheraient à tout opposant de se présenter. Elle dénonce un système “anti-démocratique”. Le tribunal judiciaire de Paris, qui a été saisi de l’affaire, n’a pas suspendu la tenue de l’élection mais a ordonné un procès pour examiner le processus électoral, qui se tiendra à partir du 16 février 2026.
Pilote automobile âgée de 28 ans, Laura Villars n’a pas pu déposer sa candidature. Pour cela, elle aurait notamment dû s’accompagner de sept vice-présidents de région figurant dans une liste de personnes « éligibles » établie par le Conseil Mondial du Sport Automobile.
Celle-ci ne proposait qu’une seule représentante pour l’Amérique du Sud, Fabiana Ecclestone, déjà complètement acquise à la cause du président sortant. La Vaudoise espère une annulation pure et simple de l’élection et la tenue d’un nouveau scrutin au cours de l’année 2026. Vu les soutiens dont bénéficie Ben Sulayem dans de nombreuses fédérations, cela semble irréalisable…
Ben Sulayem réplique
En réponse à la polémique suscitée par l’absence de candidats alternatifs, il a rétorqué : « Pourquoi ces candidats ne sont-ils pas allés en Amérique latine pour défendre leur programme ? « Il faut aller à la rencontre des gens, gagner leur confiance pour qu’ils soutiennent votre candidature. C’est la démocratie, bon sang ! »
Ben Sulayem a rejeté toutes les accusations de manipulation : « Rien n’a changé. Les règles sont toujours les mêmes ; j’en ai simplement héritées. » Mais ne faudrait-il pas les revoir justement ?
