#Carstory 13 : Renault Safrane ou la tentation Allemande

La Safrane a remplacé la Renault 25 en 1992 - (C) Renault

Le haut de gamme français n’a plus la cote ! Il avait lentement mais certainement décliné durant les années 70 et 80, en dépit des ventes honorables des Citroën CX et des Renault 25. Il faut dire que les productions allemandes offraient un degré de raffinement et des puissances supérieures à celle de nos françaises. Citroën qui espérait remettre les pendules à l’heure avec sa XM s’y est cassé les dents, notamment en raison d’une fiabilité aussi désastreuse que la prise en charge par son SAV. Ce n’était guère mieux pour Peugeot et sa 605… Une aubaine pour la Renault Safrane ?

Remplacer la R25 pour rivaliser avec les allemandes

Renault X54
Il n’a pas fallu longtemps avant que le projet X54 trouve son style – (C) Renault Design

La Renault 25 a été une grande routière appréciée pour son confort et ses prestations routières. Pourtant Renault a rapidement planché sur le remplacement de cette voiture lancée en 1984. En effet, le projet X54 a débuté un peu moins d’un an plus tard. Le cahier des charges était simple : il fallait que la future berline statutaire du losange monte en gamme afin de rivaliser avec les références allemandes.

Une première ébauche de la Renault X54 a été présentée en 1986. Il s’agissait d’un prototype réalisé par le japonais Joji NAGASHIMA qui a fait mouche auprès des décideurs. Néanmoins, nous étions encore loin de la version définitive qui a été arrêtée en juin 1988. Entre temps, le losange a vu débarquer un certain Patrick LE QUEMENT à la tête de son département design. Ce dernier, adepte du bio design, a apporté de nombreuses retouches à la maquette de NAGASHIMA.

Si les équipes design ont avancé rapidement, l’ex régie nationale, à l’inverse du groupe PSA, a pris le temps nécessaire afin de développer et de tester son futur modèle phare. La remplaçante de la Renault 25, baptisée Safrane, a fait sa première apparition publique en mars 1992 à l’occasion du Salon de Genève. Et pour mieux marquer les esprits, la firme au losange n’a pas présenté un modèle de série mais un prototype équipé d’un V6 PRV gavé par deux turbos.

Les débuts de la Renault Safrane

En finition RN, la Safrane était dépourvue d’anti-brouillard ou de jantes en aluminium – (C) Bernard ASSET, Renault

Le lancement commercial de la Safrane a été opéré au mois de mai de la même année. La gamme ne comprenait point de bi-turbo mais des quatre cylindres essence et diesel et un V6 atmosphérique. En essence, un 1998 cm3 de 107 ch assurait l’entrée de gamme tandis que le 2.2 Si assurait le milieu de gamme. Il s’agissait d’un 2165 cm3 à 12 soupapes de 140 ch. Le « must » de la Safrane était un 2963 cm3 ouvert à 90°, à savoir ce bon vieux PRV qui délivrait ici une puissance de 170 ch. Les amateurs de turbodiesel devaient, quant à eux, se satisfaire des 90ch du 2068cm3 maison. Du côté des finitions, la Safrane pouvait se décliner en RN, RT, RXE et Baccara. Les finitions hautes et la V6 pouvaient recevoir une suspension pilotée électroniquement.

Avec 244 points, la Safrane a terminé à la 3ème place du podium de l’élection de la voiture européenne de l’année. Cette année-là, la petite Nissan Micra² avait remporté le trophée. La berline statutaire du losange a pu se consoler en remportant le prix de la plus belle voiture de l’année 1992.

Renault Safrane V6 Biturbo : une voiture qu’elle est bien pour la conduire

Renault Safrane Biturbo
La Safrane – ici dans sa version Biturbo – est restée fidèle au hayon – (C) Renault

En avril 1993, Renault a donné du peps à sa Safrane diesel. Un 2499cm3, provenant de la SOFIM, est venu enrichir la gamme. Il offrait alors une puissance de 115 ch, soit 25 de plus que celui de la 2.1 dT qui demeurait au catalogue. Ce surplus de puissance n’était pas de trop pour mouvoir correctement la Safrane. Cette motorisation, comme les blocs essence pouvait recevoir en option une transmission automatique à 4 rapports. Du côté des essences, la gamme n’avait pas évolué si ce n’était que les versions V6 pouvaient recevoir une transmission intégrale « Quadra ». Les choses ont évolué en novembre 1993 !

Les 170ch de la plus puissante des Safrane faisant pale figure face aux berlines Allemandes, Renault a décidé de commercialiser, la BiTurbo. Gavé par deux turbo KKK et un intercooler, le 2963 cm3 préparé par Hartge, a vu sa puissance passer de 170 à 268ch ! Le couple n’était pas en reste, la fiche technique de l’auto revendiquant 37m kg (365 Nm) à 2500 tr/min. Avec une telle cavalerie, la transmission Quadra n’était pas de trop afin de faire passer la puissance au sol. La Biturbo, qui avait un kit carrosserie très spécifique développé par Irmscher, était disponible en finition RXE et en Baccara. Bien que performante (0 à 100km/h en 7s2 et 250 km/h en pointe), la Biturbo n’a pas rencontré le succès escompté. La faute à un V6 PRV antédiluvien et gourmand en carburant ?

Safrane Biturbo
L’intérieur de la Safrane Biturbo était particulièrement luxueux – (C) Renault

La seconde jeunesse de la Renault Safrane

Renault Safrane Initiale Paris
Le restylage d’octobre 1996 a permis d’adopter des motorisations Volvo – (C) Stéphane MURATET, Renault

La gamme Safrane n’a pas évolué jusqu’en octobre 1996. Après 4 ans de vie, la grande routière du losange s’est offert une opération de mi-vie. Les modifications ont concerné la face avant avec des nouvelles optiques à glace lisse et une grosse calandre mais aussi la poupe arrière avec de nouveaux feux ou une nouvelle poignée d’ouverture du coffre. Les boucliers et les jantes ont également changé. En revanche à l’intérieur, les modifications ont été plus légères, le changement le plus visible étant le nouveau volant !

Ce restylage a également été l’occasion de moderniser les moteurs. Exit les moteurs Douvrin qui avaient été développés avec Peugeot dans les années 70. Les prémices d’un mariage avorté avec Volvo, ont permis à la grande renault d’accueillir le moteur modulaire du constructeur Suédois. La gamme essence débutait par un 1948 cm3 coiffé d’une culasse à 16 soupapes qui offrait 138 ch. Ce bloc était disponible avec une boîte courte ou une boîte longue permettant de profiter de la vignette à « 7 CV ». Entre ce bloc et le PRV de 170 ch, un 2435cm3 à 20 soupapes de… 168 ch a fait son apparition. Il ne s’agissait ni plus, ni moins que du 5 cylindres de la Volvo 850 ! A noter que tous les moteurs essences pouvaient recevoir une boîte automatique à 4 rapports. La Biturbo, produite à seulement 813 unités, n’a pas été reconduite.

Un nouveau turbo-diesel et un V6 (enfin!) moderne pour la Renault Safrane

Safrane Initiale Paris
Outre l’excellent 2.5 20v, la Safrane restylée a reçu le 2.2 dT de la Laguna puis le nouveau V6 24 soupapes – (C) Stéphane MURATET, Renault

Les Safrane diesel se sont aussi modernisées. En effet, les 2.1 dt et 2.5 td ont cédé leur place à un 2.2 dt bien plus moderne. Ce 2188 cm3 à 12 soupapes, bien connu des propriétaires de Renault Laguna 1 et d’Espace III, offrait une puissance de 113 ch. Du côté des finitions, la RN – connotée bas de gamme – a été abandonnée. La gamme s’articulait autour des finitions « Camargue », Alizée, RTE, RXT et RXE. En haut de gamme, la Baccara a cédé sa place à « Initiale Paris », la nouvelle griffe de luxe du losange.

Les évolutions mécaniques de la Safrane restylée n’ont pas été nombreuses. Elles se sont limitées au remplacement du PRV par le nouveau L7X. Il s’agissait du V6 à 24 soupapes ouvert à 60° développé conjointement avec le groupe PSA. D’une cylindrée de 2946 cm3, il offrait 194 ch, un appétit plus mesuré ainsi qu’un meilleur agrément de conduite. De quoi redonner de l’intérêt à la Safrane V6 face à l’excellente version 2.5 20v.

La Renault Safrane quitte la scène avant l’arrivée de sa remplaçante.

La finition Initiale Paris a remplacé la Baccara lors du restylage – (C) Stéphane MURATET, Renault

Au début de l’année 2000, la gamme Safrane a connu un réaménagement. Elle s’articulait désormais autour des finitions Confort, RTE, RXE, RXT, Fairway, Fidji, pack, Pack Cuir et Initiale. Ce fût l’ultime évolution de la grande Renault. En effet, la production a cessé à la fin de l’année 2000. Avec 313 089 exemplaires fabriqués, la Safrane n’est pas parvenue à faire mieux que la Renault 25. Elle a même connu un succès moindre que celui la Citroën XM, qui a cependant été écoulée sur une plus longue période

Si le glas avait sonné pour la Safrane, sa remplaçante n’était pas encore prête ! La grande Renault a donc laissé un vide dans le catalogue du constructeur français durant deux ans. En effet, la Vel Satis n’a pu reprendre le flambeau de la Safrane qu’en 2002. Mais ça, c’est une autre histoire !

Les petites histoires de la Grande Histoire

Safrane Baccara
Une Renault Safrane V6 en finition Baccara – (C) Patrick SAUTELET, Renault

La carrière de la Renault Safrane a été plutôt calme et tranquille. Pour autant, on vous a gardé quelques petits bonus pour la fin. Cela se mange sans faim !

A-t-on encore besoin de rappeler qu’entre Renault et le hayon c’était (et c’est toujours) une grande histoire d’amour. Dans une catégorie où les berlines à coffre étaient la norme, la Safrane, comme les R16, R30 et R25 avant elle, est restée fidèle à la vitre qui se lève avec le coffre.

Renault a réutilisé le patronyme « Safrane » en 2009 afin de refourguer une version rebadgée de la Samsung SM5 sur certains marchés. Cette voiture n’a jamais été commercialisée dans nos contrées mais un exemplaire a été importé pour les besoins de Carlos GHOSN.

Lors du salon de Paris de 1994, Heuliez a présenté une version break de la Safrane. Baptisée Long Cours, cette version à l’arrière arrondi se basait sur une version Biturbo ! L’histoire dit que l’épouse de Jacques CALVET, l’emblématique Président du groupe PSA, s’était laissée séduire par cette auto au point de lui demander de… l’acheter !

La Renault Safrane fait son cinéma

La Renault Safrane a connu quelques séries spéciales dont la « Palme d’Or ». Il s’agit d’un modèle apprécié des cinéphiles mais pas en raison de son nom qui faisait référence au Festival de Cannes. La Safrane Palme d’Or a donné lieu à une séquence culte dans le film « La Cité de la Peur » : « Safrane Palme d’Or, une voiture qu’elle est bien pour la conduire ».

Dans le film « Les Visiteurs », la voiture la marquante est sans nul doute « la Chariotte du diable » : une pauvre 4L de La Poste martyrisée par Jacquouille la Fripouille et Godefroy de Montmirail. Pourtant, c’est bien la Renault Safrane qui y tenait le premier rôle. Véhicule de la famille Goulard (celle de la petite fillotte de Godefroy le Hardi), elle y laissera son toit à cause de la chevalière du comte de Montmirail.

La Safrane du film les Visiteurs
La Safrane Baccara utilisée dans le film les Visiteurs avec son toit en chou fleur – (C) TheSupermat – CC BY-SA 4.0

La Renault Safrane a également fait une brève apparition dans le film Taxi 2. Malheureusement, le véhicule de fonction du Général Bertineau a connu une fin tragique après une rencontre avec un camion transportant des…. Peugeot 206.

La Renault Safrane a également été au casting de nombreux autres films dont Ronin (1998), le bonheur est dans le près (1995) ou encore fantôme avec chauffeur (1996).

Deux petites dernières pour la route !

Safrane Baccara
Comme la Biturbo, la finition Baccara était assemblée en allemagne chez Irmscher – (C) Patrick SAUTELET, Renault

La Renault Safrane Biturbo n’était pas la seule version assemblée chez l’Allemand Irmscher. Ce dernier avait également la charge de l’assemblage des versions Baccara. La Baccara ? C’est la Deutsche Qualität !

(21 commentaires)

  1. Très bonne voiture mais au physique lamentable. Même les concurrentes japonaises étaient plus sexy (et sans hayon en plus). Quand elle est sortie pudiquement les journalistes ont parlé de ligne banale. Tu parles !
    La version biturbo est un nid à emm… : à éviter absolument.
    De toute façon la messe était dite pour les grandes berlines hors premium : toutes les marques s’y sont cassé les dents, hors premium : Peugeot, Citroën, Ford, Opel, Rover, Fiat, Saab, Alfa Roméo, Lancia. Le plus grand marché était l’Allemagne et le cadre allemand ne voulait que du premium allemand pour voiture de fonction.
    Une bonne voiture sans doute, mais on ne peut avoir raison quand tout le marché dit le contraire.
    En fait, je crois que le problème de ces grandes berlines a été la crise de croissance des berlines intermédiaires : pourquoi payer plus cher alors que juste en dessous on a quasiment le même espace pour moins cher ?

    1. J’aimais beaucoup… Les voitures de mes premiers patrons avec les R25.
      La phase 2 a l’arrière… Nettement moins, l’impression d’une voiture accidentée et mal réparer.

      La France faisait des voitures du segment E… C’était bien !

      1. Mais les XM, C6, 605, 607 étaient bien aussi à leurs époques respectives … Si l’on oublie leurs défauts de fiabilité et de finition.
        Qui a tué les ventes des Françaises du segment en général.

      1. Les bas de gamme étaient. tous sous-motorisé … C’était bien français… Mais c’était à la portée des classes moyennes supérieures qui voulaient partir en vacances avec la marmaille et les bagages.
        C’était plus sympa que les flots de SUV qu’on voit maintenant.
        Mais j’ai l’impression que tout le monde critique les SUV, mais ils n’achètent que ça !
        Quand je vois le bide des Talisman et 508… Je ne comprends pas … C’est sûrement que je suis devenu trop vieux pour comprendre.

        1. Avant les malus annuels, la vignette faisait déjà de la France un marché sous-motorisé pour éviter de se faire trop fortement aligner annuellement. Les allemandes bas de gamme ayant des motorisations de la catégorie de bien des hauts de gamme chez les françaises…
          Comment, à une époque ou le marché intérieur comptait beaucoup, mettre de manière totalement stupide ses constructeurs dans une position qui ne leur permettait pas de percer à l’international.
          Maintenant, pour se traîner la b… à 80 en faisant tout sauf conduire (téléphoner, dormir…), un SUV plus lourd et qui devient encore moins bien motorisé pour, cette fois, limiter l’impact de malus confiscatoires devient la norme.
          Bercy porte une très lourde responsabilité dans l’impossible montée en gamme de nos constructeurs.

        2. 2 raisons au succès des SUV:
          – La population vieillit et ne peut plus utiliser les berlines actuelles bien plus basses que celles de l’époque.
          – Par son gabarit imposant et ses grosses jantes, le SUV flatte l’égo du conducteur

          1. Une berline actuelle n’est pas plus basse, c’est déjà généralement le contraire. Et le vieillissement, c’est souvent du mal de dos: Un SUV troque une possible facilité à s’installer contre des suspensions durcies pour limiter le roulis. Bref pour une aisance supérieure de 10s à la montée/descente c’est troquer un tape-cul sur tout le trajet derrière… Pas vraiment un bon deal même quand on vieillit.
            Reste l’égo, et lui seul… manière gentille d’évoquer le petit kiki? Ne vous inquiétez pas, la raison est connue de tous les départements marketing constructeurs depuis le succès surprise de l’Espace 1er du nom. Car avant les SUV, c’est les monospaces qui drainaient une bonne part de cette clientèle. Intuitivement, je dirais que la modularité des monospaces pouvaient parfois générer un vrai besoin. Mais le SUV qui a gardé la taille/hauteur en virant cette modularité acte qu’elle n’était pas une grosse motivation d’achat, qui fatalement était ailleurs: Le véhicule compensatoire…

  2. attention, petit lapsus ici « aptisée Long Cours, cette version à l’arrière arrondi se baisait sur une version Biturbo » et coquille ici « un exemplaire a été importé pour les besoins de Carlos GOSHN »

  3. une des rares voitures dont le retyling l’a amochée
    la bi turbo était magnifique
    les photos de l’intérieur sont magnifiques

  4. On pense à la cité de la Peur des Nuls et aux Visiteurs qui lui ont offert une exposition publicitaire importante. Renault à cette époque investissait dans les films. Pour la Safrané cela reste la mythique bi-turbo!

  5. C’est la voiture de mon enfance. Mes parents en avait une en finition Alizée avec ses jantes BBS. L’ordinateur de bord qui parlait… C’était le futur à l’époque. Je regrette d’ailleurs qu’aujourd’hui avec les progrès technologique ont ne fasse plus de voiture qui parle (hors GPS) pour nous signaler tout et n’importe quoi à la place des « bip » ou des alertes lumineuses et messages.

  6. « Citroën qui espérait remettre les pendules à l’heure avec sa XM s’y est cassé les dents, notamment en raison d’une fiabilité aussi désastreuse que la prise en charge par son SAV »
    Au moins une chose qui n’évolue pas dans notre monde. Citroën reste égal à lui-même 🙂

    1. Mais @Verslefutur, si l’on regarde l’histoire… à l’époque des premières DS de 1955 à 1960, elles étaient extrêmement peu fiables.
      Chaque nouveau modèle les premiers clients étaient souvent des bêta-testeurs.
      J’oserais dire quand 2025, les Citroën neuves sont relativement fiables.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *