Rétro F1-20 ans déjà : 2001, la fin amère de Prost GP
par Nicolas Anderbegani

Rétro F1-20 ans déjà : 2001, la fin amère de Prost GP

Prost GP fut un projet tentant, qui devait synthétiser le meilleur du savoir faire national. Tous les ingrédients étaient réunis pour faire triompher une grande écurie "nationale" portée par un nom emblématique. L'expérience se terminera pourtant de façon amère.

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Il faut (encore) sauver le soldat Ligier

En 1994, Flavio Briatore, le redoutable manager de Benetton, rachète l'écurie Ligier. But de la manoeuvre ? Récupérer le V10 Renault et le mettre dans la Benetton de Michael Schumacher. C'est chose faite en 1995, et Benetton obtient le titre mondial dans la foulée. En 1996, Tom Walkinshaw, l'acolyte de Briatore, rêve de lancer sa structure TWR dans le grand bain et convoite Ligier, ses infrastrucures et son budget confortable. Mais l'idée de perdre ce bastion national et de le voir passer sous pavillon anglais fait jaser jusqu'au sommet de l'Etat français, très impliqué en coulisses. C'est notamment le cas de Jacques Chirac qui, féru de la Formule 1, est soucieux de voir une équipe tricolore perdurer. Ce qui tombe bien, puisque Alain Prost, retraité depuis 1993, rêve de concrétiser son projet de diriger une écurie. C'est une idée qu'il avait justement envisagé dès 1992 avec...Ligier, quand le professeur purgeait son année sabbatique forcée suite à son éviction de Ferrari.

Un projet très national

Grâce à ses appuis politiques, au soutien de Bernie Ecclestone et aux nombreux sponsors nationaux dégotés, Alain Prost franchit le rubicon et réunit les fonds nécessaires pour rachèter Ligier à Flavio Briatore, qui fait au passage une jolie plus-value. L'Italien l'avait achetée pour 50 millions de francs en 1994...et la revend 250 millions. Le professeur met même la main à la poche, preuve s'il en est de l'investissement personnel de l'ancien quadruple champion du monde. L'écurie devient Prost GP. 1997 est une année de transition, avec le moteur Mugen-Honda en attendant l'arrivée de Peugeot comme partenaire motoriste. En effet, ce projet "cocorico" ne peut faire l'impasse sur une motorisation française, or Renault se retire à l'issue de la saison 1997. Le patron de PSA Jacques Calvet, au départ assez réticent, finit par céder, convaincu par l'aura d'Alain Prost et le lobbying intense du gouvernement Chirac.

Avec le concours des nouveaux pneus Bridgestone, les beaux restes de la synergie avec Benetton et un excellent Olivier Panis, la saison 1997 démarre sur les chapeaux de roues avec de belles qualifications, une 2e place en Espagne et une 3e au Brésil, puis l'élan se brise au Canada sur l'accident de Panis qui s'y casse les jambes.

1998 marque le début de la collaboration avec Peugeot. L'investissement du Lion ne semble pourtant pas totalement à la hauteur, d'autant que le programme WRC de la 206 est lancé et que des querelles d'ego perturbent Peugeot Sport. Pis, ça commence mal avant même la première course, quand Prost apprend du nouveau PDG de PSA, Jean-Martin Folz, bien moins enthousiaste que son prédécesseur Jacques Calvet, que le contrat initialement prévu - une fourniture gratuite de moteurs pour 3 ans - devient une fourniture payante. Le budget en est grevé, sans parler du premier coup de canif porté dans les relations entre Guyancourt (le siège de Prost GP) et Sochaux. 1998 est une année sportivement désastreuse. Châssis raté, moteur pas au niveau, nouveau règlement technique difficile à gérer alors que l'équipe déménage de Magny-Cours à Guyancourt, perte du partenariat spécial avec Brigestone...1 seul point est récolté. La Bérézina. Mais il y aura encore pire !

En 1999, les choses s'améliorent un peu avec l'arrivée de John Barnard à la direction technique et une Prost AP02 beaucoup mieux aboutie. Jarno Trulli frôle même la victoire au grand prix d'Europe, mais la frustration commence à se faire sentir face aux occasions manquées et aux résultats assez décevants.

Le calice jusqu'à la lie !

En 2000, Prost change beaucoup de choses : les sponsors sont encore prêts à investir, avec l'arrivée de Yahoo. Le réputé Alan Jenkis conçoit une AP03 plus fine et légère que sa devancière. Jean Alesi est recruté aux côtés de l'espoir Mercedes Nick Heidfeld. Alain Prost espère peut-être attirer le V10 Allemand chez lui, car les relations avec Peugeot ne s'améliorent pas. La firme sochalienne a beau présenter un nouveau V10 plus puissant, le programme WRC semble prendre le dessus. Alors que le châssis de l'AP03 n'a rien de transcendant, c'est pire du côté moteur car le nouveau V10 de Sochaux est fragile comme du verre. Prost GP va subir 57 casses de moteur au cours de la saison !

Les esprits s'échauffent, Alesi comme Prost cassent du sucre sur le dos du constructeur, au point de provoquer une grêve du personnel de Peugeot Sport pendant les essais libres du grand prix de France. Les moteurs ne sont pas démarrés volontairmeent pendant 15 minutes. Du jamais vu ! Le pompon survient au GP d'Autriche quand Jean Alesi, sur un freinage très très optimiste, fracasse son AP03 sur celle de Nick Heidfeld, provoquant un double abandon honteux.

Peugeot décide de quitter la F1 par la petite porte au terme d'une saison 2000 qui est catatsrophique pour l'écurie française. Avec un score blanc, Prost termine seulement 11e du championnat constructeur. Ce sont non seulement des recettes TV en moins mais aussi la perte du transport gratuit qui est garantie au top 10. Les gros sponsors ont pris la poudre d'escampette et Prost est obligé de se tourner vers une fourniture moteur très coûteuse auprès de Ferrari, qui facture ses V10 près de 30 millions. Pas le choix, il faut faire rentrer de l'argent : l'argentin Gaston Mazzacane puis le brésilien Luciano Burti sont recrutés dans le 2e baquet en tant que pilotes payants, tandis que Pedro Diniz devient actionnaire avec des investisseurs brésiliens. Les essais d'intersaison laissent entrevoir de belles choses, avec des chronos bluffants de Jean Alesi, que l'on fait en réalité rouler en pneus qualifs et avec un réservoir quasiment vide pour claquer des temps et attirer des annonceurs !

Faux espoirs et vrai départ

2001 marque quelques progrès mais la situation demeure difficile et financièrement alarmante. Certes, L'AP04 est mieux équilibrée que sa devancière et le V10 Ferrari, rebadgé Acer, est à la hauteur. Jean Alesi se démène pour décrocher une 5e place au Canada et deux 6e places à Monaco et Hockneheim, mais le torchon brûle entre le pilote et son patron et ami.

Alesi s'est épanché dans la presse sur les problèmes de l'équipe, Prost n'a pas apprécié et a décidé de le sanctionner, lui envoyant notamment un courrier de rappel à l'ordre glacial que l'avignonnais ne digère pas. Blessé, Alesi claque la porte au cours de l'été et trouve refuge chez Jordan où il termine sa carrière. Née en 1991 du temps où ils firent équipe chez Ferrari, L'amitié entre les deux hommes sera, quelques années durant, sérieusement ébréchée, avant que le temps ne fasse son oeuvre et permette de recoller les morceaux. Le reste de la saison n'apportera pas le réveil escompté chez Prost GP, malgré le recrutement de Frentzen. Une belle opportunité en Belgique est gpachée au départ. La fin de saison est totalement anonyme, sans marquer d'autre point.

Prost GP finit neuvième du championnat - c'est mieux qu'en 2000 - mais totalement exsangue financièrement. Le , Prost GP est mis en redressement judiciaire avec une dette de 30,5 millions d'euros. Faute de repreneur, l'équipe est mise en liquidation judiciaire le . La société Phoenix Finance Ltd de Charles Nickerson et Tom Walkinshaw, le patron d'Arrows, tente de racheter les droits et les monoplaces mais comme la FIA ne les autorise pas à s'engager aux Grands Prix de Malaisie et du Brésil, les deux hommes renoncent. C'est ainsi que se termine l'aventure Prost GP, le dernier projet franco-français d'envergure.

Pensé sans doute à contretemps comme un projet "national", au moment même où la mondialisation s'accélérait et que les grands constructeurs déclenchaient une énorme course aux armements en F1, le projet Prost GP mettait un terme à un quart de siècle d'épopée de l'écurie "tricolore" lancée en 1976 par Guy Ligier.

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Pour résumer

Prost GP fut un projet tentant, qui devait synthétiser le meilleur du savoir faire national. Tous les ingrédients étaient réunis pour faire triompher une grande écurie "nationale" portée par un nom emblématique. L'expérience se terminera pourtant de façon amère.

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