Décryptage : Peut-on faire de l'éco-conduite sur un road-trip sans devenir fou ?
par Cedric Pinatel

Décryptage : Peut-on faire de l'éco-conduite sur un road-trip sans devenir fou ?

Sur le papier, l'éco-conduite permet de reboucher le trou de la couche d'ozone, de sauver les ours polaires et de repousser d'un siècle le pic pétrolier. Dans la réalité, c'est aussi un moyen de perdre son calme et, parfois, sa concentration jusqu'à l'endormissement total. Après un road-trip de plus de 1500 kilomètres parcourus sans remettre une goûte de carburant dans le réservoir de notre Skoda Superb GreenLine, permettons-nous une réflexion de fond (empreinte de mauvaise foi) sur cette pratique. Et quelques écarts de conduite, aussi.

Zapping Le Blogauto Essai du Renault Espace - 200 chevaux

Même si le scandale des moteurs Diesel Volkswagen et ses suites ont rappelé que les constructeurs automobiles exagèrent volontiers sur l'efficience de leurs moteurs, difficile de contester la tendance à l'amélioration constante des automobiles en matière de consommation et de dépollution. Certes, il faudra encore de gros progrès sur le fonctionnement des systèmes d'injection ou des filtres à particules, afin que ces dispositifs marchent aussi bien dans la vraie vie que lors des tests d'homologation.

Mais l'optimisation du poids des autos, de leurs groupes motopropulseurs et de leur aérodynamisme permet de faire baisser (plus ou moins légèrement) la consommation à chaque nouvelle génération de modèle. Nous sommes arrivés dans une ère où une grosse limousine comme la BMW Serie 7 revendique officiellement 124 g/km de CO2 et 4,9l/100/km (730d), où les citadines parviennent désormais à descendre sous les 80 g/km sans motorisation hybride et où même une McLaren 570S consomme moins de 10 litres aux 100 km à 130 km/h au régulateur sur autoroute.

Comme sa petite soeur l'Octavia GreenLine, la Skoda Superb GreenLine fait partie de ces nouveautés conçues pour présenter les meilleurs chiffres de consommation possibles. Et donc, séduire les entreprises par une fiscalité attractive ou les particuliers soucieux de réduire leur budget carburant. Cette grande familiale, cousine de la Passat, revendique en effet 3,7 litres aux 100 km et 95 g/km de CO2 dans sa version berline, pourvue d'un quatre cylindres diesel de 1,6 litres développant 120 chevaux accouplé à une boîte manuelle aux rapports allongés (en plus du châssis Sport rabaissé pour réduire sa trainée aérodynamique).

Comme Skoda annonce sur le papier une autonomie maximale de 1780 kilomètres, les communicants de la marque nous ont proposé de venir vérifier sa frugalité dans un trajet de plus de 1500 kilomètres entre Prague et Riga, avec interdiction formelle de remettre du carburant après le départ (réservoir plein). Vous voyez le Gumball 3000 ? Eh bien ça n'est pas du tout ça. Comme vous pouvez l'imaginer, le rythme à observer sur notre parcours différerait sensiblement de celui d'un rallye routier en supercar.

Greenwashing ?

Après le plein de diesel dans nos autos, tous les duos de participants se mettaient en route depuis Prague vers la Pologne. A partir de là, la norme voudrait que je me contente de vous dire que la Skoda Superb Greenline est la meilleure voiture de tous les temps, en vous détaillant à quel point la consommation fut basse sur le trajet. Mais en partant les derniers nous décidons très vite, mon coéquipier et moi, d'opter pour un rythme plus naturel sur ces autoroutes pourvues de limitations de vitesse souvent relevées à 140 km/h.

Nous dépassons donc en quelques minutes toutes les autres autos engagées dans l'aventure, bloquées à 90 km/h (grand maximum) sur la voie de droite. Après quelques dizaines de kilomètres, je levais les yeux du compteur, adoptant un rythme classique de grande berline voyageuse au long cours. Puis arrivé sur une portion sinueuse dans un parc de la région, je décidais de passer à une conduite résolument dynamique en jouant généreusement du levier de vitesses (que cette boîte est longue !) et en mettant à l'épreuve le comportement de l'auto.

Arrivé à la pause déjeuner après 200 kilomètres parcourus sans une once d'éco-conduite, mais en piochant généreusement dans les réserves de notre Superb GreenLine, le tableau de bord affiche une consommation moyenne de 5,8 litres/100 km. Propulsés au statut de risée absolue du groupe, nous avons cependant dû attendre près d'une heure avant l'arrivée du reste des participants consommant en moyenne 3,7 litres/100 km. Gros changement de rythme sur le parcours de l'après-midi jusqu'à Cracovie : dans cet événement organisé pour mettre en valeur la frugalité extraordinaire de la Superb GreenLine, notre comportement ne passait pas...

Les organisateurs nous ont supplié d'arriver au moins à tenir plus de 1000 kilomètres avec notre unique plein de carburant. Sensible à leur désespoir, mon coéquipier au volant décidait alors de réduire fortement la vitesse moyenne sur les 250 kilomètres restants de l'étape. Depuis le siège passager, la somnolence me terrassait assez vite et lorsque j'émergeais enfin de ma longue sieste, le tableau de bord n'affichait plus que 5 litres aux 100 km en consommation moyenne.

La terreur de l'éco-conduite

Je reprends le volant le lendemain matin pour rallier Cracovie à Varsovie puis Kaunas, avec comme consigne de continuer à abaisser -à tout prix- notre consommation et d'arriver à aller le plus loin possible avec notre plein. Fini le plaisir du voyage dans une confortable berline, le parcours se transforme en véritable épreuve. Car oui, l'éco-conduite n'a rien d'une promenade de santé. Chaque coup de frein devient une pénalité, et les multiples changements de rythme augmentent votre consommation moyenne dans des proportions effrayantes. Le moindre feu rouge met un coup d'arrêt à vos économies d’énergie et chaque automobiliste vous faisant ralentir représente un parasite nuisible. Ajoutez à cela des travaux en plus de gros embouteillages, et vous obtenez un cocktail terriblement angoissant où vos capacités d'anticipation et vos nerfs sont mis à rude épreuve.

Moi, je craque complètement. Je klaxonne lorsqu'une voiture réagit trop lentement et risque de me faire freiner, je colle les autres véhicules de très près, je passe aux feux orange et je m'énerve lorsqu'un camion m'oblige à accélérer puis ralentir, perturbant mon efficience. L'angoisse totale, jusqu'au moment où l'énervement laisse place à la lassitude : sur une autoroute déserte, bloqué sur la voie de droite à 90 km/h au régulateur, la somnolence vous gagne très vite même en ayant bien dormi la veille.

Vous voilà alors dans un état où vous ne vous sentez plus aussi en sécurité, malgré la relative protection offerte par le régulateur adaptatif de la Skoda qui freine tout seul lorsqu'il détecte un ralentissement devant. Certes, cette baisse de l'attention n'arrive pas si vous vous prenez à 100% au jeu, en cherchant réellement à atteindre des records et en scrutant la moindre variation de consommation dans l'ordinateur de bord. Si le défi vous plaît, vous resterez concentré au maximum pour anticiper le plus loin possible et surveiller au plus près votre consommation.

Un final extrêmement instructif

Grâce à notre changement comportemental opéré après ces 200 premiers kilomètres parcourus à une allure "hors-sujet", nous entrevoyons finalement la possibilité de rallier la destination finale, Riga, sans tomber en panne sèche à plus de 1500 kilomètres de notre point de départ de Prague. Notre ordinateur de bord indique désormais 4,1 litres/100 km de consommation moyenne depuis le départ. Nous venons d'allumer la réserve à plus de 200 kilomètres de Riga, mais l'ordinateur de bord affiche une autonomie restante de 250 kilomètres. Cette autonomie diminuera plus vite lors de la dernière vingtaine de kilomètres, parcourue en milieu urbain, mais nous rallieront finalement la destination finale avec 30 kilomètres d'autonomie restante non sans avoir un peu transpiré à chaque ralentissement.

Arrivés 30 minutes plus tard au minimum sur cette étape finale du jour, les autres équipages possèdent en moyenne 300 kilomètres d'autonomie restante, et une consommation moyenne de 3,6 litres/100 kilomètres. Le meilleur équipage -et l'un des plus lents, forcément- affiche fièrement une autonomie totale à peine au-dessous des 2000 kilomètres alors que nous n'avons pu tenir que 1530 kilomètres. Impossible de contester la frugalité effective de la Superb GreenLine.

Conclusion

Faut-il pour autant en conclure que cette pratique obsessionnelle de l'éco-conduite s'avère la intéressante ? Je ne suis pas d'accord. Lors de notre première partie de trajet empruntée à vive allure, nous avons calculé un différentiel de 4 euros de carburant consommé en plus sur une distance de 220 kilomètres avec nos collègues. Pour un temps gagné à l'arrivée de plus d'une demi-heure. Si le temps représente aussi de l'argent pour vous, difficile de ne pas pondérer l'économie de carburant avec la perte de temps. Par ailleurs, je considère que 5,0 litres/100 km en roulant à 140 km/h, soit la limitation de vitesse en Pologne, reste tout à fait acceptable sur une grosse familiale et ne troue pas vraiment le portefeuille.

En allant plus loin, je trouve qu'une auto comme la Superb se révèle vraiment lorsque vous optez pour une finition et une motorisation supérieures à celles de la version GreenLine. Avec autant de raffinement sur les longs trajets (jetez un oeil à l'intérieur d'une version Laurin & Klement), vous voilà dans un univers rappelant celui d'une familiale "premium" comme l'Audi A4 ou la Mercedes Classe C. Un univers totalement hermétique au genre de stress généré par notre conduite "écologique" sur le parcours...

Crédit photos : CP/le blog auto

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Pour résumer

Sur le papier, l'éco-conduite permet de reboucher le trou de la couche d'ozone, de sauver les ours polaires et de repousser d'un siècle le pic pétrolier. Dans la réalité, c'est aussi un moyen de perdre son calme et, parfois, sa concentration jusqu'à l'endormissement total. Après un road-trip de plus de 1500 kilomètres parcourus sans remettre une goûte de carburant dans le réservoir de notre Skoda Superb GreenLine, permettons-nous une réflexion de fond (empreinte de mauvaise foi) sur cette pratique. Et quelques écarts de conduite, aussi.

Cedric Pinatel
Rédacteur
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