Rétro : retour en 10 faits sur le week-end apocalyptique d'Imola 1994
par Nicolas Anderbegani
30 ans déjà !

Rétro : retour en 10 faits sur le week-end apocalyptique d'Imola 1994

Trente ans après la tragédie qui frappa Imola en mai 1994, le traumatisme est toujours là, les souvenirs puissants, la tristesse éternelle. Retour sur dix faits particuliers qui ont entouré, précédé et suivi ce drame majeur de l’histoire de la Formule 1.

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Roland Ratzenberger jouait la suite de sa saison

Rétro : retour en 10 faits sur le week-end apocalyptique d'Imola 1994 - Roland Ratzenberger jouait la suite de sa saison

L’autrichien est arrivé sur le tard en Formule 1, à 34 ans. Après avoir fait ses classes en F3 et F3000, et souvent bossé dur comme mécanicien ou pilote instructeur afin de financer sa passion, il s’était exilé au Japon au début des années 90, révélant son talent en remportant pas mal de courses en Endurance, en Tourisme et en Formula Nippon. Mais faute de sponsors suffisants, il n’avait pas réussi à gravir la dernière marche. Un volant Jordan lui était même passé sous le nez en 1991. C’est dans le courant de l’hiver 1993-1994 qu’il trouve auprès d’une riche allemande basée à Monaco, et aussi par par l’entregent du manager de Gerhard Berger, Burkhard Hummel, un mécénat suffisant qui lui permet de se payer un contrat de 6 courses avec la nouvelle écurie Simtek. Il touche enfin au but.

Après une non-qualification au Brésil puis une honorable 11e place à Aida, Ratzenberger est donc déjà à la moitié de son contrat quand il arrive à Imola, où ses sponsors japonais habituels sont présents pour négocier un appui financier pour le reste de la saison. En début de séance qualificative, Roland joue la dernière place sur la grille face à Paul Belmondo. Les données indiqueront plus tard que du tour précédent le crash, il a eu une légère excursion hors- piste qui a sans doute endommagé son aileron avant, et qu'il avait ensuite secoué le volant pour s'assurer que tout allait bien et pour nettoyer les pneus. Au lieu de s’arrêter au stand, il s’est élancé pour un nouveau tour…qu’il ne finira jamais.

Tamburello, un virage néfaste

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La courbe rapide et dangereuse de Tamburello, sur un asphalte bosselé, avait déjà connu des gros crashs précédemment. En 1987, lors des qualifications du…1er mai, Nelson Piquet perd le contrôle de sa…Williams-Honda suite à une délamination d’un pneu. Il tape très violemment le mur par l’arrière, non loin du point d’impact de Senna sept ans plus tard. L’accident lui laisse de profondes séquelles physiologiques pendant plusieurs mois (maux de tête, troubles du sommeil...) qui impactent durablement sa performance. L’ayant caché à son écurie à l’époque, Piquet avouera plus tard ne plus avoir été le même pilote, ayant perdu une partie de ses facultés qui l’ont poussé à adopter une approche bien plus stratégique de la course face à Mansell pour jouer le titre mondial.

En 1989, Gerhard Berger sur Ferrari tire tout droit, cette fois-ci plus tôt dans la courbe, suite à une rupture aérodynamique. La monoplace rouge tape fort par l’avant droit, avec un angle moins prononcé, et se disloque en longeant le mur, avant de prendre feu suite à l’éclatement des réservoirs. Heureusement, les secours sont présents en quelques secondes pour éteindre l’incendie. Berger s’en sort avec quelques brûlures et une légère commotion cérébrale, mais il a vu la mort de près.

En 1991, c’est Michele Alboreto qui frappe le mur, avec un angle très mauvais et de trois-quarts face. La Footwork se disloque sous le choc mais l’italien ressort de la monoplace simplement en claudiquant. En 1992, Riccardo Patrèse, lui aussi sur une Williams, perd le contrôle de sa machine suite à une crevaison et tape à peu près au même endroit que Senna, mais la voiture est partie en toupie et a tapé par l’arrière, ce qui vaudra néanmoins une minerve au pilote italien.

A plusieurs reprises, l’idée de modifier ce virage et surtout de repousser le mur de béton avait été envisagée, mais la présence d’une rivière derrière – Imola est un tracé exigu et implanté dans un parc près d’une petite agglomération, à l’ancienne – avait rendu impossible ce genre de modifications. Berger et Senna en avaient discuté en se rendant sur place, à peu près à l'endroit où allait se tuer.

Quant à Tosa, la courbe rapide suivante dans laquelle Roland Ratzenberger se tua, elle avait été le théâtre, en 1980, d’un gros crash de Gilles Villeneuve. Parti en toupie à l’entrée de la courbe, il avait avec un angle assez abrupt le fameux mur intérieur, mais s’en était sorti indemne. La vitesse était aussi moindre.

La sécurité, en cause depuis le début de la saison

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Avant même le drame d’Imola, la sécurité était un sujet brûlant depuis le début de la saison 1994. Certes, les cellules de survie avaient progressé depuis la fin des années 80. Néanmoins, devenues très puissantes, avec beaucoup d’appui, mais privées des aides électroniques au pilotage interdites à l’issue de la saison 1993, les monoplaces sont très difficiles à conduire et des accidents sérieux ont déjà eu lieu. JJ Lehto s’est blessé grièvement au cou lors des essais hivernaux, ce qui l’a forcé à être remplacé par Jos Verstappen sur les premières courses. Jean Alesi s’est aussi blessé sérieusement aux vertèbres lors d’un gros crash survenu en essais privés au Mugello, où il avait perdu brièvement connaissance, et il est absent à Imola, remplacé par Nicola Larini. Senna déclare après le crash de Ratzenberger : « Nous ne pouvons pas contrôler tous les paramètres des voitures. Les vitesses sur les circuits sont toujours plus élevées et rien ne suit. »

Longtemps accusé d’être un pilote dangereux et dépassant les limites, Senna est depuis quelques temps très préoccupé par la sécurité. On avait constaté aussi, lors des accidents de Martin Donnelly à Jerez en 1990 et de Erik Comas en 1992, la préoccupation qu’il pouvait avoir pour ses pairs. On le vit de nouveau à Imola, quand il se rendit au chevet de Barrichello ou quand il se rendit sur place, à Tosa, là où Ratzenberger venait de se tuer.  Le dimanche matin, il discute avec son ami Gerhard Berger, avec Niki Lauda, également avec Alain Prost – les deux hommes se sont rapprochés depuis la retraite du second - tous sont prêts à lui prêter main forte. L’idée est de se retrouver à Monaco pour ressusciter le GPDA et que les pilotes fassent entendre leur voix face à la léthargie des instances dirigeantes. Plus question de continuer ainsi.

La voiture de sécurité en accusation

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Une des interrogations soulevées par les pilotes était l’usage de la voiture de sécurité, ce qui était encore très nouveau en F1, contrairement aux courses américaines. Après une première intervention rocambolesque en 1973 lors du GP du Canada, ce n’est qu’en 1993 que la règlementation sportive de la F1 avait introduit l’obligation d’une voiture de sécurité sur les circuits, mais le choix du véhicule était libre et les premiers modèles n’étaient pas du tout adaptés. En 1993, au Brésil, pendant l’averse, c’est une Fiat Tempra de 80 chevaux qui intervient ! A Imola, après le crash du départ, c’est une Opel Vectra qui est lancée en piste.

Malgré une puissance supérieure à 200 chevaux, la voiture s’avère totalement inadaptée.  Senna s'est placé à côté de la Vectra pour faire signe à son conducteur d'accélérer. Une enquête ultérieure a montré que la Vectra n'était pas adaptée car ses freins surchauffaient et il fallait donc la conduire lentement. L'une des théories expliquant l'accident suggère que ce ralentissement a provoqué une baisse de la température et de la pression des pneus, ce qui aurait fait baisser par conséquent la hauteur de caisse de la Williams. Celle-ci aurait donc talonné plus que d’habitude dans la courbe de Tamburello, engendrant des vibrations excessives qui auraient contribué à la faire décrocher. Ce n’est qu’en 1997 que les choses sont normalisées, avec la fourniture d’une voiture de sécurité officielle identique sur tous les circuits, une Mercedes SLK préparée par AMG et plus apte à remplir ses missions.

La colonne de direction

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Parmi toutes les hypothèses qui ont été émises sur les causes de l’accident, la plus probable est celle d’une rupture de la colonne de direction. Celle-ci apparaît brisée sur les photos de l’épave de la FW16, mais la question est de savoir si cette colonne s’est brisée avant la sortie de piste, ou si cette rupture est une conséquence de l’impact.

Dans les semaines précédant le Grand Prix de Saint-Marin, Senna avait demandé à son équipe de modifier la colonne de direction afin de lui donner plus d'espace dans le cockpit. C’est Mansell qui avait exigé une colonne longue pour avoir le volant proche de lui, ce qui avait d’ailleurs gêné Prost en 1993 et contrariait Senna qui souffrait de tétanie avec une position inconfortable. Head et Adrian Newey ont satisfait à la demande de Senna en faisant couper et prolonger l’arbre existant du FW16 avec un morceau de tube de plus petit diamètre qui a été soudé avec des plaques de renforcement. La modification a été effectuée de cette manière car le temps manquait pour fabriquer un nouvel arbre de direction à temps pour la course.

Une analyse de la vidéo de la caméra embarquée, qui a suivi le mouvement du volant pendant la course, révèle aussi des indices. Après avoir tourné sur un arc fixe lors des tours précédents, on constate à partir du 6e tour que l’un des boutons du volant s'est éloigné de plusieurs centimètres de sa trajectoire normale. Le volant bouge davantage, indiquant que la colonne de direction avait un jeu anormal et probablement sur le point de rompre. Michele Alboreto a témoigné que le mouvement du volant était anormal, précisant que la vidéo "prouve que quelque chose était cassé dans la Williams de Senna. Aucun volant ne bouge de quelques centimètres".

Aucune certitude n’a été établie. La caméra embarquée de Schumacher montre que la Williams sous-vire légèrement et brusquement juste avant de foncer vers le mur, ce qui laisse la porte ouverte à d’autres hypothèses (crevaison ? rupture de suspension,), ce que Adrian Newey exprimait quelques années auparavant. N’oublions pas que Newey était le concepteur de la FW16 et qu’il fut, avec Frank Williams et Patrick Head, inculpé pour homicide volontaire par la justice italienne, avant d’être acquitté à l’issue des procédures.

« La vérité est que personne ne saura jamais exactement ce qui s’est passé. Il ne fait aucun doute que la colonne de direction est tombée en panne et la grande question était de savoir si elle était en panne lors de l'accident ou si elle avait causé l'accident ? Il présentait des fissures de fatigue et aurait pu tomber en panne à un moment donné. Il ne fait aucun doute que sa conception était très mauvaise. Cependant, toutes les preuves suggèrent que la voiture n'a pas quitté la piste à cause d'une défaillance de la colonne de direction... Si vous regardez les images de la caméra, en particulier celles de la voiture suivante de Michael Schumacher, la voiture n'a pas sous-viré hors de la piste. Il a surviré, ce qui n'est pas cohérent avec une défaillance de la colonne de direction. L’arrière de la voiture est sorti et toutes les données suggèrent que c’est ce qui s’est produit. Ayrton a ensuite corrigé cela en passant à 50 % des gaz, ce qui serait cohérent avec une tentative de réduction des sorties arrière, puis, une demi-seconde plus tard, il a freiné fort. La question est alors de savoir pourquoi l’arrière s’est retiré ? La voiture a touché le fond beaucoup plus fort lors de ce deuxième tour, ce qui semble encore une fois inhabituel car la pression des pneus aurait dû augmenter à ce moment-là – ce qui laisse penser que le pneu arrière droit a probablement été crevé à cause de débris sur la piste. Si je devais choisir une seule cause la plus probable, ce serait celle-là. »

Morts sur le coup ?

L’une des polémiques ayant entouré ces drames fut de savoir si Roland Ratzenberger et Ayrton Senna étaient morts sur le coup, auquel cas le maintien du grand prix aurait été obtenu en mentant sur le lieu et l’heure du décès des pilotes, afin d’assurer les intérêts économiques en jeu. Selon la loi italienne, les collisions entraînant la mort doivent faire l'objet d'une enquête pour toute culpabilité pénale. Les activités à l'origine du décès, comme un événement sportif, doivent être suspendues immédiatement et le lieu de l'accident sécurisé. Show must go on ! On le constatera encore dans la dernière partie de la course, qui, malgré un énième accident dans les stands avec plusieurs mécaniciens blessés fauchés une roue, ira à son terme, malgré les protestations de plus en plus véhémentes de pilotes, de teams managers et de journalistes. Les propos indignés de Jean-Louis Moncet, Alain Prost et Johnny Rives en direct resteront dans les mémoires.

Pour le décès de Roland Ratzenberger, la version officielle était en effet trompeuse, puisque le rapport d’autopsie révèle qu’il a été tué sur le coup par la violence inouïe de l’impact (plusieurs centaines de G) ayant entrainé une fracture basilaire du crâne, mais que sa mort officielle a été déclarée à l’hôpital en invoquant un arrêt cardiaque. Pour Senna, les débats furent également très animés. Senna n’est pas mort sur le coup au sens où l’équipe médicale a pu maintenir sa respiration, mais la mort cérébrale fut immédiate. Au cours d'une procédure judiciaire devant les tribunaux italiens en 1997, sur la base du témoignage d'expert, l'heure officielle du décès de Senna a été enregistrée à 14 h 17 le 1er mai 1994, coïncidant avec la mort cérébrale, lorsque Senna a heurté le mur de Tamburello et a été touché à la tête par un bras de suspension qui lui a infligé des lésions profondes.

La FIA et les autorités italiennes du sport automobile maintiennent toujours que Senna n'a pas été tué sur le coup, mais qu'il est décédé à l'hôpital, où il avait été transporté d'urgence en hélicoptère après une trachéotomie d'urgence et une administration intraveineuse sur la piste. Senna a subi des traumatismes mortels lors de l’impact (fracture du crâne, enfoncement du front, lésions cérébrales irréversibles provoquées par les éléments de suspensions ayant transpercé la visière et pénétré le visage sous l’arcade sourcilière, provoquant une forte hémorragie), mais son cœur battait encore. Le médecin Sid Watkins a dégagé les voies respiratoires, endigué le flux sanguin, remplacé le sang perdu et immobilisé la région cervicale. Le pouls battait toujours lors du transfert en hélicoptère, et ce n’est qu’à 18h40 que le décès est officialisé, après que les neurochirurgiens aient constaté qu’aucune intervention n’était envisageable pour le sauver. La course avait repris après 40’ d’interruption.

Les photos interdites

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Alors que Senna gisait immobile dans sa voiture, Angelo Orsi, présent non loin de Tamburello au moment de l'accident, est arrivé sur les lieux de l'accident avec un scooter. Il était rédacteur en chef photo du magazine de course italien Autosprint et ami proche de Senna. Orsi a pris des photos en gros plan de Senna alors qu'il était immobile dans la Williams détruite. Des photos ont également été prises après que son casque ait été retiré, alors qu'il était soigné par le personnel médical au sol. Les photos étaient de nature extrêmement graphique.

Vers minuit, Orsi est retourné à la salle de développement d'Autosprint pour analyser les photos, dont il était peu probable qu’elles soient publiées dans un magazine. C'est également lui qui a informé la famille Senna de l'existence des photos. Les membres de la famille, seules personnes à les avoir vues, ont demandé à Orsi de ne jamais permettre à quiconque d’y accéder.

Selon The Life of Senna, certains clichés sont probablement dans un coffre-fort au sein du bureau d'Autosprint. On sait qu'Orsi et le magazine se sont vu proposer des offres financières importantes, au moins supérieures à 100 000 dollars, pour les droits.  Selon Ayrton The Magic, au moins une photo serait définitivement irrécupérable. Représentant Senna sans son casque, elle a été détruite visiblement par le directeur d'Autosprint, Carlo Cavicchi, après avoir reçu un appel d'Orsi allant en ce sens.

 

L’aube d’une révolution sécuritaire

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Dans les semaines qui suivent Imola, alors qu'un nouveau drame surgit à Monaco avec Karl Wendlinger qui reste dans le coma plusieurs jours après un crash, Bernie Ecclestone et le président de la FIA, Max Mosley, sont mis au pilori par les médias et l’opinion publique. En plus du traumatisme suscité par ces deux morts, dont un qui était idolâtré, on dénonce la primauté donnée au spectacle et au profit sur la sécurité et sur l’humain.

Si la FIA et les patrons d’écuries s’écharpent sur les mesures à prendre et le délai d’application, une des premières décisions est de limiter la vitesse des monoplaces et le nombre de personnes admises dans la pitlane suite à l'accident d'Alboreto, dont une roue baladeuse avait fauché des mécaniciens à Imola.  Des restrictions sur les appuis aérodynamiques, un renforcement de la protection autour du cockpit et un renforcement des éléments de suspension sont rapidement introduits en cours de saison, et on pare au plus pressé en aménageant des chicanes de fortune dans des virages jugés critiques, comme le raidillon de l’eau rouge à Spa.

Ce n’est qu’en 1995 que les F1 changent vraiment de visage, avec un poids augmenté, une réduction de la puissance et un renforcement des protections latérales de la tête des pilotes. Les virages de Tamburello et de Tosa sont modifiés avec des chicanes. Bientôt les circuits seront entièrement repensés en termes d’infrastructures, sous la houlette de l’architecte Hermann Tilke dont les nouveaux tracés présenteront des standards de sécurité inédits. Une nouvelle ère pour la F1 commence, qui s’est poursuivie ensuite avec les systèmes de rétention des roues, le HANS et le HALO. Pour certains, la F1 a perdu de son romantisme, de son aspect « chevaleresque » et « gladiateur », mais pour d’autres, elle a sauvé depuis, mais malheureusement pas toujours, de nombreuses vies.

 

Tu me manques, Alain

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La tragédie d’Imola regorge aussi de faits qui, après coup, ont pris une résonnance troublante, comme des signes prémonitoires. Parmi elles, comment oublier le fameux petit message destiné à Alain Prost, que Ayrton Senna glisse à l’entame de son commentaire embarqué d’un tour du circuit. C’est en effet une exclusivité que TF1 avait obtenu avec Williams-Renault : le vendredi matin, lors des premiers essais libres, avant que les enjeux de la compétition ne rendent cela incongru, Senna réalisait un tour d’installation dans lequel il commentait et décrivait le tracé et les vitesses adoptées. TF1 se chargeait ensuite de récupérer la radio du brésilien auprès des techniciens de Williams pour ensuite faire un montage avec les caméras embarquées. Le tout était ensuite diffusé le dimanche matin, dans Auto Moto. Evidemment le salut à « un bonjour à mon ami Alain, tu nous manques Alain », étonna tout le monde. Prost en fut très touché, mais les équipes de TF1 vérifièrent auprès de Senna la sincérité des propos, démarche que le brésilien n’apprécia guère.

C’était un message bien sincère matérialisant le rapprochement entre les deux anciens ennemis, qui s’était amorcé fin 1993 lors de la retraite du Français. Tout le monde avait vu la réconciliation sur le podium d‘Adelaïde en 1993, et les deux hommes échangeaient beaucoup depuis, y compris sur ce week-end d’Imola, à propos notamment de questions de sécurité. Pour Senna, l’absence de Prost était également difficile à admettre, car c’est leur rivalité qui avait construit sa carrière. Entre son début de saison raté, ses questionnements sur la sécurité ou encore sur l’illégalité supposée de la Benetton de Schumacher, Ayrton Senna était apparu extrêmement préoccupé et perturbé pour bon nombre de ceux qui l’avait croisé dans le paddock.

 

Comas, comme un signe d’adieu

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Parmi les étranges coïncidences de ce grand prix, celle-ci est également très symbolique. Deux ans plus tôt, Erik Comas avait eu un terrible accident dans la courbe de Blanchimont à Spa. La roue avant droite avait heurté son casque et l’avait assommé. Le moteur tournait toujours et le pilote avait le pied enfoncé sur l’accélérateur, avec un risque d’incendie imminent à cause du carburant. Senna n’avait pas hésité et, en arrivant sur les lieux, s’était s’arrêté en piste et était sorti de sa McLaren pour courir vers la Ligier, couper l'interrupteur principal et soutenir la tête du Français. Un lien d’amitié naitra de cet évènement entre eux, Comas ayant toujours eu le sentiment que Senna, ce jour-là, lui avait sauvé la vie. Deux ans plus tard, à Imola, par un incroyable concours de circonstances, les rôles s’inversent. Relancé par erreur en piste alors que la course est arrêtée et que les secours s’affairent sur le brésilien, Erik Comas tombe sur les lieux du drame. Il est le dernier pilote à avoir vu Ayrton Senna en piste, gisant près de sa voiture, mais, lui, ne put rien faire…

« Pendant l'intervention de la voiture de sécurité à Imola, Éric Bernard m'a heurté et j'ai ressenti d'énormes vibrations, donc j'ai décidé de m'arrêter pour faire inspecter la voiture. L'équipe était concentrée sur la résolution du problème et ne s'est pas rendu compte que Senna avait eu un accident.

Une fois ma voiture réparée, je suis allé au bout de la voie des stands. Il y avait de la confusion pour savoir si je pouvais reprendre la piste, mais le commissaire m'a laissé y aller. Lorsque je suis arrivé à Tamburello, je ne pouvais pas passer car il y avait les ambulances et l'hélicoptère. J'ai dû arrêter ma voiture et en sortir. J'ai vu mon ami allongé mais je ne pouvais rien faire pour l'aider. C'était un sentiment horrible. Je n'ai pas attendu la reprise de la course. J'ai quitté le circuit et je suis rentré chez moi, à Londres. »

 

Philippe Leloup, qui travaillait pour Larrousse, s’est confié sur cet incident : « Beaucoup d’échanges avaient lieu entre Erik Comas et Ayrton Senna par rapport à l’accident mortel de la veille, celui de Roland Ratzenberger. Des messages s’échangeaient entre eux, dans le cadre de l’association des pilotes. Ils étaient très proches, depuis ce qui s’était passé à Spa en 1992. J’étais allé dans le motor-home Williams le dimanche matin pour apporter ces messages et j’avais trouvé Senna pas du tout en forme, très contrarié. Ensuite, c’est la course, qui commence déjà par l’accident du départ, avec des spectateurs blessés. Survient ensuite l’accident de Senna. Comas était rentré au box avant l’incident et ressort des stands, mais il est stoppé au bout de la pitlane. A ce moment à, on ne sait pas trop ce qui se passe, c’est la confusion, nous n’avions pas tous les écrans comme aujourd’hui. Je vais à la direction de course pour leur indiquer que Comas ne peut pas rester stoppé comme ça, moteur tournant, au bout de l’allée de stands et qu’il faut le relâcher. La règlementation le permet, mais on ne sait pas ce qui se passe réellement en piste. La communication n’a plus rien à voir avec aujourd’hui. Comas est donc relâché, arrive sur l’accident, il est arrêté par les commissaires et a de suite compris. Il est rentré dans le motor-home, a pris ses affaires et il est parti. »

 

 

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Pour résumer

30 ans après le cauchemar d'Imola, où sont morts Roland Ratzenberger et Ayrton Senna, l'émotion est toujours palpable. Ce week-end de course, où flottait une atmosphère lourde et une sorte de malédiction, a changé pour toujours la Formule 1.

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