Toyota face à la révolution numérique : entre inertie interne et concurrence féroce de Tesla et BYD

Toyota peine à accélérer sa transformation numérique face à Tesla et BYD, freinée par une culture d’entreprise trop conservatrice.

Un géant automobile en pleine remise en question

Toyota, premier constructeur automobile mondial, traverse une période de remise en question alors que l’industrie bascule vers l’électrique et le numérique. Si la marque est célèbre pour sa fiabilité mécanique, elle peine à rattraper des concurrents plus agiles comme Tesla ou BYD, qui placent le logiciel au cœur de l’expérience automobile.

En interne, une inquiétude grandit. Des employés de tous horizons — de la R&D aux mécaniciens — alertent sur le retard numérique de l’entreprise. Pour y remédier, Toyota a créé il y a quatre ans une cellule appelée Département de Promotion de la Transformation Numérique, sur initiative de l’ex-PDG Akio Toyoda. Sa mission : moderniser l’entreprise de l’intérieur.

Une culture profondément ancrée dans l’analogique

Malgré l’impulsion donnée, la transformation reste laborieuse. Toyota conserve une culture d’entreprise profondément analogique et prudente, parfois à l’excès. Le groupe reste scindé entre ses modèles à essence, qui continuent de dominer son offre, et une volonté d’avancer vers l’électrification et la digitalisation. Cette prudence stratégique, autrefois gage de succès, devient aujourd’hui un frein dans une course technologique mondialisée.

La nouvelle division numérique a tenté d’imposer une vision plus moderne en apportant des changements concrets : digitalisation des congés, remplacement des tableaux blancs par des écrans tactiles, utilisation de robots dans l’hôpital d’entreprise ou encore accès à distance aux logiciels de conception assistée. Si ces initiatives témoignent d’une volonté de changement, elles ne sont pas à la hauteur de l’enjeu : transformer une entreprise tentaculaire et bureaucratique pour en faire un acteur agile du numérique.

Un engagement jugé insuffisant par ses propres employés

Plusieurs collaborateurs engagés dans la transformation numérique sont aujourd’hui désabusés. Leur frustration a été accentuée par la récente absorption du Département de Transformation Numérique dans une entité plus vaste : le groupe Digital Information and Communication. Cette réorganisation a été perçue comme une dilution de la mission initiale et un frein supplémentaire au changement.

Le cas de Woven, filiale numérique ambitieuse de Toyota, illustre également ces tensions internes. Créée pour impulser une approche « software-first » dans la production automobile, elle a fini par être réintégrée discrètement au sein du groupe après le départ de son dirigeant américain. Une ambition avortée, reflet d’une structure trop rigide pour soutenir de véritables révolutions internes.

Le poids de l’héritage et la « falaise numérique »

Toyota n’est pas un cas isolé au Japon. Le pays, pourtant précurseur en robotique et en ingénierie, souffre d’une « falaise numérique » : une difficulté structurelle à abandonner des pratiques désuètes, comme le fax, au profit de solutions digitales modernes. Le gouvernement lui-même alerte sur ce retard.

Lors des négociations salariales de 2021, Akio Toyoda reconnaissait cette inertie : silos d’information, hiérarchies rigides, valorisation du statu quo. Il appelait alors à une transformation rapide pour s’aligner sur les standards mondiaux. La création du département numérique devait répondre à cet appel. Mais l’élan initial s’est heurté à une bureaucratie paternaliste et à un attachement fort aux anciennes méthodes.

Une inertie coûteuse face à des concurrents agiles

Le défi auquel Toyota est confronté dépasse les murs de l’entreprise. Des rivaux comme Tesla, Xiaomi ou les géants technologiques (Apple, Google) redéfinissent le tableau de bord automobile et imposent un rythme d’innovation élevé. Les constructeurs traditionnels comme Volkswagen ou Ford rencontrent les mêmes obstacles : retards, erreurs de stratégie logicielle, difficulté à recruter des talents tech.

Selon John Murphy, analyste chez Bank of America, il ne suffit pas de modifier un composant ou une fonction : c’est tout l’écosystème automobile qu’il faut repenser, du logiciel embarqué à l’infrastructure de production. Pour Toyota, le défi est immense. Il s’agit de dépasser un succès historique devenu inertie et de reconstruire une agilité numérique dans un secteur en pleine mutation.

Un tournant décisif pour Toyota

Toyota est à un tournant stratégique. Pour rester compétitif face à des acteurs technologiques innovants, le constructeur doit transformer en profondeur sa culture, ses processus et son organisation. La transformation numérique n’est plus un choix mais une nécessité vitale. Si Toyota parvient à briser ses chaînes internes, il pourrait non seulement rattraper son retard, mais aussi redéfinir la voiture de demain à sa manière.

Crédit illustration : Toyota.

(6 commentaires)

      1. Ils vont le faire évoluer BYD a une division semi conducteur très performante. BYD et des dizaines d’autres marques chinoises sont en constellation autour d’un écosystème technologique très performant (logiciels, système d’exploitation, intelligence artificielle, semi-conducteurs).

        Aujourd’hui seuls les Usa et la Chine ont une total indépendance numérique (la Chine est en passe de combler les derniers pourcentages).

        Le Japon n’a pas d’autonomie totale dans le numérique, il en avait ( et a probablement encore) pourtant les moyens durant les années 80 90. l’UE aussi.

    1. Par expérience je peux confirmer que la digitalisation embarquée dans le nouveau LC250 est pitoyable. Obsolète, lente et surtout pas fiable du tout…
      Paradoxalement ce modèle fait aussi bien que le Disco de Landrover… Electronique erratique, finition fragile, fuite par le toit vitré lors de grosses averses… Pour le moment un bide total. Le constructeur ne propose aucune solution pour les étriers de freins qui grincent, le toit qui fuit et l’électronique embarquée totalement fantaisiste et à la ramasse.

  1. On en reparle dans 20 ans ?

    Il n’y a rien qui se démode plus vite que la mode.

    Reste à différencier les mouvements de fond et la mode. On n’a pas le cul sorti des ronces.

  2. Personnellement, s’il y a bien une marque que je n’achèterais pas c’est Toyota: Les seules que j’ai eu c’était des locations et c’est quand même (à de rares exceptions près, parfois simple rebadgeage type GT86) les spécialistes du truc désagréable à conduire bardé de petits problèmes de conception que l’on découvre à l’usage.
    De toutes manières, avant de voir certaines compagnies de Taxi (surtout en IDF) imposer leurs merdes hybrides-mobylettes-variateur-atkinson, on n’en voyait pas trop chez les pros passant leur vie au volant. Je dirais que la seule exception c’était le taxi-niakoué qui, à Paris comme partout dans le monde, conduit comme un pied car à la base il ne semble vraiment pas aimer le faire.
    Bref, j’aime pour ma part bien conduire et Toyota globalement c’est no way!

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