Essai Audi R8 Spyder : sans pression
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par Cedric Pinatel

Essai Audi R8 Spyder : sans pression

Mais pourquoi iriez-vous acheter une Audi vendue à peine moins cher que des supercars au blason légendaire, à la fois plus performantes et plus impressionnantes à regarder ? Hein, pourquoi ?

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"On parie combien ?" me lance le rédacteur en chef d'un magazine automobile bien connu des amateurs de sportives, alors que nous discutons devant une paire de voitures garées près d'une école à l'heure de la sortie des classes, quelque part sur la Côte d'Azur. "Les enfants, vous préférez la blanche ou la rouge ?" -"La blanche !", répondent les écoliers en cœur. Mince, je me trompais. Je pensais qu'une Audi R8 V10 Plus rouge provoquerait autant de coups de foudre qu'une McLaren 570S blanche. J'imagine que ses portes laissées ouvertes, à la cinématique nettement plus théâtrale que les banales portières de la R8, auront joué en faveur de l'Anglaise. Mais force est de constater que l'Allemande n'épate pas autant la galerie que des supercars au blason plus prestigieux, et aux lignes plus osées. Si la fraîcheur de la première R8 faisait tourner les têtes à sa sortie, le relatif conservatisme des traits de la deuxième génération du coupé semble générer une certaine lassitude au sein de la communauté des "caisseux". Et même des écoliers, donc.

Quelques mois après cette constatation sans appel, je me retrouve avec le même rédacteur en chef à Barcelone, lieu choisi par Audi pour présenter sa R8 Spyder en raison de son climat traditionnellement ensoleillé, donc idéal pour essayer un nouveau cabriolet de 540 chevaux. Mais après 24 heures essentiellement passées sous une pluie torrentielle et dans de gigantesques bouchons, mon collègue ne semble toujours pas emballé par la sportive allemande. Il formule systématiquement les mêmes reproches à l'encontre de la R8 : une direction au ressenti trop artificiel, une pédale de frein délicate à doser précisément, et un comportement dynamique globalement moins tranchant que des machines comme la McLaren 570S. Avouons que face à une telle référence sportive (pour moins de 200 000 euros), aucune autre concurrente de ce prix ne peut rivaliser au registre de la pureté de pilotage. Vous l'aurez compris, mon ami rédacteur en chef préfère les McLaren.

Me revoilà enfin aux commandes d'une R8 Spyder cette fois au Pays de Galles, sous un ciel menaçant, par une froide après-midi d'avril. Croyez-le ou non mais après les trombes d'eau déversées sur la Costa del Sol la dernière fois, il ne pleut pas dans cette contrée britannique pourtant réputée pour son humidité toxique. Peut-être était-ce la présence du satané rédacteur en chef qui amenait la pluie ? Heureusement cette fois, il ne fait pas partie du voyage. Cette manche-là se jouera entre le cabriolet allemand, les fameuses routes du "Triangle EVO" et moi, sans élément nuisible autre que le risque de pluie, épée de Damoclès énervante au-dessus d'un roadster conçu pour laisser chanter son moteur en plein air.

Ce rédacteur en chef, Patrick pour ne pas le citer, ne s’intéressait -à tort- qu'a certains détails précis. Comment ne pas louer la polyvalence d'une telle machine, une fois plongée dans la circulation de Manchester ? McLaren et Ferrari auront beau encenser le confort de leurs nouvelles sportives, aucune supercar n'atteint la douceur de fonctionnement d'une Audi R8. L'amortissement piloté offre une qualité de filtrage digne d'une GT de luxe, l'habitacle futuriste -bien qu'un peu triste- jouit d'une ergonomie parfaite, et il n'y a même pas besoin de "lift" pour passer les dos d'âne (grâce au porte-à-faux avant assez haut). La boîte à double embrayage n’envoie jamais d'à-coup en ville, et maîtrise magistralement son patinage. Quant au moteur, il accepte volontiers de se limiter à un bruit de fond raffiné en mode confort, où la transmission anticipe tranquillement les passages de rapport. Sa direction extrêmement filtrée ne vibre jamais lorsque vous glissez les roues sur du mauvais tarmac, et elle se montre même plus légère dans les manœuvres qu'une Porsche 911 Turbo S.

Pour flâner en cabriolet comme un retraité américain en vacance sur la Côte d'Azur, la R8 Spyder s'impose clairement comme la supercar la plus douée de son segment. J'imagine que lorsqu'on consent à investir près de 200 000 euros dans une sportive censée rester utilisable au quotidien, ça compte aussi. Au fait, vous l'avez regardée ? L'ablation du toit profite énormément à la R8. De supercar un peu fade, la voilà propulsée au rang de star de cinéma. Capote dépliée, le trois quart arrière foudroie tous les voyeurs, dans un genre plus subtil qu'une Huracan Spyder.

Mais Patrick se trompe aussi sur l'essentiel. Cette R8 Spyder vaut bien plus qu'une modeste GT de touriste lorsque vous osez l'emmener sur circuit. Sur la piste vallonnée et assez vicieuse du circuit d'Anglesey perché sur la côte galloise, l'Allemande affiche des aptitudes insoupçonnables pour un cabriolet de 1612 kilos (à sec), positionné comme une variante moins radicale que le Coupé V10 Plus. Très neutre tant que vous restez gentil, elle devient vive à l’inscription en virage lorsque vous commencez à vous approcher des limites. Faites preuve de brutalité, et vous devrez même apporter quelques corrections au volant pour tempérer sa mobilité. Revenez très tôt sur les gaz en courbe (avec l'ESP en Track), et elle dessinera une jolie petite virgule en quittant le virage sans ruer dans les brancards. Elle se vautrera fatalement dans le sous-virage massif (et frustrant) en cas de sur-vitesse trop prononcée, mais son équilibre à la limite se révèle vraiment en piste. Qui aurait imaginé pouvoir prendre autant de plaisir dans un cabriolet Audi sur circuit, servi par une boîte suffisamment réactive, accompagné en permanence par un V10 atmosphérique aussi hargneux que mélodieux ? Qui aurait cru qu'une telle machine, au comportement dynamique réputé aseptisé, puisse devenir aussi vivante et intéressante à piloter lorsque vous attaquez le chrono ?

Patrick pourrait bien rétorquer que, contrairement à la McLaren, cette R8 nécessite absolument un circuit pour sortir de sa neutralité naturelle. Que, contrairement à l'Anglaise donc, vous ne pourriez jamais retrouver ces traits de caractère surprenants sur des routes ouvertes à la circulation. Et il aurait raison : si une route de montagne suffit à mettre en valeur le caractère dynamique enjoué d'une 570S, chirurgicale dans ses inscriptions et toujours volontaire pour remuer du train arrière, la R8 se contente d'observer un comportement rassurant. Dans ces conditions, elle reste sur un rail. Ce n'est vraiment que lorsque vous trouvez un terrain suffisamment sécurisé pour atteindre ses limites de grip qu'elle dévoile ses autres facettes.

Et pourtant, l'expérience routière en R8 Spyder demeure tout aussi fascinante. Mis en confiance par sa neutralité totale, vous freinez plus tard avant chaque virage du Triangle gallois. Vous n'attendez jamais longtemps avant de ré-accélérer, même sur du tarmac encore humidifié par la brume du parc de Snowdonia. Vous tirez chaque rapport jusqu'au rupteur, juste pour voir l'écran du virtual cockpit virer au rouge et entendre le V10 crier de toutes ses forces. L'auto ne se désunit jamais, même lorsque vous chevauchez de vilaines bosses en avalant goulument des courbes rapides. Vous roulez vite, sans doute pas beaucoup moins qu'avec une R8 V10 Plus Coupé développant 70 chevaux supplémentaires. Cette direction remonte mille fois moins d'informations que celle de la McLaren, mais sa précision et sa rapidité suffisent très largement. La stabilité de l'auto, l'agrément moteur époustouflant et les performances font le reste : au bout d'une heure d'arsouille sur des routes de rêve quasiment vides de trafic, vous êtes repu.

Conscient d'avoir vécu ce genre de petit moment de grâce dont vous vous souviendrez toute votre vie, vous baissez enfin le rythme et sentez le vent gallois glacer votre visage, alors que vos aisselles ruissellent en abondance. Vous jouez juste encore des palettes pour faire chanter le V10 atmosphérique à votre convenance, sans l'utiliser à pleine charge. Le soir même, vous dormirez bien.

Patrick ne se trompe pas lorsqu'il affirme que la R8 propose une expérience de conduite moins pure que la 570S. Pourtant malgré sa mise au point tournée vers la facilité de prise en main, elle demeure toute aussi sensationnelle que l'Anglaise à sa façon. Pour sûr, sa motorisation épicurienne et l'amputation de son toit jouent pour beaucoup. Mais dans cette configuration, et seulement dans cette configuration, la R8 tient fièrement son rang de machine de rêve en prodiguant de prodigieuses décharges d'adrénaline. Plus mémorables encore que celles infligées par une McLaren au comportement dynamique parfait ? Pour moi, oui. N'écoutez surtout pas les rédacteurs en chef blasés des magazines automobiles.

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Mais pourquoi iriez-vous acheter une Audi vendue à peine moins cher que des supercars au blason légendaire, à la fois plus performantes et plus impressionnantes à regarder ? Hein, pourquoi ?

Cedric Pinatel
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