Renault : un nouveau procès qui remonte loin
par Bernard Muller

Renault : un nouveau procès qui remonte loin

Le groupe Renault se retrouve  au centre d’un nouveau procès, mais ici, nul question de management ou de licenciements abusifs. Ce procès ne concerne d’ailleurs pas l’équipe dirigeante de Renault, mais l’Etat, qui se retrouve attaqué par les héritiers de Louis Renault. En cause, la nationalisation du constructeur par l’Etat Français le 16 janvier 1945, il y a donc plus de 66 ans…

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Pour y voir plus clair dans cette histoire, je vous conseille de vous replonger dans l’historique de Renault ici.

Selon les 8 petits enfants de Louis Renault, l’entreprise aurait été injustement confisquée, et surtout, sans dédommagements, après la libération. Avant de voir leurs arguments, un petit rappel chronologique.

Après la défaite de 40, Renault fait des affaires avec l’Allemagne et répare notamment des chars pour la Wehrmacht dès l’été 40. (Renault construisait déjà des chars pendant la première guerre mondiale, et son logo avait d'ailleurs été changé avec un char en 1919). Sur cette période, deux thèses s’opposent.

La première insiste sur le rôle actif de Louis Renault, qui déjà avant guerre, finançait l’extrême droite.

La deuxième thèse met en évidence, elle, le rôle passif de Louis Renault, qui avait vu ses usines réquisitionnées et dirigées par des Allemands avec du personnel recruté par eux. Les négociations avec l’armée allemande étaient, elles, menées par Francois Lehideux, directeur général de Renault,

A la libération, Louis Renault est arrêté en Septembre 1944, et emprisonné à Fresne pour collaboration avec l’ennemi. Déjà malade des suites d’une attaque vasculaire quelques années auparavant, Louis Renault meurt en prison le 14 octobre 1944, sans avoir pu être jugé.

Moins d’un mois plus tard, dans une séance présidée par le général De Gaulle, la confiscation des biens de Louis Renault est décidée, et remplace un projet originel de réquisition. A cette époque, le capital de Renault est évalué à 240 millions de francs, détenus à 96,8% par Louis Renault, 0,73% par sa famille, 0,60% par les administrateurs et 1,87% par des employés.

Seules les parts détenues par Louis Renault et celles des administrateurs sont confisquées, les autres actionnaires sont, quant à eux, indemnisés. A noter, que seul Louis Renault et ses héritiers se verront dépossédés ainsi de leurs biens, les familles Citroën, Panhard et Peugeot n’étant pas inquiétées.

L’épouse et le fils de Louis Renault vont bien sûr contester cette décision devant le tribunal administratif puis le conseil d’état en 1959, mais ils seront déboutés, sous prétexte que l’ordonnance de 1945 a désormais un statut législatif (c’est donc une loi), et que les juges sont donc incompétents pour la remettre en cause.

Alors comment se fait-il que cette histoire revienne maintenant ?   Parce que depuis Mars 2010, de nouveaux droits sont ouverts par la Question Prioritaire de Constitutionalité (QPC), ce qui permet désormais de contester une disposition législative devant un juge constitutionnel.

Les héritiers de Louis Renault : ses petits enfants aujourd’hui âgés de 32 à 66 ans, ne manquent pas d’arguments pour faire valoir leurs droits.

Les biens de Louis Renault ayant été confisqués sans contrepartie, et sans jugement, il s’agit donc d’une atteinte au droit de propriété.

De plus, les biens de Louis Renault auraient été confisqués pour sanctionner sa collaboration avec l’Allemagne. Or Louis Renault étant mort peu de temps après son arrestation, et avant tout jugement, il n’a pu avoir un procès prouvant sa culpabilité. Au final, ce n’est pas Louis Renault qui aura été sanctionné, mais ses héritiers, et on ne peut condamner quelqu’un pour une faute commise par d’autres, même s’il s’agit de la même famille.

Même le garde des sceaux de l’époque, Pierre-Henri Teitgen, mettait déjà en garde en février 1946 contre la légalité de cette confiscation-sanction. Il soulignait déjà qu’en cas de décès d’une personne poursuivie pour intelligence avec l’ennemi, « aucune mesure de confiscation ne peut, selon la légalité républicaine, leur être appliquée. »

Les 8 enfants du fils unique de Louis Renault, par l’intermédiaire de leur avocat Me Thierry Lévy, espèrent bien obtenir réparation du préjudice matériel et moral subi par les héritiers. Ils demandent donc par assignation, la désignation d’un expert chargé d’évaluer le montant des indemnités et des intérêts (depuis 1945) auxquels ils peuvent prétendre…

La famille Renault se défend pourtant d’être uniquement intéressé par l’aspect financier, mais soulignent que leur but principal est de faire la lumière sur le rôle de Louis Renault pendant la guerre, et de réhabiliter leur ancêtre.

Si le constructeur Renault n’a pas commenté cette nouvelle, certains s’inquiètent déjà du montant des indemnités que l’Etat Français, et donc les contribuables,  pourraient avoir à reverser. La récente affaire Tapie-Crédit Lyonnais est encore toute chaude…

Source : Le Monde et AFP

Lire également : Louis Renault: le maudit

Images: Renault, amsterbrand, France Soir (archives Renault)

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Pour résumer

Le groupe Renault se retrouve  au centre d’un nouveau procès, mais ici, nul question de management ou de licenciements abusifs. Ce procès ne concerne d’ailleurs pas l’équipe dirigeante de Renault, mais l’Etat, qui se retrouve attaqué par les héritiers de Louis Renault. En cause, la nationalisation du constructeur par l’Etat Français le 16 janvier 1945, il y a donc plus de 66 ans…

Bernard Muller
Rédacteur
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