Essai Audi R8 : Vorsprung Fantastik
par Cedric Pinatel

Essai Audi R8 : Vorsprung Fantastik

Ferdinand Piëch est un homme têtu. Lorsqu’il a voulu être le premier à dépasser la barre des 1000 chevaux et des 400 kilomètres / heure avec une auto de production, ça a coûté très cher à Volkswagen mais au final il y avait bien un véhicule équipé de 16 cylindres et de 4 turbos capable de répondre au cahier des charges initial. De la même façon, personne n’imaginait il y a encore 20 ans qu’il réussirait à transfigurer à ce point Audi. Autrefois modeste constructeur généraliste à l’image plus ou moins terne, la marque aux anneaux est en passe de détrôner à la fois Mercredes et BMW, même dans nos contrées où elle vient d’être élue « marque préférée des Français ». Une nouvelle image qu’il n’aurait certainement jamais été possible de façonner sans le développement d’une gamme d’autos sportives toujours plus puissantes, initié au milieu des années 90 avec le terrifiant break RS2. A l’époque, le constructeur d’Ingolstadt était obligé de faire appel à l’expertise de Porsche dans un domaine technique encore peu connu de la marque aux anneaux. Presque quinze ans plus tard, Audi a dépassé depuis longtemps le stade du gros break surpuissant et se permet carrément de venir jouer directement sur le terrain de Zuffenhausen avec une auto qui a tout d’une Supercar. Et si Porsche était tout simplement battu par les cousins?

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Échappée des Hunaudières

A la fin des années 90, Audi décidait de se lancer dans un ambitieux défi pour asseoir définitivement sa nouvelle image sportive. Les 24 Heures du Mans sont alors ultra-diputées et la firme d’Ingolstadt vient s’ajouter à Nissan, Mercedes, Toyota, Porsche, Panoz et BMW dans la quête du Trophée des deux tours d’horloge les plus prestigieux au monde. Dès la première tentative lors de l’édition de 1999, une barquette Audi parvenait déjà à monter sur le podium pendant que les Mercedes CLR survolaient littéralement la piste et que la Toyota GT-One sombrait en toute fin de course face à la BMW V12 LMR.

L’année suivante, Audi revenait avec la R8 et les barquettes grises verrouilleront chacune des trois marches du podium. C’était le début d’une longue ère outrageusement dominée par la R8 qui survolera le monde du sport-prototype jusqu’en 2005 après pas moins de cinq victoires scratch aux 24 Heures du Mans, de quoi placer le proto allemand au panthéon des autos qui ont bâti la légende de la classique mancelle.

En hommage à un si beau palmarès, Audi profitait du salon de Detroit 2003 pour présenter un très joli concept-car baptisé Le Mans Quattro inaugurant tous les nouveaux ingrédients du style Audi, de la calandre Singe Frame jusqu’aux phares à LED. Un concept-car tellement bien accueilli qu’Audi décidera finalement d’aller jusqu’à la mise en production quatre ans plus tard en reprenant carrément le même matricule R8 que sa glorieuse homologue des circuits.

Vorsprung Design

Le tour de force d’Audi est d’avoir conservé quasiment à l’identique les lignes et la présentation du Concept Le Mans Quattro. Très large, très basse mais pas plus longue qu‘une Porsche 911, la R8 possède peut-être l’une des plus belles gueules parmi toutes les voitures de sport au monde. Même à coté d’une Lamborghini ou d’une Ferrari et même lorsqu’elle est peinte en gris métal d’un banal affligeant, cette chose parvient toujours à attirer le regard sur ses lignes délicatement trapues. L’Audi R8 ressemble à une authentique supercar mais pourtant, elle n’est pas complètement exubérante et reste dans le cadre du Vorsprung Durch Technik, ce slogan compliqué qui sert de maxime à Audi et qui renvoie à l’image de la rigueur toute germanique, mais sans interdire une certaine proportion de fun.

Pour sortir définitivement du cadre de l’objectivité, je dirais simplement que l’Audi R8 est magnifique surtout lorsqu’elle est en noir avec les Side Blades peints en gris.

La baie moteur transparente laisse entrevoir le gros organe à pistons qui n’est autre que le V8 FSI de 4,2 Litres et 420 chevaux apparu sur feu la RS4 de génération B7. Peut-être serez-vous un peu déçu qu’il ne s’agisse pas de la toute nouvelle version V10 5,2 L, mais l’essai était organisé dans le cadre du R8 Driving Experience sur le Castellet et la version V10 n’est pas encore venue garnir les flottes du stage ( ce sera normalement le cas l’année prochaine ). La R8 V8 est de toute façon suffisamment attrayante pour qu’on s’y attarde aujourd‘hui, même plus d’un an après le début de sa commercialisation.

Vorsprung Ergonomik

La R8 est donc la première voiture de sport - au sens stricte - de toute l’histoire de la marque. Elle est la première Audi à avoir un moteur implanté en position centrale arrière et à ne comprendre que deux places au sein de son habitacle. Jamais Audi n’avait osé commercialiser une auto aussi éloignée de la production  « générale », autant dire que le constructeur d’Ingolstadt était attendu au tournant maintenant qu’il se lançait sur un marché où les références sont établies depuis très longtemps et sont souvent le fruit de dizaines d’années d’expérience en la matière.

Heureusement Audi allait logiquement s’appuyer sur les cousins de Sant’Agata Bolognese, banque d’organe providentielle surtout depuis que les taureaux aussi sont repassés sagement aux quatre roues motrices après le rachat allemand. L’Audi  R8 reprend à peu près la structure d’une Lamborghini Gallardo en plus de garder les mêmes dimensions.

La filiation avec la Gallardo se retrouve aussi à l’intérieur puisque l’habitacle garde les mêmes côtes que sa cousine italienne, avec simplement un habillage un peu moins latin et plus proche de la traditionnelle sobriété en vigueur chez Audi, quoique l’intérieur de la Gallardo était déjà très peu exubérant. Inutile de s’étendre sur la finition puisqu’on savait déjà à quoi s’attendre avant de monter à l’intérieur. C’est bien, c’est beau, c’est bosch.

La R8 est disponible soit en boite manuelle, soit -comme sur notre modèle d’essai- avec la transmission R-Tronic, en gros le même système vu chez Lamborghini avec le E-Gear. Les rapports se passent au choix via les palettes au volant ou en poussant le petit levier de vitesse. Attention à ne pas avoir un passager turbulent à coté de vous, le mien était très joueur et s’amusait à revenir en position neutre pendant les trajets routiers juste pour m’embêter.

Vorsprung Pratik

L’auto est très intimidante au premier abord mais c’est une toute autre nature qui se révèle lorsqu’il est enfin temps de prendre la route en direction du Circuit Paul Ricard.

La R8 est dotée d’une vraie gueule de supercar et provoque immanquablement des torticolis très douloureux auprès des passants et des autres conducteurs. Pourtant, elle est aussi docile à conduire sur route ouverte qu’une gentille berline compacte. Il ne faut jamais oublier les 1 mètres 90 de large et la garde au sol qui craint tous les petits dos d’âne, mais pour le reste c’est aussi facile qu’une Mégane surtout avec la boite R-Tronic qui dispose d’un mode automatique très utile en utilisation urbaine. Même la vision arrière est bonne malgré la baie moteur et la forme de l’auto. Le coffre caché sous le capot avant est d’un volume semblable à une Porsche 911 ( 100 litres ) et sera parfait pour loger trois sacs de courses ou… deux casques, selon que vous ayez tout de la ménagère de moins de cinquante ans ou du pilote du dimanche.

Cette R8 se pliera sans aucun problème à une utilisation quotidienne, aussi facilement qu’une 911. Aux deux places arrière près, évidemment.

La polyvalence est clairement un énorme point fort sur la berlinette allemande. Même si on ne s’en rend pas compte au premier abord à cause de son allure époustouflante, c’est une vraie GT de tous les jours et de ce coté-là, elle n’a vraiment rien à envier à ses concurrentes qu’il s’agisse d’une Maserati Gran Turismo, d’une V8 Vantage ou d’une 911 Carrera S. Malheureusement pour ces mêmes concurrentes, c’est encore meilleur lorsqu’on amène la R8 sur la piste…

Vorsprung Racing

Bâtie autour d’un châssis en aluminium pour compenser avec les kilos apportés par la transmission intégrale, la R8 parvient à rester à peine au dessus de la tonne et demi avec une répartition du poids à 44 % vers l’avant et 56 % à l’arrière grâce à l’implantation du V8 en position centrale. Sur le papier, l’auto a donc tout pour s’amuser sur circuit mais une fois lancé dans les grandes courbes du Paul Ricard HTTT, on réalise qu’elle est carrément jouissive dès qu’on tape dedans.

Par rapport à la Gallardo Superleggera que nous essayions à la fin 2007 sur ce même circuit, la R8 V8 accélère logiquement moins fort. Ça relève de l’évidence et c’est complètement idiot de préciser cela, mais j’essaie désespérément de trouver des défauts à une auto que je trouve presque parfaite. Si, j’ai trouvé : la transmission séquentielle R-Tronic est un peu lente par rapport à une boite F1 Ferrari ou une PDK Porsche, même si elle reste suffisamment vive pour se prendre au jeu. Et quel jeu.

Le train avant est d’une précision chirurgicale et l’auto se place comme un vrai petit kart. Chaque accélération est accompagnée d’un terrible grondement métallique ( ce V8 né avec la RS4 est définitivement une pièce sonore unique ) qui vous pousse au vice de retarder à chaque fois un peu plus le freinage, juste pour le plaisir de l’entendre hurler toujours plus longtemps. Puis lorsqu’il faut sauter sur les freins à 210 km/h, l’auto stoppe promptement ses 1560 kilos. Notre modèle n’était pas équipé des freins carbone céramique ( optionnels ) mais sachez qu’au terme d’une journée où l’auto était assez ardemment sollicitée à raison de sessions d’une quinzaine de minutes chacune, il n’y avait pas la moindre baisse d’efficacité à noter.

Le plus excitant, c’est ce comportement de l’auto. Je reste hélas un très mauvais pilote mais ça n’a aucune importance au volant de la R8 : son équilibre naturel est stupéfiant pourtant elle sait rester joueuse, même lorsque l’ESP est branché. A tel point qu’on se prend vite à enchaîner bêtement les virages en drift juste par plaisir. Tout est possible avec la R8. Si vous êtes bon pilote, vous n’aurez sans doute aucun mal à vous approcher très près des chronos d’une 911 GT3 ou d’une Corvette Z06. Et si vous êtes mauvais pilote, vous irez beaucoup plus vite en R8 que dans les deux autos citées juste au-dessus.

En fait, c‘est presque comme si la R8 était une auto intelligente et qu‘elle jugeait votre pilotage. Lorsque vous commettez de simples petits écarts de trajectoires, elle vous laisse libre de vous amuser mais dès que ça devient dangereux, le Vorsprunk Technik revient à la charge, par exemple en évitant de vous envoyer en tête à queue dans le mur lorsque vous plantez un énorme coup d’accélérateur en pleine courbe à haute vitesse. C’est cet équilibre entre efficacité pure et facilité qui est véritablement fascinant chez la R8.

Vorprung et Mat

Audi a réussi à atteindre une forme d’excellence avec cette auto. La R8 est d’une efficacité réelle sur circuit mais elle reste facile en toute circonstance. Elle convient à tous, du meilleur gentleman driver jusqu’au plus mauvais pilote. Elle reste polyvalente et se pliera à n’importe quelle utilisation. En fait, je pense qu’il ne lui manquerait qu’une transmission de type PDK pour devenir parfaite.

Personnellement, j’ai presque du mal à comprendre comment on peut décemment préférer une 911 Carrera S par rapport à cette R8. Les deux autos jouent directement sur le même tableau avec un tarif identique à 10 000 euros près. Elles atteignent toutes les deux un niveau d’excellence rare en matière de construction et d’efficacité, mais la R8 est un poil plus performante, encore plus facile à piloter et en prime elle a une vraie gueule de supercar sans tomber pour autant dans l’ostentatoire. Sans doute ne s’agit-il là que d’une histoire de goûts personnels comme c’est généralement le cas, mais pour moi il n’y a vraiment pas photo entre les deux. Comme si Audi était parvenu à battre Porsche à son propre jeu et sur son propre terrain, celui de la rigueur.

La R8 est parfaite pour celui qui a les moyens de viser une vraie GT d’exception sans aller jusqu’à la sportive de 150 000 euros et plus. Sinon il y a bien la nouvelle R8 V10 mais là, je me demande si elle a vraiment un intérêt par rapport à une LP 560-4 ( à vérifier! ).

Alors, à la R8 le scalp de la 911, à la TT-RS celui de la Cayman?

Galerie : Essai Audi R8

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Pour résumer

Ferdinand Piëch est un homme têtu. Lorsqu’il a voulu être le premier à dépasser la barre des 1000 chevaux et des 400 kilomètres / heure avec une auto de production, ça a coûté très cher à Volkswagen mais au final il y avait bien un véhicule équipé de 16 cylindres et de 4 turbos capable de répondre au cahier des charges initial. De la même façon, personne n’imaginait il y a encore 20 ans qu’il réussirait à transfigurer à ce point Audi. Autrefois modeste constructeur généraliste à l’image plus ou moins terne, la marque aux anneaux est en passe de détrôner à la fois Mercredes et BMW, même dans nos contrées où elle vient d’être élue « marque préférée des Français ». Une nouvelle image qu’il n’aurait certainement jamais été possible de façonner sans le développement d’une gamme d’autos sportives toujours plus puissantes, initié au milieu des années 90 avec le terrifiant break RS2. A l’époque, le constructeur d’Ingolstadt était obligé de faire appel à l’expertise de Porsche dans un domaine technique encore peu connu de la marque aux anneaux. Presque quinze ans plus tard, Audi a dépassé depuis longtemps le stade du gros break surpuissant et se permet carrément de venir jouer directement sur le terrain de Zuffenhausen avec une auto qui a tout d’une Supercar. Et si Porsche était tout simplement battu par les cousins?

Cedric Pinatel
Rédacteur
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