Rétro 50 ans déjà : le Monte-Carlo 1974 victime du choc pétrolier
par Nicolas Anderbegani

Rétro 50 ans déjà : le Monte-Carlo 1974 victime du choc pétrolier

Si le rallye a survécu au Covid, il n'a rien pu faire début 1974 quand la panique avait gagné les gouvernements occidentaux sur fond de crise pétrolière.

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Une crise géopolitique

Dès 1971, le pic de production pétrolière atteint aux Etats-Unis, et la fin du système monétaire de Bretton Woods, qui eut pour conséquence de déprécier la valeur du dollar américain, allumèrent les premières flammèches du choc pétrolier, qui prend toute son ampleur à la fin de l’année 1973 dans un contexte géopolitique bien particulier. Le 6 octobre , une coalition de pays arabes menés par l’Egypte et la Syrie attaquent Israël pour reprendre les territoires du Sinaï et du Golan conquis par l'état hébreu lors de la précédente guerre des Six jours : c’est la guerre du Kippour.

En réaction à la condamnation occidentale de l’attaque de la coalition et surtout au soutien militaire massif fourni à Israël par les Etats-Unis, les pays arabes de l’OPEP décident, les 16 et 17 octobre 1973, de réduire leur production de 5% par mois et d’augmenter unilatéralement de 70% le prix du baril de brut, tandis que l’Arabie Saoudite décrète un embargo sur les Etats-Unis. En quelques semaines, le prix du baril passe de 2,60 dollars en octobre 1973 à 11,65 dollars en janvier 1974, après stabilisation, avec des pics à 18 dollars. La facture pétrolière explose, comme aux États-Unis où elle passe de 4 milliards de dollars en 1973 à 24 milliards en 1974.

Alerte générale !

Dans les pays occidentaux, et surtout en Europe, très dépendante évidemment du pétrole du Moyen-Orient, c’est la panique. L'arrêt total des livraisons de carburant a rapidement vidé les stocks des raffineries du pays. En Allemagne, on impose rapidement un rationnement dans les stations-service qui limite la distribution à 30 litres maximum. Des lois d'urgence décrètent des interdictions de circuler le dimanche, à partir du dernier dimanche de novembre plus les trois premiers dimanches de décembre. Seuls les taxis, les bus et les services d'urgence pouvaient encore circuler.  les Pays-Bas — seul pays européen visé par un embargo complet de l'OPEP —, la Suisse et la Belgique interdisent aussi la circuation le dimanche — respectivement à l'occasion de dix dimanches, trois dimanches et un dimanche —entre novembre 1973 et janvier 1974.

L'instance allemande du sport automobile, l'ONS, décide d’anticiper le décret d’interdiction des compétitions automobiles que le ministère des Transports était en train de préparer. L’ONS annonce à la mi-novembre, lors de la cérémonie de remise des prix à l'hôtel Hilton de Berlin, l‘interdiction « jusqu'à nouvel ordre toutes les manifestations sportives motorisées en Allemagne, compte tenu de la situation énergétique. L'interdiction est valable aussi longtemps que la situation sur le marché des huiles minérales nous impose l'obligation morale de renoncer".

Le Monte-Carlo sacrifié

En France, les autorités sont très promptes aussi. Dès le 30 novembre 1973, le gouvernement de Pierre Messmer annonce sur le champ des mesures de réduction de la consommation, avec entre autres l'interdiction de toute compétition automobile sur circuit et de tout rallye, et ce jusqu'à nouvel ordre. Le Tour de Corse, prévu le 1er et 2 décembre, reçoit une dérogation pour être la dernière manifestation sportive de l'année. Le Rallye de Monte Carlo 1974, prévu du 19 au 27 janvier 1974, allait de fait être impacté avec l'interdiction d'emprunter les routes françaises puisque à cette époque, le rallye partait de différentes villes européennes avec les parcours de concentration. D'autres pays européens emboitaient le pays de ces mesures strictes, comme l’Italie et l’Angleterre où le fameux RAC allait être écourté. Le Rallye de Monte Carlo était annulé, ce qui n'était pas une première puisqu'en 1957, la crise de Suez avait déjà empêché la tenue de l’évènement à cause de problèmes d’approvisionnement en pétrole.

D’autres rallyes mondiaux sont annulés, en Suède et en Grèce, et la saison 1974 du WRC sera au final réduite de 13 à 8 épreuves. De grands salons sont perturbés, comme le Motorschau de Essen, où la venue du public est perturbée par les restrictions de circulation. Même le sport automobile américain n’est pas épargné, avec l’annulation des 24 heures de Daytona et 12 heures de Sebring. La F1 ne fut par contre pas impactée, puisque le saison 74 commença par la « Temporada » en Argentine et au Brésil, où les stocks de carburant étaient largement disponibles notamment grâce à l’appui du Venezuela.

Un lobbying efficace

Néanmoins, la réaction du milieu du sport automobile ne se fit pas attendre. La Fédération Française du Sport Automobile, alors dirigée par un certain Jean-Marie Balestre appelé quelques années plus tard à prendre la tête de la CSI – future FIA - défend ses intérêts alors que le lobby anti-voiture s’affirme déjà. Dans un communiqué, la FFSA estime que le sport automobile est même moins glouton que d’autres évènements : « L'ensemble du volume du carburant utilisé en une année dans le sport automobile en France se trouve ainsi inférieur à celui qui est nécessaire à d'autres manifestations, qu'elles soient sportives, culturelles ou touristiques et pour lesquelles il est fait appel à des charters comme mode de transport ». Grâce à d’habiles négociations politiques, la FFSA obtient un allègement de cette décision, à condition de limiter le nombre de courses aux épreuves clés, et celles qui bénéficient d’un renom sur le plan international. La course de côte d’Ampus inscrite en Championnat d’Europe de la Montagne peut ainsi se tenir les 30 et 31 mars. Les 24 heures du Mans sont également sauvés, avec en plus la victoire de Matra !

Un tournant majeur

Néanmoins, à court et moyen long terme, le choc pétrolier eut des conséquences énormes sur l’automobile : mesures de limitations de vitesse (motivée d'abord par la volonté de juguler les chiffres terrifiants des accidents de la route), intérêt grandissant pour le diesel et la turbocompression, réorientation de l’industrie vers des modèles plus efficients et économiques, tandis que plusieurs voitures trop gloutonnes virent leur carrière amputée, comme la Citroën SM à V6 Maserati. La Ford Mustang 2e génération sort en 1974 et, bien qu'ayant été conçue pour accueillir le V8 , elle ne fut proposée cette année-là avec un 4 cylindres de 2,3 L et un V6 optionnel de 2,8 L. Le design automobile est aussi impacté : l'aérodynamisme devient primordial et "géométrise" les formes, les voitures américaines voient leur taille se réduire, tandis qu'en Europe la compacte bicorps est appellée à prendre un essor considéable, à l'image de la VW Golf qui sort en 74. En sport automobile, beaucoup de petites équipes privées ou de préparateurs n’y ont pas survécu, la manne des sponsors s’est quelque peu tarie alors que les structures usine ont dû réduire la voilure.

 

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Pour résumer

Le choc pétrolier qui survint à la fin de l'année 1973 fut un tournant majeur pour l'industrie automobile. Il eut aussi pour conséquences, pour un temps seulement, de couper court à de nombreuses compétitions automobiles sut fond de rationnement énergétique. Le Rallye Monte-Carlo 1974 fut ainsi annulé.

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