Chrysler, la belle endormie américaine, fête ses 100 ans

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Quel est le point commun entre la chambre de combustion hémisphérique, qui a donné son nom aux fameux V8 HEMI, les freins hydrauliques, les premières radio transistor automobile, l’ordinateur de bord ou encore la direction assistée ? Toutes ces innovations majeures ont été introduites par le constructeur Chrysler, qui fête son centenaire, presque en catimini. La marque est assoupie depuis déjà bien longtemps.

Le déclin d’un géant

Fondée un siècle plus tôt, Chrysler fut l’un des « big three », la sainte trinité de l’automobile américaine, avec Ford et GM, dont les gratte-ciels de Détroit, cathédrales de la religion mécanique, furent le symbole durant des décennies.

100 ans plus tard, Chrysler est toujours en vie au sein de la galaxie Stellantis, mais le temps glorieux semble bien loin. La marque ne compte aujourd’hui qu’un seul modèle au catalogue, le monospace Pacifica (vendu en version budget sous le nom Voyager), alors que la bestiale berline 300C a tiré sa révérence.

L’an passé, un peu plus de 104.000 Pacifica se sont écoulés aux Etats-Unis, soit une goutte d’eau. Vous me direz, c’est toujours plus que les ventes mondiales d’Alfa…mais, à l’échelle de ce que fut la marque au Pentastar, c’est anecdotique !

Les débuts, déjà sous le signe de l’audace

Walter P. Chrysler (1875-1940), un vétéran de l’industrie automobile fort de nombreuses années d’expérience chez Buick et Willys-Overland, identifia le constructeur automobile Maxwell Motor en faillite comme un bon investissement. En 1924, il acquit une participation majoritaire dans, puis l’utilisa pour créer sa propre entreprise, Chrysler Corporation, constituée le 6 juin 1925.

La marque Chrysler se forge une réputation de qualité et de performances solides, en partie dû à son ingénierie innovante, comme les freins hydrauliques et une carrosserie entièrement en acier. En 1928, Chrysler lança la marque DeSoto, une gamme de véhicules de milieu de gamme, ainsi que Plymouth, qui connaîtra une certaine « hype » au tournant des années 60-70 avec la muscle car Barracuda et le coupé Road Runner, victorieux en Nascar avec Richard Petty.

Frappée par la Grande Dépression, l’entreprise innove encore avec la Chrysler Airflow de 1934, une voiture aérodynamiquement avancée pour son époque, mais son design atypique ne parvint pas à séduire les consommateurs et les ventes furent décevantes. Elle démontra cependant l’engagement de Chrysler en matière d’innovation et d’ingénierie.

L’apogée des années 50-60 : innovation et modèles cultes

Après la guerre, où Chrysler fut évidemment intégré à l’effort de guerre militaro-industriel, la reconversion est toujours placée sous le signe de l’innovation. L’entreprise dévoile le premier moteur avec des chambres hémisphériques dévolu à la grande série, avec le Firepower et plus tard les fameux Hemi V8 de la « batmobile » Chrysler 300C, connu pour sa puissance et ses performances.

En 1951, l’entreprise lança la Chrysler New Yorker, équipée de la transmission automatique révolutionnaire « Hydramatic », améliorant le confort de conduite. En 1956, la société lança le « Highway Hi-Fi », le premier tourne-disque embarqué au monde.  

Chrysler est ambitieux et investit tous les segments. En 1955 est créée la marque Imperial, qui veut rivaliser dans le haut de gamme avec Cadillac. Au tournant des années 60/70, Chrysler lance les Dodge Challenger, Dodge Charger et Plymouth Barracuda pour concurrencer le marché des muscle cars, dominé par la Ford Mustang.

Choc pétrolier et nouveaux directeurs visionnaires

Chrysler connaît des difficultés financières tout au long des années 1970, en grande partie à cause de la crise pétrolière et des normes d’émission plus strictes. La crise s’est poursuivie jusque dans les années 1980, poussant l’entreprise a solliciter l’aide du gouvernement fédéral. En 1980, le gouvernement américain a accordé à Chrysler une garantie de prêt de 1,5 milliard de dollars, ce qui a permis à l’entreprise d’éviter la faillite.

Lee Iacocca, qui avait auparavant travaillé chez Ford et joué un rôle clé dans le développement de la Ford Mustang, a pris la direction de Chrysler en novembre 1978. Sous sa direction, l’entreprise a lancé un effort de redressement majeur, vendant notamment ses filiales européennes à PSA. La plateforme « K-Car », lancée en 1981, a joué un rôle crucial dans la revitalisation de la gamme Chrysler, tout comme le concept de monospace introduit avec le lancement de la Dodge Caravan et de la Plymouth Voyager en 1983, un an avant l’Espace de Renault. Ces véhicules familiaux innovants ont connu un grand succès et ont contribué à repositionner Chrysler sur le marché.

La marque se sentit alors pousser de nouveau des ailes. Elle reprend Lamborghini en 1987 et engage le Taureau en Formule 1, mais sans succès. Elle reprend le groupe de marques AMC, lâché par Renault et lance la marque Eagle visant les jeunes. Les méthodes industrielles sont rationalisées et modernisées, notamment grâce à François Castaing, ancien directeur de Renault Sport, qui fut directeur de l’ingénierie puis vice-président des opérations du groupe. C’est à cette époque que, sous le blason Dodge aux USA mais sous le nom de Chrysler en Europe, sort la bestiale Viper, supercar emblématique des années 90.

Daimler, FCA, Stellantis : Chrysler en survie permanente

Malgré tout, les finances restent délicates et Chrysler a constamment cherché des bouées de sauvetage. En 1998, le sauveur s’appelle Daimler-Benz pour créer DaimlerChrysler. Cette fusion visait à créer un géant automobile mondial, mais l’intégration des deux entreprises présentait de trop nombreuses différences culturelles et de trop nombreux défis techniques.

L’expérience DaimlerChrysler tourna court, la branche Chrysler étant vendue en 2007 à Cerberus Capital Management. Les pertes et la chute des ventes continuent. La crise financière mondiale de 2008 manqua de l’achever, devant son salut à l’aide du gouvernement américain pour sortir de la faillite.

En 2014, Chrysler fusionna avec Fiat pour former Fiat Chrysler Automobiles. Cette fusion a permis à Chrysler d’accéder à la technologie et au réseau de distribution mondial de Fiat. L’entreprise a lancé de nouveaux véhicules, tels que la Chrysler 200 et le monospace Chrysler Pacifica.  

Mais d’autres choix faits par Sergio Marchionne sont bien plus désastreux, dont la politique de « rebadgage » qui aboutit à vendre des modèles Lancia sous la marque Chrysler aux USA, et vice-versa en Europe. La nouvelle Lancia Thema de 2011 n’était qu’une 300C recarrossée. Les différences majeures entre les deux marques et le rejet des amateurs ont abouti à un immense fiasco.

Peu à peu, frappée du même mal que certaines marques italiennes, la gamme a vieilli et s’est restreinte peu à peu au seul Pacifica, faute d’investissements pour sortir de nouveau modèles plus modernes et plus en adéquation avec le marché. La gamme a pris du retard sur le la technique, des motorisations et de la technologie embarquée. Chrysler est donc revenue confidentielle.

Quel prince la réveillera, enfin ?

Le renouveau, bientôt ? A l’ère post-Tavarès, quelques signes laissent augurer un horizon meilleur. Ces derniers mois, de nouveaux investissements ont surgi, quand bien même le SUV électrique Airflow a été mis au placard. Chrysler s’est doté d’un département de design propre (jusque-là partagé avec Dodge) et d’un département marketing, tandis que le PDG Chris Feuell a confirmé l’arrivée d’un véhicule inspiré par le concept Halcyon, qui pourrait remplacer la très appréciée berline 300. A suivre…

En attendant, quelques festivités et activités ont tout de même permis de célébrer le centenaire de Chrysler. Le jeudi 5 juin, plus de 1 500 employés se sont rassemblés sur le campus du Chrysler Technology Center à Auburn Hills, dans le Michigan, pour une photo de groupe spéciale d’anniversaire en hommage aux milliers de collaborateurs qui ont contribué, au fil des décennies, à faire de Chrysler ce qu’elle est aujourd’hui. C’est mieux que rien !

(4 commentaires)

  1. Théoriquement avec l’Italien Antonio Filosa qui était jusqu’à présent directeur pour l’Amérique du Nord et du Sud du groupe + le retour des V6 et V8 + la nouvelle plateforme STLA Large adaptés aux grosses motorisations.
    … ils ont toutes les billes pour relancer la marque… Ce qu’ils n’avaient pas eu depuis pratiquement 20 ans !

    A suivre donc… D’ici 2030.

    Néanmoins pour le pétard mouillé « Airflow », c’est dommage quand même… Même si la période Trompeinne n’encourage vraiment pas le lancement de VE jusqu’à 2029.

  2. Chrysler c’est de la berline de luxe donc un secteur en pleine déshérence.
    C’est surtout une marque qui a connu plus de hauts et de bas que GM ou Ford : le désastre de l’Airflow, le scandale de la corruption des cadres dans les 50’s, le désastre du rachat de marques européennes.
    Ah oui le passé avec les Chrysler Letter mais n’est pas AMG qui veut de nos jours.
    Franchement, entre berlines et SUV où est l’avenir de Chrysler ? Ce n’est pas pour rien que la marque n’a presque plus de modèles à proposer : la concurrence (asiatique) a tout pris.
    Bonne chance à Chrysler.

  3. Normalement, l’Italien Antonio Filosa connaît très bien le marché US et en plus aura ses bureaux sur place !
    Il a donc théoriquement en 2025 toutes les billes pour commencer un beau redressement de Chrysler…que personne n’avait eu durant ces 20 dernières années
    Après, il faut lui laisser un peu de temps… Ça ne se règle pas en claquant des doigts.

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