Ils se sont ratés, ép.2 :Modena Team, alias Lamborghini
par Nicolas Anderbegani

Ils se sont ratés, ép.2 :Modena Team, alias Lamborghini

A la fin des années 80, les projets se multipliaient comme des pains en Formule 1, or beaucoup s'avérèrent assez louches. Après en avoir fait l'expérience, Lamborghini tenta l'aventure 100% constructeur en 1991. Ils n'auront pas plus de succès que Porsche, qui s'y cassa les dents la même année en tant que motoriste.

Zapping Le Blogauto Essai Citroën e-C4X de 136ch

A la fin des années 80, les projets se multipliaient comme des pains en Formule 1, or beaucoup s'avérèrent assez louches. Après en avoir fait l'expérience, Lamborghini tenta l'aventure 100% constructeur en 1991. Ils n'auront pas plus de succès que Porsche, qui s'y cassa les dents la même année en tant que motoriste.

Mexican connection

En 1989, sous l’impulsion de Chrysler, Lamborghini fait son entrée en Formule 1, en tant que motoriste de l’écurie française Larrousse. Le Taureau a développé un V12 sous la direction de Mauro Forghieri, l’ancien directeur technique emblématique de la Scuderia Ferrari dans les années 70. Mais très vite, un nouveau projet prend forme en provenance du Mexique. A l’automne, un accord est conclu avec un homme d’affaires mexicain, Fernando Gonzalez Luna, qui se fait fort de rassembler de nombreux investisseurs de son pays pour financer un projet d’écurie 100% mexicaine, GLAS (Gonzalez Luna Associates), à hauteur de 20 millions de dollars.

Lamborghini Engineering doit fournir le châssis et le moteur, même si l’écurie est fière d'annoncer une forte coloration nationale mexicaine. Tout est prévu, y compris le lancement d’un jeune espoir mexicain, Giovanni Aloi, qui doit, en attendant de devenir le nouveau Pedro Rodriguez, faire ses classes en F3000 et mener un intense programme d’essais courant 1990. Mauro Baldi, ancien pilote Alfa Romeo et spécialiste des sports-protos, est aussi de l’aventure. Mauro Forghieri est évidemment le chef technique du projet et s’entoure d’ingénieurs de talent, comme Mario Tollentino, un ancien d’Alfa Romeo, qui prend en charge le châssis.

Caramba !

Une présentation en grande pompe est prévue à l’occasion du grand prix du Mexique 1990, avec la présence des partenaires financiers et même un premier roulage en public. Lamborghini est sur le point d’expédier la 291 par avion. Mais patatras ! Quelques jours avant l’évènement, Gonzalez Luna disparaît dans la nature. Un mandat d’arrêt a été émis par Interpol car, visiblement, Luna faisait commerce d’une poudre qui n’était ni de la farine ni du talc…Le projet GLAS se brise (facile !) et l’argent s’évapore, alors que la voiture est bien avancée.

Il faut dire qu’à la fin des années 80 et au début des années 90, la F1 est en plein boom médiatique et commercial. Beaucoup d’investisseurs sont attirés par l’exposition du championnat, mais, dans le lot, certaines équipes laissent entrer des investisseurs et managers assez louches, souvent en conflit avec leurs administrations fiscales et dont l’engagement en F1, pour certains, sentait bon le blanchiment. Akira Akagi rattrapé par le fisc chez Leyton House, Jean-Pierre Van Rossem qui finança Onyx  avec son système de Ponzi frauduleux Moneytron, l'affairiste proche du pouvoir Cyril de Rouvre chez Ligier, le marchand de chaussures mafieux Andrea Sassetti et son team Andrea Moda de carnaval…autant de personnage sulfureux dont les projets sportifs et techniques furent aussi douteux que leur fortune.

Lambo n’assume pas

Lamborghini veut sauver la face et trouve en la personne de Carlo Patrucco son sauveur. Ancien président de Fila, Patrucco est un membre éminent de la Confindustria, l’équivalent transalpin du Medef. Sous son impulsion, un consortium d’industriels italiens est rassemblé pour reprendre le projet GLAS et le mener à son terme. L’équipe prend ses quartiers à Modène et se nomme officiellement Scuderia Modena, car Lamborghini ne veut pas s’exposer pleinement…ni trop mettre la main au portefeuille. Après la défection de Luna, Lamborghini injecte de l’argent pour la faire fonctionner, mais le constructeur n’investira plus par la suite. Pourtant, aux yeux du grand public, des médias et des tifosis, c’est bien le Taureau qui, officiellement, entre dans l’arène ! Un premier déverminage a lieu à Imola en Juillet 1990, avec Mauro Baldi au volant. La monoplace est créditée d’un temps de 1’31, à 4 secondes des références. Ça sent déjà la galère.

Malgré toutes ces péripéties, Lamborghini…euh, pardon, Modena Team est présent dans le paddock de Phoenix, Arizona, pour l’ouverture de la saison 1991. La Lamborghini 291 est plutôt jolie et présente quelques originalités aérodynamiques, avec des montants latéraux triangulaires et surtout des pontons inclinés où sont placés les radiateurs. La livrée, dans différentes nuances de bleu, est agréable à l’œil…et elle arbore même comme sponsor Grana Padano ! Donc les soucis, pas de quoi en faire un fromage. Les deux pilotes recrutés sont Nicola Larini, un italien vu chez Osella et Ligier, doté d’un joli coup de volant, et le belge Eric Van de Poele qui apporte un budget personnel.

galères et frustrations

Étant donné que 34 voitures sont engagées et que la Scuderia Modena est nouvelle, les pilotes doivent passer par l’ingrat exercice des préqualifications, le vendredi matin, qui permet d’écrémer le plateau. Seul Larini parvient à s’en extirper et il obtient même une belle 17e place aux essais. En course, à la faveur des abandons, nombreux, Larini termine la course 7e, à la porte des points, et a pu afficher un rythme de course très honorable. Encourageant !

Au Brésil, aucun ne réussit à se préqualifier et à Imola, seul Van de Poele s’extirpe des préqualifications. 17e sur la grille de départ, il montre une nouvelle fois en course que la 291 affiche un rythme très correct, puisqu’elle est plus performante que les Ligier, les Lotus ou les Larrousse. A la faveur de conditions délicates et d’une course à élimination, Van de Poele est près de l’exploit. A l’entame du dernier tour, il est en 5e position…quand la voiture tombe en panne sèche ! L’ordinateur de bord indiquait encore du carburant mais rien n’y fait. A la radio, l’ingénieur de piste de Van de Poele répondra à son pilote, qui demandait ce qu’il pouvait faire : « la seule chose que tu peux faire est de pleurer ».

Le taureau devient une mule

Modena Team a déjà mangé son pain blanc, car les choses se corsent par la suite : tandis que les caisses sont de plus en plus vides, les pilotes enchaînent les non-qualifications, les V12 cassent comme du verre, Forghieri est contesté dans l’équipe et surtout Chrysler commence à réfléchir au moyen de revendre Lamborghini et d’arrêter les frais ! La 7e place de Larini à Phoenix permet à l’écurie de se passer des préqualfis à mi-saison, mais les 291 échouent en qualifications ou font de rares apparitions en course, anonymes en fond de peloton.

En marge du grand prix d’Espagne, Chrysler reprend le contrôle de Lamborghini Engineering et annonce que seuls Minardi et Larrousse bénéficieront du V12 italien en 1992. Mauro Forghieri est pour sa part licencié et remplacé par François Castaing, un ancien de l’aventure Turbo Renault. L’écurie finit difficilement l’année, faute de moyens. La monoplace se traine toujours en essais et ne fait même plus illusion en course. La dernière apparition a lieu en Australie, où Larini abandonne sous la pluie au bout de 6 tours. Lamborghini continuera l’aventure en F1 pendant deux saisons comme motoriste, avec Venturi puis Larrousse, avant d' abandonner fin 93, après que son rapprochement avec McLaren ait avorté. Avec un peu plus de moyens et de stabilité, Lamborghini aurait vraiment pu tenter quelque chose en F1…

Olé !

Pour finir, ironie de l’histoire, savez-vous ce qu’est devenu le jeune mexicain Giovanni Aloi, qui devait être propulsé en F1 au temps du projet GLAS ?  Après quelques prestations insignifiantes en F3000, il abandonna rapidement la compétition automobile et devint…matador ! Il a d'ailleurs accompli une belle carrière dans ce domaine, devenant très populaire au Mexique. Pour quelqu’un qui échoua à dompter au volant la puissance du taureau Lamborghini, c’est assez savoureux !

Sources principales : F1 rejects, le livre d'or de la F1 1991

Images : wikimedia, flickr, pinterest

Vous cherchez un véhicule d'occasion ?

Retrouvez des milliers d’annonces sélectionnées pour vous aider à trouver le bon véhicule d’occasion.
Podcast Men's Up Life
 

Pour résumer

A la fin des années 80, les projets se multipliaient comme des pains en Formule 1, or beaucoup s'avérèrent assez louches. Après en avoir fait l'expérience, Lamborghini tenta l'aventure 100% constructeur en 1991. Ils n'auront pas plus de succès que Porsche, qui s'y cassa les dents la même année en tant que motoriste.

La quotidienne

Retrouvez tous les soirs une sélection d'articles dans votre boite mail.