Rétro F1 1990-Phoenix : Alesi-Senna, le duel épique
par Nicolas Anderbegani

Rétro F1 1990-Phoenix : Alesi-Senna, le duel épique

Nous avons tous en tête des passes d’armes mémorables, que l’on ne se lasse plus de regarder en boucle : Arnoux contre Villeneuve à Dijon en 1979, ou Hakkinen contre Schumacher à Spa en 2000. En 1990, dans les rues de Phoenix, un autre duel de légende a imprimé notre rétine à jamais !

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Arizona « dream »...ou presque

1990, Phoenix, Arizona, Etats-Unis. La première manche du championnat du monde s’ouvre dans un contexte tendu, après les remous suscités par l’accrochage entre Prost et Senna à Suzuka et surtout le bras de fer médiatique et judiciaire par lequel le brésilien et le président de la FISA, Jean-Marie Balestre, se sont empoignés. Autre nuage qui s’amoncèle sur la F1 et qui est sur toutes les lèvres du paddock, les lois anti-tabac que sont en train de concocter de nombreux pays européens, avec comme corollaire une menace claire sur le sponsoring en F1, très dépendant des multinationales du tabac.

Prost parti chez Ferrari, Ayrton Senna se retrouve comme le leader incontesté de l’écurie McLaren-Honda, totalement dévolue à son pilote fétiche, avec comme nouvel équipier Gerhard Berger. Magic a dû avaler des couleuvres er n’a toujours pas digéré l’affaire de Suzuka, mais il est résolu à prendre sa revanche. L’équipe britannique part favorite, mais la concurrence fourbit se armes, avec un Prost très entreprenant à Maranello, qui a amené dans ses bagages l’ingénieur Steve Nichols, et Williams, dont le partenariat avec Renault est plus que prometteur, après deux succès en 1989. De son côté, Jean Alesi repart avec Tyrrell. Après ses débuts fracassants au Castellet l’année précédente, Ken Tyrrell s’est empressé de faire signer un contrat à l’avignonnais, qui est l’une des nouvelles attractions du paddock.

Une histoire à la gomme

Le Grand prix des USA se déroule sur un circuit urbain assez insipide multipliant les angles droits, très bosselé, truffé de plaques d'égouts, les rails appelant les museaux des monoplaces telles les sirènes charmant le navire d'Ulysse. La première grille de départ ne reflète pas la hiérarchie du plateau et pour cause : sur ce circuit atypique, les gomme Pirelli sont à leur avantage par rapport aux Goodyear et il n'est pas nécessaire d'avoir un moteur puissant. Si Berger, l’auteur de la pole, confirme la supériorité des McLaren, les surprenants Pierluigi Martini sur Minardi et Andrea De Cesaris sur Dallara occupent les deuxième et troisième places, à la régulière, sans les règles de qualifs modernes !! Notre jean national est 4ème, devant Senna. Pas mal du tout, quand on sait que l’équipe anglaise vient à peine de changer de fournisseur ! Comme le dira plus tard Alesi, convoqué en toute dernière heure par Ken pour un ultime roulage à Silverstone avant l’ouverture de la saison, le patron lui avait dit " voilà, c'est la dernière fois que tu roules avec des Goodyear" ! La Tyrrell 018 y gagne cependant au change, avec moins de sous-virage, une meilleure attitude sur le revêtement bosselé et plus de motricité. On imagine si cela arrivait aujourd’hui, avec les F1 modernes ! Et les Ferrari dans tout ça ? elles sont larguées : Prost doit se contenter du 7ème rang, Mansell du 17ème…

La course

Départ. Tel un fauve se ruant sur sa proie, Jean Alesi bondit de la 4ème place et grille la politesse à Berger. Situé sur une partie moins poussiéreuse de la piste, il a su mettre à profit ses gommes à température optimale et la légèreté de sa monoplace. Feu de paille ? Que non ! Ne s’attendant pas à prendre la tête, Alesi n’a pas chaussé des pneus tendres mais des gommes dures, qui doivent tenir plus longtemps. Il se permet d’imprimer d’entrée un tel rythme que Berger ne peut suivre et concède en une demi-douzaine de tours pas moins de 5 secondes ! une Tyrrell sous-motorisée qui fait la nique aux McLaren, Ferrari et autre Benetton ! agile, bien chaussée et bien aidée par un V8 Cosworth plus léger et plus économe avec les gommes que les V10 Honda ou V12 Ferrari, la Tyrrell virevolte aux mains du saltimbanque du midi. A chaque virage, on a peur de la voir s’encastrer dans les murs. Jean Alesi est à la limite dans chaque freinage, chaque virage et chaque dépassement de retardataires, il balance sa voiture entre les rails, la maltraite mais tient bon.

Sur le bitume surchauffé de Phoenix, il semble piloter une groupe B. Et l’écart se creuse. Berger finit par partir à la faute. Prost, englué dans le trafic, est pour une fois un anonyme concurrent qui doit abandonner piteusement. Pour une fois, la vedette française, ce n’est pas lui. Devant, Alesi mène toujours un rythme endiablé mais Senna veille au grain et commence à entrer en action. L’écart fond doucement mais sûrement, les pneus de la Tyrrell commencent à souffrir du rythme imprimé par le français. La rouge et blanche fond sur la bleue et blanche au museau si original. La jonction se fait au 25ème tour mais Senna observe, pendant 8 tours, sa proie, sans doute facile…Au 33ème tour, au freinage de la ligne droite, Senna attaque et plonge à l’intérieur. Ça y est, c’est réglé…et Non !!!! dans un réflexe d’une audace incroyable, Alesi replique à Senna dans l’enchaînement qui suit et plonge à l’intérieur pour reprendre la tête ! Senna est obligé de s’écarter, il s’est fait avoir comme un bleu ! Fantastique, cette résistance à Magic Ayrton ! Dans le paddock et les tribunes, c’est la folie et le rusé Ken Tyrrell ne peut s’empêcher de rire depuis les stands. Il a mis la main sur un sacré pilote !

Mais tout rêve a une fin : au tour suivant, Senna prépare mieux son coup. Même procédure, même tentative de riposte de jean mais on ne la fait pas deux fois au brésilien, qui passe et ferme vite la porte, bien que l’avignonnais insiste encore quelques virages. Senna gagne la course mais Jean ne finit qu’à 8 secondes et avec près de 50 secondes d’avance sur la Williams de Boutsen ! A la conférence de presse, Senna a l’air songeur : encore un français sur sa route ! Il lui rend hommage néanmoins : « Il m'a franchement surpris par sa hargne et sa correction (…)  Il a un tempérament analogue à celui de Gilles Villeneuve. La bagarre fut magnifique, propre, excitante, à la limite de nos possibilités. Comme je les aime. » Quel plus beau compliment ?

Nouvelle idole

Jean est tout éberlué par sa course et avouera peu après avoir versé quelques larmes. A la descente de voiture, il lâche à Senna : « Aujourd’hui, il y avait deux Senna en course ! » Décontenancé, Ayrton regarde bizarrement le français qui lui montre le T-Shirt ignifugé qu’il porte sous sa combinaison…à l’effigie du brésilien ! Alesi ayant tout simplement oublié d’en mettre un avant la course, un mécanicien Tyrrell était parti en catastrophe s’en procurer un en fonçant vers le stand McLaren tout proche. Un membre du staff lui avait alors gentiment passé un des vêtements de Senna. Le brésilien ne manqua pas de mitrailler Alesi de questions pour savoir, un brin paranoïaque, comment un de ses T-shirts avait atterri sur sa poitrine.

Alesi est la star du jour, et tout le paddock est impressionné par sa performance. Il se murmure déjà que son nom figure sur la « short list » de Ferrari et de Williams pour les saisons futures…et personne ne sait qu'un pré-contrat avec Williams a déjà été conclu au cours de l'hiver...Mais ceci est une autre histoire !

Cette passe d’armes n’a duré que deux tours mais, à l’instar de celle entre Arnoux et Villeneuve, on en parle toujours presque 30 ans après. Le magicien contre le funambule, un duel d’hommes, de caractères, de talents différents mais qui ont un point commun : celui de faire partie de la légende.

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Pour résumer

Nous avons tous en tête des passes d’armes mémorables, que l’on ne se lasse plus de regarder en boucle : Arnoux contre Villeneuve à Dijon en 1979, ou Hakkinen contre Schumacher à Spa en 2000. En 1990, dans les rues de Phoenix, un autre duel de légende a imprimé notre rétine à jamais !

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