Rétro 30 ans déjà : Senna, la tentation américaine ?
par Nicolas Anderbegani
Les atermoiements de Magic durant l'intersaison 1992-1993

Rétro 30 ans déjà : Senna, la tentation américaine ?

30 ans plus tôt, l'intersaison de la Formule 1 était animée par un grand suspense : Ayrton Senna allait-il continuer, ou carrément partir aux Etats-Unis ? Le brésilien essaya bel et bien une Indycar.

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Une Williams sinon rien ?

Fin 1992, Ayrton Senna est dans une impasse. Alors qu’il sort d’une saison décevante, Williams a écrasé la saison avec son châssis sophistiqué et surtout son fabuleux V10 Renault, permettant à Nigel Mansell d’être couronné champion du monde, tandis que McLaren va perdre Honda, qui se retire du championnat du monde après avoir formé un couple victorieux avec l’écurie anglaise. Le brésilien a bien tenté de prendre la place du moustachu chez Williams, au point même d’offrir ses services gratuitement, mais c’est au final Alain Prost, de retour de son année sabbatique et appuyé par Renault, qui va s’asseoir dans le baquet le plus convoité du moment en 1993, or le français a posé comme conditions de ne pas faire équipe de nouveau avec son grand rival.

McLaren se démène depuis plusieurs mois pour trouver un moteur digne de ce nom, prenant des contacts avec Lamborghini et Peugeot. Ron Dennis fait même le forcing pour racheter Ligier, afin d’en faire son « team B » et mettre la main sur le V10 du losange, qui motorise aussi les bleus. En vain. McLaren négocie alors avec Ford pour la fourniture d’un V8 « client » qui serait moins évolué que la version « usine » fournie à l’écurie Benetton, qui est le partenaire privilégié de l’ovale bleu. Or Senna ne veut pas conduire une monoplace sous-motorisée, incapable de se mesurer aux Williams-Renault. Le choix est alors le suivant selon les rumeurs : soit prendre une année sabbatique et attendre qu'une place se libère chez Williams en 1994, ou même chez Ferrari qui lui fait les yeux doux, ou alors faire comme Nigel Mansell, tenter le coup de l’Indycar !

Va-t-il rejoindre Mansell aux States ?

Alors que Ron Dennis active un « plan B » et envisage de promouvoir le jeune Mika Hakkinen aux côtés de Michael Andretti si « Magic » fait défection, c’est dans ce contexte que Ayrton Senna va bel et bien essayer une Penske-Chevrolet en décembre 1992, l’opération étant facilitée par le sponsor commun de Penske et Mclaren, le géant Marlboro. Le 20 décembre 1992, Ayrton Senna arrive en compagnie de John Hogan, le grand manitou du marketing Marlboro, sur la petite piste de Firebird ouest, un petit circuit routier de seulement 1,77 km perdu dans la « pampa » près d’Eagle, dans l’Idaho.

Contraste saisissant avec les paddocks feutrés et chics de la F1. Senna va prendre le volant de la meilleure monoplace d'Indycar du moment, mais surtout découvrir une monoplace beaucoup moins sophistiquée. Alors que la F1 est en pleine course aux armements avec les aides électroniques, l'ABS, l'antipatinage, la boîte semi-auto et la suspension active, la monoplace Penske est toujours dotée d’un embrayage à pédalier, d’une boîte manuelle et de suspensions classiques, sans aucune aide électronique. C'est du brut de décoffrage.

Quelques tours (rapides) et puis s'en va

C’est d’abord Emerson Fittipaldi qui prend la piste. Le double champion du monde de F1 1972 et 1974, passé en Indycar au début des années 80 et champion en 1989, a joué les intermédiaires pour inciter Senna à venir se tester. Il effectue quelques dizaines de tours sur une piste encore froide mais établit le chrono à 49.7 avant de laisser la place à son compatriote. Senna effectue un premier run d’une quinzaine de tours, où il doit se réhabituer à la boîte manuelle et au moteur turbo. En rentrant aux stands, il demande des changements de réglages et repart pour une dizaine de tours, où il abaisse la marque à 49.06 Nigel Beresford, ingénieur Penske présent ce jour-là, précisa : "Il est revenu aux stands et il m'a dit : ‘Merci beaucoup. J'ai appris ce que je voulais savoir’'

Quelques jours plus tard, le Brésilien se confie : « C'est plus agréable à conduire qu'une F1. D'une certaine façon, le pilote influence plus la performance globale. Je pense que l'essentiel du pilotage doit venir de l'homme à bord. Les responsables de la F1 devraient à nouveau s'en inspirer, car ils font actuellement fausse route en autorisant la multiplication des systèmes électroniques. Les monoplaces de F1 sont trop sophistiquées. Aujourd'hui, tout est nouveau pour moi. J'ai dû réapprendre à piloter en passant des vitesses, à appuyer sur un embrayage, à freiner avec des disques en acier, à dompter la brutalité d'un turbo. Cette Penske m'a rappelé la Formule 1 à l'ancienne. » Pourfendeur patenté de l’immixtion de l’électronique dans les monoplaces, Senna profite ainsi pour influer sur le futur de la réglementation de la F1, car cette nouvelle carrière outre-Atlantique ne fut jamais envisagée sérieusement. Il s’en sert surtout pour mettre la pression dans les négociations pour 1993.

Senna la diva

Rassuré par les premiers essais de la McLaren Ford à Silverstone, Senna choisit de poursuivre en F1, mais les négociations sont âpres. "Magic" entretient le flou, d’autant que Prost est dans le collimateur de la FIA pour ses déclarations dans la presse et qu’un refus de superlicence pourrait lui permettre, pense-t-il, de sauter dans la Williams. Il fait ainsi monter les enchères, sachant que tous les pontes de la F1 paniquent à l’idée de le voir absent de la grille, alors que le retour de Prost promet une affiche marketing parfaite. Refusant de s’engager formellement pour une saison complète, il enchaîne les « piges » en début de saison, monnayant un salaire record pour l’époque – course après course ! . Après un superbe début de saison qui le voit tenir tête à la Williams de Prost, il livrera au final une saison exceptionnelle, peut-être la plus belle de toutes d’un point de vue du pilotage, offrant un dernier duel de titans face à Alain Prost.

 

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Pour résumer

En décembre 1992, Ayrton Senna testait une monoplace Indycar de l'écurie Penske. Les rumeurs sur son engagement aux USA allèrent bon train, mais "Magic" n'avait jamais envisagé de quitter la F1, désirant seulement obtenir la meilleure voiture pour vaincre.

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