Elle n'a jamais couru, épisode 8 : Ferrari F50 GT
par Nicolas Anderbegani

Elle n'a jamais couru, épisode 8 : Ferrari F50 GT

Depuis le début des années 70, Ferrari s'était exclusivement consacré à la F1, laissant à des initiatives privées ou semi-privées le soin d'engager ses bolides en Endurance et GT. Mais au milieu des années 90, en pleine folie GT1, le cheval cabré a bien failli lâcher un sacré pur-sang : la F50 GT !

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Une supercar à l'ADN de Formule 1

Présentée en 1995, la Ferrari F50, qui doit assurer héritage de la cultissime F40, représente un énorme bond technologique pour les supercars. Pensée comme une véritable "Formule 1 de la route", elle en reprend non seulement la structure, c'est à dire une monocoque en matériaux composites carbone/kevlar mais aussi le moteur, puisque la F50 embarque un V12 4.7 litres de 520 chevaux réalésé, dérivé du moteur Tipo 36 qui propulsait les monoplaces 640 F1 d'Alain Prost et Nigel Mansell en 1990 ! L'ensemble moteur-boîte porteur, c'est à dire directement fixé sur la coque, et les suspensions pilotées électroniquement, fixées sur la boîte de vitesses, sont des solutions issues directement de la compétition et totalement inédites à l'époque sur une supercar de route.

Les courses GT en plein boom

Avec la fin du Groupe C en 1992, les sport-prototypes ont perdu de leur superbe, alors que les courses de GT connaissent un réel engouement. Le championnat BPR, fondé en 1994 par Patrick Peter et Stéphane Ratel, destiné à l'origine aux GT et aux gentlemen-drivers, devient rapidement un support prisé par les constructeurs de supercars pour promouvoir leurs modèles. La règlementation leur est favorable, à l'image de McLaren qui fait sensation en remportant les 24 heures du Mans 1995 grâce à la McLaren F1. L'intérêt grandissant des constructeurs incite la FIA à prendre les rênes du BPR, qui devient en 1997 le championnat FIA-GT. L'ensemble est prometteur, avec des régulations techniques permissives, laissant libre cours à la créativité des ingénieurs, une production exigée de seulement 25 modèles de route pour l'homologation et une couverture TV assurée par Eurosport, qui doit garantir des retombées économiques intéressantes.

Entre 1989 et 1995, la F40 avait connu un certain succès en compétition, via l'engagement des versions LM (appelées aussi Competizione) aux Etats-Unis dans le championnat IMSA GTO (une version étrennée à Laguna Seca en 1990 par un certain...Jean Alesi) et des versions GTE en Europe et au Mans. Le directoire Ferrari imagina ainsi que la F50 pourrait prendre la relève à travers un programme sportif, ce qui motiva le lancement du projet F50 GT.

F50 GT, l'arme absolue ?

La F50 peut déjà s'appuyer sur une bonne base : la Ferrari 333Sp, un prototype découvert développé par Dallara et qui marque en 1994 le retour du cheval cabré dans les courses d'endurance. La 333Sp, qui exploite aussi le V12 Ferrari F1 (dans une version 4.0 litres dénommée F130E), dispose d'une monocoque carbone et de suspensions qui seront reprises sur le développement de la F50. C'est donc tout naturellement vers Dallara, ainsi que Michelotto (qui avait préparé la F40 LM) que Ferrari se tourne pour construire le premier châssis 001 de tests.

La F50 de base subit évidemment une profonde cure d’amaigrissement, ramenant son poids au niveau de la tonne. On supprime même le démarreur, remplacé par un système de démarrage externe. La F50 subit aussi d'importantes évolutions aérodynamiques, matérialisées par un aileron arrière réglable, un spoiler avant revu, un large diffuseur et un toit fixe surmonté d'une grande prise d'air pour refroidir la bête tapie derrière l'habitacle. Le châssis est donc une monocoque composite, recourant au kevlar, au nomex et à la fibre de carbone, assemblés en nid d'abeille. Le raffinement technologique concerne aussi les suspensions, entièrement réglables, l'embrayage, en fibre de carbone, et les freins, également en carbone avec des étriers à 6 pistons et des disques de 380 mm de diamètre. La boîte de vitesses, classique sur la F50 de route, devient ici séquentielle à 6 rapports, mais sans le système semi-automatique de changement au volant dont Ferrari a pourtant été le précurseur. Enfin, terminons par le V12. Positionné longitudinalement, avec un angle de 65° et une lubrification par carter sec, il grimpe jusqu'à 10500 tours/min pour une puissance maximale de 750 chevaux et 529 Nm de couple à 7500 tours/min.

Essais prometteurs

C'est Nicola Larini qui est chargé du "déverminage" de la bête. Longtemps pilote d'essai de l'écurie Ferrari en F1 (il termina 2e du funeste GP d'Imola 1994, remplaçant Jean Alesi alors blessé), Larini est surtout celui qui a fait triompher l'Alfa Romeo 155 V6 Ti en DTM. Les essais ont lieu à Fiorano et, immédiatement, les performances s'annoncent prometteuses, car la F50 GT tourne plus vite que la 333sp. Le 0 à 100 est mesuré en 2"9 et une vitesse maxi de 376 Km/h est annoncée. Toutefois, les essais restèrent assez confidentiels et les chronos officiels ne furent pas communiqués davantage.

Fin de partie

Mais tout cela restera lettre morte. Conçue d'abord pour contrer la McLaren F1 LM,  Ferrari est resté dans l'esprit du BPR avec une voiture de série que l'on transforme en voiture de course. Porsche et Mercedes font le cheminement inverse en exploitant les failles d'une législation plutôt permissive. Ils développent de véritables prototypes, dont découle variante routière qui, moyennant quelques ajustements, est homologuée pour rester dans les clous règlementaires. Porsche débarque avec une "911 GT1" qui n'a rien à voir avec la 911 de série, excepté les phares et la décline en 911 GT1 "Strassenversion" de pure forme. Mercedes, qui a rejoint la série après la disparition du DTM/ITC, sort une CLK-GTR déclinée également dans une version de route à petite diffusion. C'est la promesse d'une course aux armements !

Ferrari proteste auprès de la FIA, allant jusqu'à demander l'interdiction de la 911 GT1, mais sans succès. De plus, Ferrari consent à ce moment-là d'énormes efforts en Formule 1 avec le passage au V10 et le début de la collaboration avec Michael Schumacher pour conquérir le titre mondial, qui échappe à la Scuderia depuis 17 ans. Même si aucune justification officielle n'a été avancée, ce "litige" règlementaire et sans doute des priorités budgétaires ont incité le cheval cabré à remiser au placard la F50 GT, qui ne fut achevée qu'en 3 exemplaires : le modèle de développement et deux autres qui furent revendus à des particuliers, en contrepartie de leur promesse de ne jamais les engager dans la moindre compétition. Trois autres châssis furent détruits. La F50 GT était une vraie merveille, qui aurait mérité de concourir. Néanmoins, après la disparition du 1er FIA-GT, devenu bien trop cher et finalement déserté par les constructeurs, Ferrari reviendra au GT. D'abord par la voie d'équipes privées dès l'an 2000 avec la 550 Maranello, puis dans le cadre de partenariats semi-privés et plus ou moins soutenus officiellement, à l'image de la structure AF Corse. La F360 Modena ouvrira la voie du succès, qui se poursuit aujourd'hui grâce à la 488 GTE.

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Les précédents épisodes :

Épisode 1 : Lancia ECV

Épisode 2 : Ferrari 637 Indycar

Épisode 3 : Audi Sport Quattro RS002

Épisode 4 : Alfa 164 Procar

Épisode 5 : Toyota 222D

Épisode 6 : Alfa Romeo SE 048SP

Épisode 7 : McLaren MP4/18

Images : flickr, wikimedia commons, Ferrari.com

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Pour résumer

Depuis le début des années 70, Ferrari s'était exclusivement consacré à la F1, laissant à des initiatives privées ou semi-privées le soin d'engager ses bolides en Endurance et GT. Mais au milieu des années 90, en pleine folie GT1, le cheval cabré a bien failli lâcher un sacré pur-sang : la F50 GT !

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