Fermeture Michelin la Roche sur Yon : concurrence ou stratégie financière ?
par Elisabeth Studer

Fermeture Michelin la Roche sur Yon : concurrence ou stratégie financière ?

C'est désormais officiel : l’usine Michelin de La Roche-sur-Yon va mettre la clé sous la porte d’ici à la fin de 2020, mettant plus de 600 salariés sur le carreau. Si le groupe se positionne comme une victime de la concurrence asiatique, certains représentants syndicats évoquent quant à eux une stratégie purement financière.

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L'usine Michelin la Roche sur Yon  fermera ses portes en 2020

Michelin a annoncé jeudi son intention de fermer « d’ici fin 2020 » son usine de pneus pour poids lourds, laquelle était menacée depuis plusieurs semaines. Raisons invoquées : les « difficultés du marché » et une « concurrence exacerbée ». 

619 salariés sont directement impactés.

Négociation d'un accord

« Michelin va proposer aux partenaires sociaux d’engager au plus tôt la négociation d’un accord portant sur un plan d’accompagnement des salariés » avec des mesures de préretraite et des dispositifs de mobilité interne et externe, précise un communiqué du groupe.

Le groupe affirme par ailleurs que « Michelin donnera à chaque salarié concerné la possibilité de rester au sein de l’entreprise en France. »

L'entreprise s'engage par ailleurs à provisionner près de 120 millions d’euros pour financer l’opération. Le groupe s’engage parallèlement à lancer « un projet public-privé d’envergure pour donner un nouvel avenir au site ».

Des salariés de Cholet eux aussi concernés

Reste que les suppressions d'emplois se décomptent en cascade. 74 personnes travaillant à l’usine de Cholet, affectés à la fabrication de mélanges de gomme pour La Roche-sur-Yon sont également concernées par le projet de fermeture ».

Là aussi, Michelin se veut rassurant et confiant, affirmant qu'au-delà des mesures de préretraite », chaque personne se verra proposer un nouveau poste sur le site de Cholet. Il assure par ailleurs qu'il n'y aura pas d’impact pour les salariés des autres usines françaises. En dehors de Cholet et de la Roche-sur-Yon.

Situation préoccupante depuis septembre

Fin septembre, le nouveau président du groupe, Florent Menegaux, successeur de Jean-Dominique Seanrd avait évoqué la « situation très préoccupante » de l’usine, confirmant alors les craintes syndicales.

Le pacte d’avenir lancé en 2016 pour renforcer l’activité du site vendéen n’a « pu produire les effets attendus », malgré « 70 millions d’euros d’investissements », a expliqué Michelin. Lequel pointe du doigt les « difficultés du marché des pneus poids lourds haut de gamme, tant en Europe qu’à l’export ».

Des promesses non tenues ?

Réagissant sur Twitter, le maire de La Roche-sur-Yon, Luc Bouard, a dénoncé le comportement de Michelin, fustigeant des « promesses non tenues par Michelin ». Il a par ailleurs assuré qu’il se « battrait pour qu’aucun salarié Yonnais ne se retrouve sans emploi. » Il sera reçu dans les prochains jours au Ministère de l'Economie pour plaider la cause des salariés.

Une décision purement financière ?

« Michelin vient d'annoncer la fermeture de l'usine de La Roche sur Yon en trahison de toutes les promesses passées. Cette décision est purement financière. Michelin devra assumer ses responsabilités devant tous les salariés (619) en garantissant leur avenir professionnel » indique pour sa part le syndicat CFE-CGC .

Lequel affirme que  le groupe de pneumatiques « aurait pu déplacer des productions d’autres usines européennes vers La Roche sur Yon » mais qu'il ne l’a pas fait.  Et qu'au contraire, il a « continué à investir dans ces usines », et  même « déjà installé des machines initialement prévues à La Roche sur Yon. »  Ajoutant même que certaines machines installées à La Roche sur Yon dans le cadre du plan d’investissement intial y ont même été transférées.

Selon lui, de ce fait, « ces usines sont prêtes à accueillir les productions de La Roche sur Yon dès sa cessation d’activité. »

2013 : quand Michelin s'engageait à investir à La Roche sur Yon

En 2013, à l’occasion de l’annonce de la fermeture de l’activité pneus poids lourds de l’usine de Joué les Tours (décision impliquant 900 suppressions d’emploi ), Michelin, par l’intermédiaire de son patron de l’époque, Jean-Dominique  Senard, avait pris l'engagement d'installer 200 emplois dans le domaine de la gestion de flotte de camions à Joué les Tours, et d'investir 110 millions d’Euros dans l’autre site français de production de pneus poids lourds : la Roche sur Yon. Prévoyant alors d'y doubler la production en vue de faire du site l’un des fleurons industriels de Michelin en Europe.

« Ces engagements étaient pris à grand renfort de communication auprès des pouvoirs publics, des élus locaux, et des organisations syndicales de l’entreprise » indique la CFE-CGC. Rappelant que devant le scepticisme des syndicats demandant un engagement écrit, l'ancien patron de Michelin avait affirmé devant le comité central d’entreprise que la parole d’un grand patron valait plus que tous les écrits.

Une promesse non tenue et un défi industriel

Mais au final, le site de La Roche sur Yon n'aura vu venir ni les moyens financiers promis ni la production prévue.

Si un plan initial d’investissement a certes été lancé et une première tranche de 50M€ a été réalisée, les équipes se sont rapidement trouvées confrontées à un défi de taille : « augmenter la production alors même qu’il faut simultanément gérer des travaux colossaux pour l’usine et démarrer des machines inconnues » selon les termes de la CFE-CGC.

Au final, en l'absence de nouvelle production, le projet a été stoppé en 2015.

Des tarifs inadaptés ?

« En maintenant au catalogue des produits et des tarifs inadaptés à une partie toujours plus grande du marché européen, Michelin a continué à sortir de ce marché. De fait Michelin a perdu autant de parts de marché entre 2007 et 2013 (fermeture de Joué les Tours), qu’entre 2013 et 2019 » affirme encore le syndicat. Ajoutant que le niveau des pertes s'établit en dizaines de pourcentage.

Précisons que depuis la présidence Obama, les pneus chinois sont surtaxés aux États-Unis. Pour faire face à cette perte du marché américain, la Chine a décidé de s'attaquer en force au marché européen. En cinq ans, les pneus chinois sont passés de 5% de parts de marché à 30%. Avec certes, au départ, une qualité nettement inférieure à celle de ses concurrents européens et notamment de Michelin, qui a toujours souhaité mettre en avant une stratégie "premium". Lui permettant – selon lui – de justifier de vendre ses pneus à des tarifs plus élevés.

Mais depuis, les Chinois ont amélioré leur qualité … tandis que leurs prix demeurent toujours inférieurs de 30%. Or, le ralentissement de l'économie mondiale implique une chute du transport de marchandises. Conduisant à une diminution du trafic camions, à un moindre renouvellement des pneus et à une recherche des meilleurs tarifs.

Manque de compétitivité ?

Si Michelin  met en avant aujourd’hui le manque de compétitivité de l’usine de La Roche sur Yon par rapport à ses autres usines européennes, la CFE-CGC trouve l'argument pour le moins fallacieux. Elle reproche à Michelin de ne pas avoir offert au site de nouvelles capacités de production permettant d'amortir les investissements réalisés. Une situation qui selon elle « conduit à dégrader les coûts de production de l’usine. »

Pour le syndicat, « l’usine de La Roche sur Yon a été placée sur une trajectoire qui ne pouvait que la conduire à la fermeture, en dépit des efforts importants consentis par les salariés du site. »

L'avis de Leblogauto.com

Elus comme syndicats mettent en avant la promesse non tenue de Jean-Dominique Senard. La CFE-CGC osant dire tout haut ce que certains pensent tout bas, à savoir que le nouveau patron de Renault a « laissé le soin à son successeur de mettre en œuvre, 5 mois après son départ » une décision douloureuse, remettant en cause ses engagements .

Sources : AFP, Le Monde, Michelin, CFE – CGC, RTL.be

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Pour résumer

C'est désormais officiel : l’usine Michelin de La Roche-sur-Yon va mettre la clé sous la porte d’ici à la fin de 2020, mettant plus de 600 salariés sur le carreau. Si le groupe se positionne comme une victime de la concurrence asiatique, certains représentants syndicats évoquent quant à eux une stratégie purement financière.

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