24 heures du Mans 2018 : Toyota pour la victoire…enfin ?
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par Alain Monnot

24 heures du Mans 2018 : Toyota pour la victoire…enfin ?

Pascal Vasselon, Directeur Technique du team Toyota Gazoo Racing, nous éclaire sur cette édition particulière des 24 heures du Mans 2018.

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Après le retrait des usines comme Porsche et Audi et la volonté de Toyota de persister dans la voie technique de l’hybride, il aura fallu beaucoup d’imagination et d’ajustements techniques pour que puissent se confronter dans la catégorie LMP1, l’usine nippone et des constructeurs privés. L’ACO et la FIA ont travaillé en lien étroit avec les écuries pour que tous acceptent ce challenge particulier mixant des conceptions initiales différentes.

Sur 10 voitures engagées, 8 roulent avec des moteurs thermiques conventionnels et les 2 Toyota chercheront à tout prix la victoire avec le système hybride qu’ils maitrisent.

Trois semaines avant le départ de la course nous avons pu interroger Pascal Vasselon le Directeur Technique du team, qui avec précision et gentillesse a bien voulu nous éclairer sur ces éléments technologiques, dont il est bon d’avoir conscience pour mieux suivre et comprendre une course au sommet.

Toyota a été associée à l’élaboration du nouveau règlement du championnat, à priori on peut penser que vous n’avez pas trop lâché de lest quant à la conception de votre auto, pour autant, pouvez-vous préciser quels sont les changements opérés entre les deux saisons ?

« Nous avons un peu modifié nos plans à l’annonce du retrait de Porsche. Nous avons quelque peu réduit l’intensité de notre développement. Le résultat, c’est qu’en termes de châssis et de carrosserie, la voiture reste très proche de celle de l’année dernière. Nous avons gardé la base d’homologation de 2017 et nous avons développé l’aérodynamique dans le cadre des options autorisées sur une même année. Alors, ça n’est pas une nouvelle voiture, ni une nouvelle carrosserie,  je dirais que nous avons procédé à des évolutions de détail. Quant au propulseur, nous nous sommes limités à une mise à jour du système de refroidissement et surtout, le refroidissement du système hybride. Ces modifications  étaient  déjà dans les tuyaux mais nous avons différé un certain nombre de développements, qui normalement auraient vu le jour en 2018 si Porsche était resté en lice. »

Vous vous retrouvez seule marque « usine » en hybride face à des teams privés non hybrides, comment vit-on cette situation particulière d’une concurrence apparemment inégale et qui, en cas de victoire, enfin, fera dire à certains que les dés étaient pipés ?

« Il faut dire que les équivalences, les balances, c’est toujours un peu compliqué. Bon, voilà ! En l’absence de concurrence  dans la même catégorie comme l’année dernière où l’on avait un combat direct dans un même cadre réglementaire, maintenant nous comprenons qu’il est de l’intérêt global de rapprocher  les compétiteurs. Alors après, nous, Toyota avons tout à perdre dans ce genre d’équivalence. Bien évidemment, si l’on gagne c’est bien sûr normal, si on perdait ça ferait l’Histoire du jour. Encore une fois, on a bien compris l’intérêt, les raisons de rapprocher les teams. Par contre, notre challenge, notre combat c’est de gagner, de gagner les 24 heures du Mans, ça n’est pas de se battre contre des voitures non-hybrides. »

Pouvez-vous nous détailler cette question de l’équivalence entre votre motorisation hybride et celles des « essence »? Comment expliquer au grand public cette notion d’allocation d’énergie et la façon que vous avez décidé de la gérer ?

«  En maintenant un règlement similaire pour les différentes catégories, les voitures privées étaient très, très loin en vitesse de course. Ce qui a été fait dans un premier temps, ça été d’augmenter la quantité d’essence instantanée et la quantité par tour afin que leurs moteurs soient capables de  produire une puissance moyenne  au tour, plus importante, qui les ramène proches de nos propres temps au tour. Les premiers chiffres qui  ont été avancés sont assez impressionnants: plus 69% d’énergie au tour et plus  38% de flux instantané. C’est vraiment là, un ajustement très fort, ce qui avait pour objectif principal que les temps au tour soient proches entre nos Toyota et les autres autos non-hybrides.

Le problème c’est que cette augmentation très forte d’allocation d’énergie avait d’autres conséquences qu’il a fallu aussi contrôler. Compte tenu d’une taille de réservoir, forcément limitée, quand on augmente la quantité d’essence utilisée au tour, on fait moins de tours. Il est apparu que les voitures non-hybrides ne feraient pas plus de 10 tours au Mans. Or, avec  notre allocation nous en faisions normalement 14.

Il nous a été demandé de ne faire que 11 tours pour se rapprocher des 10 tours possibles pour les voitures non-hybrides. Par contre, comme les voitures non hybrides auraient été 18 secondes plus lentes au ravitaillement, ce qui  bien sûr était inacceptable, ce handicap  a donc été ramené de 18 secondes à 5 secondes seulement. Donc, voilà, dans tous les compartiments du jeu, les voitures non hybrides ont été rapprochées de nos paramètres au Mans ».

En parallèle, pouvez-vous préciser quelles procédures régissent un arrêt ravitaillement. Puis, sur un tour  au Mans quand roule-t-on en électrique, comment et où récupère-t-on du potentiel ?

« Les arrêts au stand sont gérés par la même réglementation pour tout le monde. Cette année, le principal changement c’est que l’on la droit d’intervenir sur la voiture pendant le ravitaillement en essence, ce qui est très nouveau. Donc, on a le droit de faire le plein d’essence et de changer les pneus ou de nettoyer la carrosserie. Puis, on peut faire des interventions mécaniques puisque l’on dispose simultanément de quatre mécaniciens en plus du préposé au ravitaillement. Ces règles sont les mêmes  pour tout le monde.

Pour répondre à la seconde partie de votre question, disons que pour les voitures hybrides, il se trouve que nous parcourons la pit-lane en mode électrique, ce qui n’est pas une obligation. Ensuite, pour la récupération d’énergie sachez qu’elle s’opère au freinage sur les deux essieux, avant et arrière ».

Nous avons lu le règlement et avons été étonnés par sa complexité, tout semble normé, coté, alors, comment s’assure-ton avant l’épreuve, puis en course de la constance des paramètres obligatoires ?

« En fait, on est dans une catégorie de très haute technologie et la complexité est présente partout. Présente dans  les voitures et dans le règlement parce que le règlement doit contrôler ce haut niveau de technologie. On a ainsi des gens qui sont affectés au respect de la réglementation. Normalement, on connait bien cette réglementation et on suit constamment nos paramètres réglementaires. Dans notre équipe nous avons des personnes dont la seule mission est de s’assurer qu’on n’utilise pas plus d’essence au tour ou d’énergie électrique ».

Dans le même esprit, pouvez-vous nous expliquer le pourquoi et le comment et apporter des précisions quant à la gestion de la température de l’essence ?

« Effectivement on ne peut pas être en dessous de moins dix degrés de la température ambiante, pour que les teams ne dépensent pas des fortunes à réfrigérer l’essence dans le but d’en mettre davantage dans le réservoir au pit-stop. »

Dans le règlement on parle de température de référence avant la course et actualisée ensuite, comment peut-on suivre cela avec précision ?

«  Nous n’avons pas que la température de l’essence mais également celle du cockpit et d’autres paramètres réglementaires que nous suivons en temps réel. Nous n’avons pas une personne dédiée par paramètre mais nous avons des alarmes sur des données, qui font que si l’on s’approche de la limite réglementaire, on a des petites lumières rouges qui clignotent. »

Combien  avez-vous effectué d’essais spécifiques en vue des 24 heures du Mans ? Y en aurait-il d’autres programmés ?

« Alors cette année nous avons réalisé 4 séances d’endurance de 30 heures chacune. Nous avons réalisé la dernière lors du Prologue au Paul Ricard. »

Quels enseignements avez-vous tiré du prologue ? La définition de l’auto type 24 h est-elle figée, ou attendez-vous la course de Spa pour valider vos choix techniques ?

« Le prologue nous  a permis de figer la spécification technique de la voiture. Nous n’avons pas procédé à une évolution après Spa, où nous avons roulé dans une spécification extrêmement proche de celle des 24 heures du Mans, à l’exception qu’à Spa nous avions un petit peu plus d’appui aérodynamique. »

Pouvez-vous nous préciser comment sur ce programme se répartit le travail entre  TMG à Cologne et l’usine ? Combien comptez-vous de personnes dans votre équipe ? Combien de personnes sont mobilisées en tout lors des 24 h du Mans ?

« Pour répondre à la première partie de votre question c’est très facile puisque le travail se répartit de la façon suivante : le groupe propulseur (moteur à combustion interne et système hybride) est développé et fabriqué au Japon. TMG à Cologne s’occupe du châssis (conception et fabrication) et des opérations de course.

Vous indiquer combien de personnes sont concernées par le programme endurance, est une chose plus difficile. En effet, TMG est une société multi-projets et la plupart des personnels d’encadrement du projet –à part l’équipe de course- sont engagés simultanément sur plusieurs projets. Par contre, on peut très facilement vous dire que nous serons près de 80 personnes au Mans. »

Quid de l’intégration d’Alonso dans le groupe Toyota d’endurance ? Son programme en F1 n’est-il pas un obstacle quant à sa préparation optimale à une discipline exigeante qu’il connait peu ?

« La question de l’intégration d’Alonso ne s’est même pas posée parce qu’il s’est intégré tout de suite, très bien. Il est arrivé très naturellement, lui-même, tout en étant très déterminé à apprendre rapidement. Son programme a été complètement transparent, il a manqué juste le rendez-vous du prologue ce qui n’est pas très grave puisqu’il constitue une séance d’essais un petit peu difficile vu le nombre de voitures en piste. Pour nos séances d’essais, il a fait tout ce qu’on lui a demandé, il était encore dernièrement devant le simulateur. Il est certes très occupé mais il a réussi à répondre à toutes les exigences de notre calendrier. »

Si vous gagnez les 24 h, Toyota aura l’esprit libre pour réorienter ou poursuivre ses choix d’implication en compétition alors combien de temps vous reste-il pour gagner au Mans ?

«  Il nous reste environ 3 semaines. »

Les enchainements de la course de Spa ont-ils entrainé des ajustements techniques, si oui, de quel ordre ?

« La course de Spa techniquement, s’est déroulée conformément aux attentes. Non, il n’y a pas d’ajustements particuliers. Il y a eu le check-out et les deux journées d’installation de la course du Mans, mais sans aucune réorientation par rapport à Spa. »

Alors que tous les constructeurs impliqués en endurance, le sont actuellement en GTE, Toyota lorgne-t-elle, elle aussi, vers cette catégorie de compétition qui parle directement aux automobilistes ?

« Dans le court terme non, pour la bonne raison que nous sommes en train de travailler avec l’ACO et la FIA à la définition de la future catégorie des autos, qui concourront au Mans et qui pourrait s’appeler GTP, pour GT Prototype. Pour nous donc ce ne serait pas le GTE, mais clairement le GTP, en préparation pour 2020. »

Si nous comprenons bien, Toyota n’envisage pas de ne plus courir les 24 heures du Mans et c’est une bonne nouvelle.

En attendant, c’est bien à une confrontation inédite à laquelle nous allons assister et pour Toyota il faut gagner, absolument. On écrivait déjà à peu près cela en 2016 et 2017 et Porsche  avait raflé la mise. Le team allemand ayant reporté ses efforts en GTE les « LMP1 thermiques » auront-elles les moyens de mettre en péril les deux Toyota ? Nous ne le pensons pas.

Alain Monnot

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Pour résumer

Pascal Vasselon, Directeur Technique du team Toyota Gazoo Racing, nous éclaire sur cette édition particulière des 24 heures du Mans 2018.

Alain Monnot
Rédacteur
Alain Monnot

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