Face aux méventes et aux pertes, Jaguar a pris la décision radicale d'arrêter la production de tous ses modèles à l’exception du SUV F-Pace. Au revoir les XE, XF, F-Type , E-Pace (SUV compact) et même le I-Pace (SUV électrique). Dans un dernier réflexe de survie, la vénérable marque britannique va se réinventer en 2025 avec une redéfinition totale de son identité vers l’univers du luxe. Une mutation qui s'apparente à un "quitte ou double".
Ne rien copier, ou se conformer ?
La marque a ainsi diffusé son nouveau « manifeste ». Dès l’an prochain, le félin deviendra une marque de luxe mêlant « modernisme, créativité artistique et luxe ». Surtout elle proposera un univers placé sous le signe de l’exubérance et reprenant le credo de Sir Williams Lyons, fondateur de la marque : Copy nothing ! Une approche qui avait dicté la création de la mythique Type E.
« Modernisme exubérant », marque « imaginative » « audacieuse » et « intrépide », connexion avec « l’univers de l’art », défense de « l’expression artistique sous toutes ses formes ». Le jargon du marketing tendance coche presque toutes les cases, mais ne raconte pas grand-chose sur l’essence même d’une Jaguar, sur route et au volant. Néanmoins, ils ont oublié le terme « inclusif », ce que semble suggérer la photographie officielle qui « marie » le style « United Colors of Benetton » avec de forts accents de l'inclusivité devenue quasiment obligatoire. Bref, derrière son apparence « révolutionnaire », ce discours ressemble davantage à un conformisme aux « tendances ».
Jaguar sera 100% électrique avec une gamme inédite dont le premier modèle, une GT quatre portes, sera dévoilé début 2025 et a déjà commencé à se montrer en tenue de camouflage. Cette GT sera basée sur une nouvelle plateforme JEA – Jaguar Electrified Architecture - spécifique à la marque. Nous savons également que la puissance dépassera les 580 ch et que l’autonomie devrait être de l’ordre de 700 km.
Le félin s'estompe
Qui dit nouvelle identité dit nouveau logo ! Sans pour autant céder au flat design noir et blanc tout triste, la simplification et l’épure sont de la partie. Le félin disparaît (presque) et laisse place à une police de caractère inédite plus ronde, jouant graphiquement sur le mélange entre lettres majuscules et minuscules avec davantage d’espacement entre les lettres. On se rapproche davantage de l’esthétique des marques de maroquinerie et de parfumerie de luxe, ce qu’accentue la couleur dorée.
Visuellement, la silhouette du jaguar est retouchée et s’inscrit désormais dans ce que les designers appellent le strikethrough. À savoir, des hachures ou lignes parallèles à la manière d’un store vénitien. Les photos font penser à un écrin doré. Ce Jaguar rayé ornera-t-il les intérieurs ou les montants des véhicules, comme une sorte de plaque d’authenticité ? Enfin, la couleur prendra une dimension très importante dans la communication, principalement au travers des 3 primaires : jaune, rouge et bleu. Mince, le British racing green sera-t-il encore de la partie ?
C’est sans nul doute une nouvelle clientèle, plus diverse et plus féminine, que Jaguar vise en étant présente lors d’événements artistiques haut de gamme, de showrooms entièrement repensés autour du « luxe moderniste ». Jaguar nous parle de « réinvention », de renouer avec « les valeurs qui l’ont faite aimer » mais en étant « pertinente pour un public contemporain ». Là encore, le lexique coche pas mal de cases. La voiture de sport virile, ça fait trop boomer patriarcal, n’est-ce pas ?
Conséquence de cette réorientation, le prix ! Le tarif de base d’une nouvelle Jaguar devrait passer de 70.000 à environ 130.000 € tout en privilégiant une production à faibles volumes mais à forte marge. Le nombre de « points de vente » est appelé à drastiquement diminuer et le réseau actuel subsistera pour assurer le service après-vente et l’entretien des Jaguar actuelles et plus anciennes. En somme, Jaguar rend les armes face au premium allemand et préfère s’aventurer sur le segment tout aussi risqué où évoluent notamment le rival britannique Bentley . La marque elle-même estime qu’une infime partie de la clientèle Jaguar pourrait suivre. Alors même que le marché électrique patine et que les marques occidentales serrent les dents en Chine, ces choix radicaux seront-ils payants ? Le discours et l’identité visuelle communiqués vont bien plus penser à l’univers de la mode qu’à celui de l’automobile.