Un accident de moto, illustration
Un accident de moto, illustration
par Thibaut Emme

En finir avec le laxisme routier

La répétition des délits routiers graves commis récemment et qui ont fait la une des journaux oblige à se poser la question de la fermeté de la réponse face au délinquants de la route. Sont-ils assez punis par la justice et pourquoi y a-t-il autant de délits de fuite ou de refus d'obtempérer ?

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Une fois n'est pas coutume, délaissons le côté news, essais, industrie et techno automobile de notre site pour nous tourner vers un côté un peu plus édito. Vous l'avez sans doute remarqué, depuis le début de l'année, les médias mettent régulièrement en avant des refus d'obtempérer. Selon les chiffres de l'Etat, entre 2016 et 2023, on a dénombré "25 700 délits de refus d’obtempérer routiers en moyenne par an".

Un refus d'obtempérer toutes les 20 minutes en France

Si on compte bien, cela fait plus de 70 par jour, et environ 3 par heure en moyenne. Oui ! 1 refus d'obtempérer toutes les 20 minutes. Et ce sont les chiffres de l'Etat qui sont moyennés sur une période longue. En effet, en 2021, on a atteint les 27 300 refus sur l'année. Et ces refus d'obtempérer routiers se terminent souvent par un accident qui peut être corporel voire mortel. Selon les statistiques officielles, 20% des refus d'obtempérer routiers mettent directement en danger les forces de l'ordre ou autrui.

On a eu de funestes exemples récemment avec un gendarme de 54 ans, Eric Comyn, tué fin août 2024 par un chauffard qui a pris la fuite en percutant mortellement cet homme, visiblement de façon volontaire. Il y a moins d'une semaine, un policier municipal en région parisienne a été percuté et projeté violemment sur son véhicule. Encore récemment, un livreur, extérieur au refus d'obtempérer, a été tué par un chauffard. Etc. Etc.

Autant d'affaires qui mettent à jour un gros souci de réponse de la justice ? En cas de refus d'obtempérer, le conducteur coupable encourt de un à cinq ans de prison, 75.000 euros d'amende, ainsi que le retrait de son permis de conduire. Mais, ces peines ne sont réellement encourues que lorsque la mise en danger de la vie d'autrui est constituée. Et c'est souvent là que le bât blesse. En effet, on pourrait considérer que le simple fait de refuser un contrôle et de prendre la fuite à vive allure, en pleine conscience, suffirait à constituer une mise en danger de la vie d'autrui.

Trop rarement de la prison ferme effective

Mais non. Certaines affaires ont eu des peines prononcées bien légère eu égard aux risques pris et au danger immédiat encouru par des gens lambda qui se trouvaient sur le passage du chauffard (le délit de fuite est quasi exclusivement masculin NDLA). Encore récemment, un homme de 18 ans a pris la fuite et a roulé à 120 km/h en ville, percutant plusieurs véhicules avec des personnes au volant. Il a pris 3 ans en comparution immédiate, uniquement car il cumulait la conduite sans assurance avec un passé assorti de sursis.

Visiblement, quand on lit certains délibérés, on se demande si le "laxisme routier" ne tue pas comme l'a indiqué la veuve du gendarme Comyn. Selon les chiffres de la Chancellerie (donc officiels), en 2023, 17 684 condamnations ont été prononcées pour "refus d'un conducteur d'obtempérer à une sommation de s'arrêter". On pourrait se dire que 17 684 condamnations sur 25 700 délits par an, c'est déjà un "bon ratio". Cela ne fait "que" 68,9 % !

Mais, seulement 5 501 peines de prison ferme, totale ou partielle, ont été prononcées. Oui ! Cela ne fait que 21,4 % des refus d'obtempérer qui se terminent par une condamnation à de la prison ferme. Et attention, sur ces condamnations, la moyenne est de 8 mois de prison seulement. Dans la moitié des cas, il n'y aura pas de prison effective, et pour l'autre moitié, un mandat de dépôt immédiat et une libération "rapide". C'est la loi française qui prévoit tout un tas de remises de peine automatique et dans les faits, les peines de quelques mois sont rarement effectives. Elles se déroulent la plupart du temps sous bracelet électronique, à domicile. Ces peines sous bracelet sont comptabilisées comme de la prison ferme effective.

Le profil des délinquants qui font un refus d'obtempérer ou un délit de fuite est souvent le même : homme, plutôt jeune, qui n'est pas primo-délinquant, et qui a souvent autre chose à se reprocher comme du trafic de stupéfiants, une absence de permis, d'assurance, de l'alcool, etc. Ainsi, selon les chiffres, 97 % des contrevenants sont des hommes, et 75 % ont moins de 30 ans. Et ces gens sont prêts à tout pour échapper au contrôle et à l'arrestation, quitte à mettre en danger leurs passagers éventuels, les forces de l'ordre et autrui rencontré sur leur chemin.

Des forces de l'ordre qui doivent justifier de la force employée

Récemment, un père de famille a fait un refus d'obtempérer avant d'abandonner sa voiture avec ses enfants à bord ! Déjà, il décide de prendre la fuite quitte à mettre en danger sa progéniture, mais en prime il l'abandonne sans se retourner ? Fin août encore, un homme de 19 ans, sur un scooter volé, refusait de s'arrêter face à la police municipale de Montélimar. En fuyant, il a blessé au pied un policier. Arrêté, il avait 18 g de cocaïne et de l'argent liquide. 2 ans dont 1 avec sursis alors qu'il a délibérément mis en danger la vie d'autrui.

De l'autre côté, les forces de l'ordre sont de plus en plus contraintes dans leur réponse lors d'un refus d'obtempérer. Alors que la mise en danger est manifeste quasiment à chaque coup, ne serait-ce que par la fuite à grande vitesse, les FdO sont sous un contrôle renforcé et qui considère souvent que la force mise en oeuvre pour faire cesser le refus d'obtempérer est excessive. Sans compter le relai de certains médias qui considèrent déjà que poursuivre un fuyard constitue une faute de la police.

Il y a là aussi de nombreux exemples qui font réagir, forcément, comme un policier municipal en 2022 condamné à de la prison avec sursis, interdiction de port d'arme et interdiction d'exercer la profession de policier pendant 5 ans, pour avoir tiré dans les pneus d'une voiture qui forçait le passage. Lui estimait avoir été mis en danger par le fuyard. L'IGPN (la "police des polices") ne l'a pas entendu de cette oreille et a considéré qu'il n'y avait "aucun risque objectif"... Un blanc-seing pour la délinquance. Le fuyard était un homme de 17 ans, sans permis et donc sans assurance, sous stupéfiants. Lui a été condamné à six mois avec sursis quand le policier municipal a été licencié et voit sa vie entièrement bouleversée.

Des peines encourues minorées de tout temps

Bref, quand allons nous cesser ce laxisme routier ? Ce laxisme qui consiste à toujours minorer la faute des conducteurs qui prennent volontairement des risques, mettent en danger autrui, et ressortent avec des peines mineures ? Il y a les refus d'obtempérer, mais il y a aussi les délits de fuite (souvent pour les mêmes causes, drogue, alcool, trafic de stupéfiants, défaut de permis ou d'assurance, véhicule volé, etc.). Et c'est sans compter les très grands excès de vitesse en pleine ville ou les gens qui roulent alcoolisés et/ou sous l'empire des stupéfiants.

Depuis trop longtemps, l'automobiliste ou le motard voient leurs responsabilités minorées par les peines encourues et une justice qui se montre trop clémente. Le motard qui a provoqué l'accident mortel d'une petite fille sur un passage dit protégé, en faisant une roue arrière en pleine ville a trouvé sa défense : il n'a pas fait exprès et a été victime d'un coup de gaz intempestif. La justice le suivra-t-elle ? Combien de forces de l'ordre et de victimes innocentes devront être blessées ou mourir suite à un refus d'obtempérer ? Force doit rester à la loi pour un "vivre ensemble" apaisé (une société en somme). Si les délinquants savent qu'ils ne risquent pas grand-chose en prenant la poudre d'escampette, pourquoi s'arrêter aux injonctions de la police ou des gendarmes ? Et il en va de même avec la conduite sans permis, ou sans assurance, qui ne cesse d'augmenter faute de réponse sévère adaptée.

La loi française, considère ainsi qu'un accident mortel provoqué par un comportement délictuel, reste un homicide involontaire. La volonté de tuer autrui n'est pas caractérisée (sinon ce serait un meurtre ou un assassinat), mais la faute peut être volontaire tout de même. Et c'est là que réside une partie du problème des "accidents" routiers et de la violence (involontaire) de la justice envers les victimes ou les familles des victimes.

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Pour résumer

La délinquance de la route est souvent minimisée dans ses appellations et dans les peines encourues. Depuis quelques mois, il ne se passe pas une semaine sans un refus d'obtempérer qui blesse ou tue une personne des force de l'ordre ou des passants innocents. La réponse pénale est souvent faible, et ce sont les chiffres officiels qui le disent.

Quand mettrons-nous fin au laxisme routier ?

Thibaut Emme
Rédacteur
Thibaut Emme

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