Elle n'a jamais couru,ép.10 : Peugeot 905
par Nicolas Anderbegani

Elle n'a jamais couru,ép.10 : Peugeot 905 "Supercopter"

Le Groupe C n'a pas survécu à sa refonte radicale décidée par la FIA à la fin des années 80. Néanmoins, les ultimes prototypes de cette époque étaient ahurissants, comme cette Peugeot 905 très enragée.

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La fin d’une époque

Après des débuts laborieux, le pari de Peugeot en Endurance commence à porter ses fruits en 1991, avec l’introduction de la 905 Evo 1 « bis », qui domine la fin de la saison. Malheureusement, à son issue, Jaguar quitte le championnat, de même que Mercedes, qui prépare son arrivée en F1. Le rapport coût /retour sur investissement n’est plus tenable. Sous l’égide de la FIA, les sport-prototypes sont devenus des F1 « carénées », utilisant d’ailleurs des moteurs atmosphériques 3.5 L similaires, mais le championnat du monde d’Endurance n’offre pas la même exposition médiatique ni les mêmes retombées que la F1. Qui plus est, les anciennes générations de Groupe C, comme la Porsche 962 qui permettait à des équipes privées de remplir les grilles, sont désormais interdites et la disparition de la 2e division C2, qui pullulait de petits constructeurs artisanaux, rend le plateau famélique.

Cavalier seul de Peugeot…ou presque

La saison 1992 était déjà sur la sellette, mais la FIA maintient la compétition, sous la pression de Peugeot qui avait engagé de gros moyens et voulait poursuit l’aventure, avec les 24 heures du Mans comme objectif.  Toyota reste aussi dans la danse et dispose avec la TS010 d’une redoutable machine. A l'occasion d'essais privés à Monza, Andy Wallace bat avec le proto japonais la pole position signée par Ayrton Senna en F1 ! Mazda est certes encore là, mais plus sans son fameux moteur rotatif. La firme d'Hiroshima continue avec un bricolage marketing pas fameux, puisque le prototype MXR-01 est en fait une Jaguar XJR-14 modifiée…avec un V10 Judd !

En 1992, la 905 1 « bis » se balade. La première manche a été remportée par Toyota, uniquement parce que la 905 de Yannick Dalmas a été victime d’un souci de freins en fin de course. Par la suite, Peugeot enchaîne avec 5 victoires, dont celle des 24 heures du Mans. Les incertitudes pèsent de plus en plus sur un championnat déserté par les constructeurs, où seules 8 voitures s’affrontent. Porsche ne reviendra pas, car son moteur V12, qui a fait un bide retentissant en F1, a grevé ses finances. Nissan, également en difficulté économique, abandonne son projet P35. Peugeot poursuit néanmoins ses efforts car une grosse partie du budget a déjà été dépensée pour développer une nouvelle arme:  l’Evolution 2, prévue pour 1993, conçue par le directeur technique André de Cortanze et l’aérodynamicien Robert Choulet, qui officia chez Matra et Ligier.

Un avion, mieux…un hélicoptère !

Ce qui saute aux yeux sur ce prototype arachnéen, fruit d’un partenariat avec Dassault, c’est la partie avant. Ça ne ressemble pas à une F1 carénée, c'est une F1 carénée ! Rompant radicalement avec le style épuré des prototypes du début des années 90, la 905 Evo 2 arbore un physique torturé, déjà vu sur le prototype anglais Allard JXC-2. Le design est exclusivement orienté vers l’efficacité aéro, qui était le talon d’Achille de la première 905 : un nez surélevé, une énorme aile avant rattachée au nez et aux carénages des roues, lesquels sont réduits à l’extrême, les panneaux donnant l’illusion d’un capot fermé alors qu’ils ne faisaient que masquer les suspensions. Celles-ci ne sont plus « in board » et doivent faciliter les interventions. Les flancs de l’Evo 2 étant obstrués, l’air gobé par les ouvertures béantes est évacué vers le dessus des pontons et sous la voiture par des conduits venturi pour générer un effet de sol maximal.

A l’arrière, on retrouve les roues couvertes carénées, comme sur les Jaguar XJR, surmontées désormais d’une ailette servant à écouler l’air, un aileron plus haut, plus grand et un immense diffuseur arrière prenant toute la largeur de la 905. Le cockpit est plus bas et plus compact, avec 20 centimètres de moins en largeur. Sous le capot, c’est inchangé avec un V10 à 40 soupapes de 670 chevaux, propulsant les roues arrière via une boîte séquentielle à six vitesses désormais en position transversale. D’ailleurs, le bureau d’études avait lancé le développement d’une boîte semi-automatique type F1 ainsi qu’une suspension active.

L’ensemble était assez déroutant, et la presse française lui trouva un surnom : "Supercopter", comme le fameux hélicoptère de la série télévisée. Preuve s’il en est que cette 905 Evo II était en avance sur son temps, l’ingénieur Peter Elleray expliquera s’être inspirée d’elle pour la conception de la…Bentley EXP Speed 8, engagée à partir de 2001 aux 24 heures du Mans ! Quasiment dix ans d’avance. On retrouve aussi un léger air de famille avec la Toyota TS020, alias la « GT-One » de 1998. Normal, elle a le même géniteur, André de Cortanze !

Un potentiel énorme

L'Evo 2 ne fut alignée qu’une seule fois, lors des essais libres de la manche de Magny-Cours du championnat du monde de sport-prototypes, aux mains de Derek Warwick et Yannick Dalmas. Seulement, cette manche fut la toute dernière du championnat, car la FIA annonça dans la foulée l’annulation de la saison 1993, faute de concurrents. On ne saura jamais ce qu’elle aurait donné en performance, mais quand on sait que la 905 Evo 1 signa à Magny-Cours un chrono qui l'aurait placée en 6e position sur la grille du GP de France de F1, la « Supercopter » aurait peut-être atteint une nouvelle limite. En Juillet, à l’occasion d’essais sur le Paul Ricard, Jen-Pierre Jabouille réalise un chrono de 1’16’’18 sur une piste en partie détrempée, contre un temps de référence sur le sec de 1’15’’1 abattu par l’Evo 1 bis ! Dans un entretien donné à l’époque à la presse spécialisée, André de Cortanze ne semblait pas plaisanter en supposant que l’Evo II pouvait passer sous la barre des 3 minutes au Mans !

En 1993, Peugeot obtient un triplé historique aux 24 heures du Mans en utilisant une Evo 1 Bis éprouvée, légèrement améliorée avec des solutions testées sur l'Evo 2. Cette dernière, privée de compétition, sert alors de cobaye pour tester le V10 Peugeot prévu en F1. En effet, la même année, le lion conclut un accord historique avec McLaren pour entrer dans l’arène. Mais ceci est une autre histoire…

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Images : gurneyflap, wikimediacommons, Peugeot

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Pour résumer

Le Groupe C n'a pas survécu à sa refonte radicale décidée par la FIA à la fin des années 80. Néanmoins, les ultimes prototypes de cette époque étaient ahurissants, comme cette Peugeot 905 très enragée.

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