Pénurie de carburant, quel est le vrai risque ?
par Thibaut Emme

Pénurie de carburant, quel est le vrai risque ?

Plusieurs organisations syndicales, dont la CGT, ont appelé au blocage des raffineries pour provoquer une pénurie de carburant et ainsi peser dans les discussions sur la réforme des retraites. Quel est le vrai risque de pénurie pour les Français ?

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Plusieurs organisations syndicales, dont la CGT, ont appelé au blocage des raffineries pour provoquer une pénurie de carburant et ainsi peser dans les discussions sur la réforme des retraites. Quel est le vrai risque de pénurie pour les Français ?

Appels au blocage et à la grève dans les raffineries

Après une première tentative de blocage des dépôts par des entreprises du BTP en Bretagne, tentative avortée par les déblocages rapides, la CGT et d'autres centrales syndicales appellent à la grève dans les 7 raffineries françaises de Métropole. Cela touche directement la production de carburant en France et donc, la distribution.

Ces syndicats évoquent tout de go une pénurie de carburant et ont même appelé les Français à faire des réserves. Certaines stations ont été prises d'assaut et quelques unes ont été "mises à sec", au moins pour 24 heures. Mais de tels blocages peuvent-ils mener à une pénurie si rapide ? Pas si sûr.

L'enjeu des dépôts de carburant

Comment fonctionne la distribution de carburant en France ? Le pays s'approvisionne en pétrole pour alimenter sept des raffineries encore en activité en Métropole (La Mède a été transformée en bio-raffinerie et la 9e raffinerie est en Martinique NDLA). De ces 7 raffineries, le carburant produit part, via des pipelines, ou des camions, pour des dépôts répartis un peu partout en France.

Mais, du carburant est également directement importé de l'étranger, faute de raffinage suffisant sur notre territoire (il est moins cher d'importer du carburant déjà raffiné que de le raffiner chez nous NDLA). Il arrive via les ports de Saint Nazaire, d’Antifer (à Le Havre) et de Fos-Lavéra (à Marseille).

Ainsi, ce sont 200 dépôts environ qui stockent le carburant. De ces 200 dépôts, les carburants partent ensuite en camion vers les - environ - 11 000 stations-service, ou vers des dépôts plus petits. Mais, cette logistique des petits dépôts est de moins en moins vraie. Il y a plusieurs années, il y avait environ 300 dépôts principaux, dont certains avaient une portée plus locale. Depuis, on a tendance à concentrer les réserves dans des dépôts plus grands. Le maillage se distend.

Donc, ces dépôts deviennent de plus en plus stratégique dans la distribution du carburant. Ces 200 dépôts (+ ceux des raffineries) représentent normalement 3 mois de réserve de carburant. Pourquoi ? Car l’article D1336-47 du code de la défense oblige chaque pétrolier opérant sur notre sol à constituer et à conserver en stocks stratégiques 29,5 % des quantités de carburants qu’il met à la consommation chaque année. En clair, nous avons donc 90 jours de réserves dites stratégiques.

Mais, ces réserves sont prévues en cas de crise grave comme une guerre, ou un choc pétrolier. Elles peuvent toutefois servir localement pour débloquer une pénurie dans la distribution de carburant.

La pénurie de carburant provoquée et la fausse impression des cartes en ligne

Alors pourquoi, si on a autant de réserves, un blocage prévu de 96 heures, pourrait provoquer une pénurie de carburant ? En fait, principalement par excès de précaution de la part des Français. Dites leur qu'il risque d'y avoir une pénurie, et ils se ruent, tout normalement, à la pompe, "au cas où". Ainsi, la consommation normalement lissée se concentre en un pic, provoquant une rupture totale ou partielle sur certaines stations.

Outre les déclarations volontairement alarmistes des syndicats pour provoquer ces ruées, il y a les réseaux sociaux, les applications mobiles et les cartes mises en ligne. En effet, les réseaux sociaux ont un effet loupe, comme chaque média. Récemment, en Bretagne, certaines stations ont vu des hordes d'automobilistes arriver, même en pleine nuit, car une information avait été publiée sur Twitter, Facebook ou autre, qu'elles avaient encore du carburant.

Il y a donc aussi les cartes en ligne ou les applications mobiles. La plupart, dont la plus connue (application Essence & CO), sont participatives. Ce sont donc les internautes qui déclarent les pénuries, partielles ou totales de telle ou telle station. Mais, à l'inverse, très peu signalent les réapprovisionnements. On a donc des stations marquées "à sec" qui ne le sont pas ou plus.

Les créateurs de sites ou d'applications reconnaissent aussi que certains comptent déclarent des stations "à sec", alors qu'elles ne le sont pas. Volonté de créer une panique ? Quoi qu'il en soit, ces fausses informations accélèrent les ruées avec l'impression que l'on va "manquer".

Ne pas changer ses habitudes

Certains conducteurs jouent l'excès de prudence et remplissent tous les réservoirs qu'ils ont à leur disposition. L'UFIP (Union Française des industries pétrolières) estime que ces ruées et les "pleins par prudence" créent une demande multipliée par quatre, temporairement. Actuellement, une centaine de stations présentent des ruptures partielles sur certains carburants, mais sont rapidement réapprovisionnées. Une centaine sur 11 000. On est loin de la pénurie de carburant annoncée.

Surtout qu'il est possible de contourner les blocages en envoyant par pipeline dans un dépôt extérieur, et que l'on peut renforcer les importations par voie maritime. Pour les automobilistes, le plus simple et le plus juste est encore de consulter le site officiel du prix des carburants. Ici, ce sont les gérants des stations de carburant qui indiquent le prix de chaque carburant qu'il a à disposition (gazole/diesel, Super sans-plomb 98 ou SP98, SP95-E10, SP95 ou essence, GPLc, E85). Si pénurie il y a, pas de prix. Les déclarations sont faites chaque jour.

Evidemment, les professionnels des industries pétrolières recommandent de ne rien changer à nos habitudes de consommation pour ne pas alimenter les pénuries provoquées et l'emballement qui s'en suit.

Illustration : Total (une partie de la raffinerie de Normandie à Gonfreville-l'Orcher)

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Pour résumer

Plusieurs organisations syndicales, dont la CGT, ont appelé au blocage des raffineries pour provoquer une pénurie de carburant et ainsi peser dans les discussions sur la réforme des retraites. Quel est le vrai risque de pénurie pour les Français ?

Thibaut Emme
Rédacteur
Thibaut Emme

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