24H du Mans 2019 : Entrez en immersion chez Alpine ! 2/3
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par Alain Monnot

24H du Mans 2019 : Entrez en immersion chez Alpine ! 2/3

Après Philippe Sinault, le boss de l'écurie Signatech-Alpine-Matmut, place à Thomas Tribotté, l'ingénieur piste et David Vincent, le mécanicien en chef.

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Après les deux interviews de Thomas et de David, vous découvrirez l'histoire touchante et étonnante d'Alberto, stagiaire Mexicain chez Alpine pour le grand bonheur de son père.

Thomas Tribotté l’ingénieur piste

Vous verrez Alain, Thomas est une personne clé de notre équipe, je suis persuadé que vous apprécierez de découvrir sa totale implication pour porter l’équipe à la victoire.

Par ces mots, Philippe Sinault nous présente Thomas Tribotté ingénieur d’exploitation de l’Alpine N°36.

Implication totale

D'entrée de jeu, le cadre est posé, quand de prime abord, Thomas nous déclare être toujours à fond, mais particulièrement en plein rush à moins d’un mois du départ des 24 heures, alors qu’il précise malicieusement, que tout est fait depuis 1 an pour gagner le Mans 2019.

Thomas, natif du Mans, doit-on en déduire que vous avez attrapé le virus des 24 heures tout jeune ?

« Oui, tout à fait, et depuis que j’ai 7 ans, je voulais être pilote, puis ingénieur. Entre un beau-père dans le karting, un père qui m’emmène à 12 ans au Mondial de l’Auto et une famille – à 7 ans – aux 24 heures du Mans après l’envie, tout gamin, de devenir pilote, le métier d’ingénieur de course est devenu une certitude »

Quelle est votre formation ?

« J’ai obtenu mon d’ingénieur à l’ESTACA (Ecole Supérieure des Techniques Aéronautiques et de Construction Automobile)».

Excellente école n’est-ce pas ?

« Oui, c’est une bonne école que je suis content d’avoir suivie et que j’encourage à poursuivre dans cette voie de l’excellence, en prenant des stagiaires. »

Pour une course de 24 heures en tant qu’ingénieur de piste, comment fait-on pour gérer fatigue, stress ? Comment se prépare-ton ?

« Bien évidemment il faut gérer le côté fatigue. Pour ma part, je fais une préparation sportive pour tenir 24 heures, sûrement plus mentale que physique, d’ailleurs. En termes de stress, c’est énorme mais paradoxalement, une fois que c’est parti, ça déroule et c’est tellement long que l’on oublie le temps. On sait qu’il va s’en passer de toute sorte et en fait, c’est un stress, qui s’oublie au final, par la précision et la focalisation de notre travail. »

En cas d’incident, vous êtes le seul lien avec le pilote par la radio?

« Certes, je suis le seul lien mais je ne suis pas le seul décisionnaire. Nous avons entre nous avons établi beaucoup de process pour la radio afin de ne pas occuper le réseau trop longtemps. Nous utilisons plein de petits mots, très significatifs. Avec cela, je sais très bien comment va le pilote ou pas. Quand surviennent des imprévus, on a en moyenne 40 secondes pour réagir. Alors là, entrent en jeu le calcul et la préparation que l’on a faite en amont, ensuite l’expérience et enfin -il y a beaucoup de moi là-dedans- la décision, qui est quasiment instinctive. »

Comme ingénieur de piste vous en êtes à combien de participations ?

« En tant qu’ingénieur de piste, ce sera la troisième fois. Avant j’étais stratégiste. C’était en 2016, où nous avions deux voitures et nous avons gagné. Ensuite, comme ingénieur de piste en 2017 nous avons terminé troisièmes et l’an dernier, quand nous avons gagné, également. »

Pouvez-vous nous préciser quelle place vous tenez dans le briefing ?

« Il faut bien savoir que c’est David Vincent, qui gère le briefing des mécaniciens. Pour ma part, je gère les briefings avec les pilotes, sans aucune autre interférence. Ensuite, avant la course par radio j’explique à tout le team ce que l’on a prévu pour la course : pneus, régalages, interventions. Sur mon casque radio, en appuyant sur le bouton noir j’informe toute l’équipe (sauf les pilotes) par exemple en disant la voiture est partie, pour tant de tours… Puis, quand j’appuie sur le bouton rouge, j’entre en conversation avec le pilote mais cette fois, toute l’équipe entend. »

Comment dans une course comme au Mans qu’est-ce qui vous sert pour anticiper telle ou telle décision ?

«D'abord chaque circuit a sa spécificité, par exemple au Mans avec beaucoup de ligne droite, il faut travailler sur la vitesse maximale. Ensuite, la météo joue beaucoup et enfin, les faits de course doivent pouvoir être intégrés dans une démarche de pensée particulière. Pour ma part, je pense la course à l’endroit, en même temps je pense la course à l’envers et simultanément je pense la course à l’instant présent. En fait, je me dis toujours s’il se passe cela qu’est-ce que je ferai. Je peux vous assurer que cette question je me la pose à chaque tour. Quand la voiture passe je me dis OK, dans le tour à venir s’il se passe ça, on fera ça. En fait, nous avons tellement d’infos à gérer avec 16 écrans qu’il faut bien appliquer une méthode. Les personnes en charge du suivi de ces écrans me parlent régulièrement et c’est à moi d’intégrer au mieux l’ensemble des infos et de faire les bons choix, partagés avec ceux de Philippe, bien évidemment. »

Qu’est-ce que la journée test vous apporte vraiment ?

« Pour moi c’est hyper important car c’est la direction de la préparation, où l’on va emmener la voiture et les pilotes. »

Lors des essais, ceux de nuit sont importants ?

« Oui, tout à fait. Là, il y a un côté totalement humain qui entre en jeu. Avec ces essais de nuit, je sais quel pilote est plus ou moins à l’aise et j’intègre dans ma stratégie le sommeil des pilotes, comme paramètre important. »

A chaque relais consacrez-vous beaucoup de temps au débriefing avec le pilote ?

« Quand le pilote descend on parle 2 ou 3 minutes -pas plus- car dans le dernier tour du relais, on s’est parlé à la radio. »

Vous semblez passionné pendant la course, éprouvez-vous des moments de plaisir, en dehors de la victoire bien sûr ?

« Oui, j’ai des moments d’intensité pure. Quand par exemple à Sebring le pilote en course lâche à la radio ‘car is beautiful Tom’, le plaisir est immense et décuple encore -s’il en était besoin- la motivation mais à coup sûr, la concentration et l’anticipation. Revenons au Mans. Pourquoi cette course fait rêver tout le monde ? C’est qu’on a tout prévu, tout est prêt mais il se passe toujours des choses improbables et souvent aussi humaines que techniques. En ce sens le Mans est magique. Plus on est préparé, alors moins on est en stress, plus l’équipe est forte et alors souvent, c’est celle qui gagne les 24 heures. »

L’équation improbable du Mans

Au-delà de cette première rencontre nous avons appris à découvrir -à travers les propos de Thomas- l’équation technique qu’une course aussi particulière que celle du Mans, imposait. Si l’on voulait la résumer de manière chiffrée et un peu caricaturale nous oserions écrire : comment faire rouler une auto pesant 930 kilos à sec et disposant d’un moteur développant 604 chevaux, pour qu’elle puisse atteindre la vitesse de 345 kilomètres/heure, et tenir 24 heures avec un nombre de pneumatiques limité à 56 en course, tout en s’arrêtant tous les 10 tours pour ravitailler.

Ajoutons à cela, que si l’auto doit rouler vite et en plus, longtemps, il faut aussi que ses réglages plaisent aux trois pilotes. Dans cette perspective, sont forcément retenus ceux qui conviennent au moins performant des trois. L’alchimie, en fait, consiste -si nous avons bien compris- à savoir faire « marcher » les pneus, pour qu’ils opèrent toujours dans une fourchette de température comprise entre 80 et 110 degrés. Comme le dit Thomas, le pouvoir de l’air sur les questions d’aérodynamisme c’est assez dingue ! Encore faut-il savoir le maîtriser. En fait, tout cela est optimisé par simulation sur ordinateur avant la course, puis contrôlé tant en essai qu’en course, comme une foultitude d’autres paramètres de roulage, par presque une dizaine de boîtiers électroniques.

David Vincent le mécanicien en chef

Pour mieux comprendre le fonctionnement de l’équipe Alpine-Signatech, il fallait un peu plus loin. A ce propos, nous rencontrons David Vincent. Depuis un peu plus de 20 ans il travaille avec Philippe Sinault et s’occupe du programme Endurance, depuis son lancement en 2009.

En quelques mots comment présenteriez-vous la préparation des 24 heures du Mans ?

« Anticipation, angoisse, stress, remise en question, organisation, sérieux. »

Au départ de la course considérez-vous que les dés sont lancés, que vous n’êtes plus aux manettes ?

« Oui, sur les courses de 6 heures c’est presque complètement vrai. Pourtant, dans les courses d’endurance on a un rôle participatif jusqu'à l'arrivée. On peut faire la différence avec les hommes, par exemple par l’organisation dans les stands mais aussi par la fiabilité de la voiture, tout simplement. Pour une course de 24 heures la fiabilité devient alors le critère essentiel. Dans toutes nos réflexions on pense toujours fiabilité en N°1 et performance en N°2. En effet, ça ne sert à rien d’être performant si on n’arrive pas… Quand la voiture part on n’a plus grand-chose à faire. On s’est préparé à toute éventualité. On sait que sur 24 heures tout le monde connaîtra des problèmes. Ceux qui en auront le moins tireront leur épingle du jeu mais surtout ceux, qui arriveront le mieux à les gérer. Pour cela, il faut avoir tout préparé, avoir tout en secours et être prêt à faire face à toute éventualité. C’est là que c’est intéressant, avec la notion de rapidité d’intervention également. »

Pendant la course des 24 heures, votre boulot c’est quoi ?

« C’est être en surveillance avec les ingés, écouter ce qui se passe, être capable de leur répondre en cas de moindre doute. L’ingénieur de piste est en relation permanente avec le pilote. Il décide de quel pilote monte à quel moment, de ce que l’on fait sur la voiture quand elle va s’arrêter. Du coup, il me tient en permanence, en live, au courant de ce qui va se passer, en fonction de ce qu’il imagine. Je m’accorde avec les mécaniciens sur ce qui doit être fait sur la voiture et sur le qui fait quoi et surtout, comment on va le faire pour passer le moins de temps sur la voiture. Parfois, il peut y avoir des inquiétudes sur la voiture. Par exemple il y a un petit problème de pression d’huile, qu’est ce qui se passe, on essaie alors d’anticiper sur les causes possibles et les remèdes à apporter. »

Quelle est votre formation ?

« Mécanique générale et construction industrielle. On travaille sur des prototypes et la mécanique générale est plus utile que la mécanique automobile pour comprendre les montages mécaniques avec les interactions des différents sous-ensembles et le châssis. »

A votre avis la réussite assez extraordinaire de cette équipe Alpine Signatech, ça tient à quoi ?

« Ce sont les hommes avant tout, qui sont investis depuis plusieurs années et savent travailler ensemble. La complicité entre ces gens-là et l’envie de bien faire comptent énormément dans l’affaire. Puis aussi, il faut bien le dire, un patron qui donne envie de se lever le matin et de se déchirer pour lui. »

Philipe Sinault nous avait présenté David Vincent par ces mots : « David c’est en quelque sorte le gardien du temple, il manage l’ensemble de l’équipe technique. »

Derrière ces mots on mesure sans doute encore assez mal l’ampleur de la tâche, qui met en interaction toute l’entreprise. Toute course, comme chaque essai donnent lieu à un débriefing entre les ingénieurs, les mécaniciens, les pilotes. A partir de là, on visera une optimisation que David synthétisera en termes : techniques, humains, organisationnels voire en process.

Les questions d’approvisionnement pour les courses s’avèrent tout aussi importantes que la dévolution des rôles de chacun, ainsi tout est écrit. Aussi bien le stock d’écrous, de fils, de colle que les dates de de départ de l’usine, le plan de l’installation (très particulière au Mans), l’affectation de chaque personnel, le lieu où l’on dort, les horaires dévolus à chacun…. Autant de questions voire de problèmes que nous aborderons durant la semaine de course et que nous avons déjà appréhendé en partie lors de la journée test.

Alberto, ou la passion mexicaine

Chacun s’accorde à penser que la renaissance d’Alpine est d’autant plus réussie qu’elle s’adresse à la passion que cette marque a su faire naître à partir de 1955, quand Jean Rédelé la créa. Passion, qui ne cessa par la suite de parler au cœur des sportifs avec ce brillant titre de champion du monde des rallyes obtenu en 1973 sous nos yeux en Corse, avec ce triplé mythique réalisé par Jean-Pierre Nicolas, Jean-François Piot et Jean-Luc Thérier.

Cette auréole sportive se propageant à travers le monde, un passionné mexicain amoureux des voitures sportives débarque un jour à Dieppe pour voir de près ce que peuvent bien être ces Alpine, qui le font rêver. Il s’y fera embaucher quelque temps. De retour au Mexique devenu collectionneur et réussissant bien dans les affaires, il ne perd pas de vue le nouveau départ d’Alpine en compétition.

En 2017, lors de la course WEC à Mexico, il s’arrange pour rencontrer l’équipe Signatech-Alpine. Le partage d’une passion commune est total et se concrétise quelques mois plus tard par la présence d’Alberto, fils de l’ex employé Alpine, que nous retrouvons avec le sourire comme manutentionnaire aux pneumatiques de cette Alpine N° 36. 42 ans après, le papa suivra intensément la course des 24 heures sur place, invité chez Alpine. Alberto aura belles histoires à raconter après ce stage au sein de cette écurie Alpine, depuis le mois d’avril.

3 autres ingés derrière les écrans

En effet, dans un petit réduit installé dans un coin du stand dévolu à l’Alpine, on découvre, outre la batterie imposante d’écrans, également des hommes, discrets et concentrés. Paul ingénieur ‘Perfo’ s’occupe de la gestion des données. Aurélien ingénieur systémiste surveille tout ce qui concerne l’électricité et l’électronique de l’Alpine. Alors qu’Olivier est responsable de la stratégie de course avec un suivi des autres concurrents, très pointu.

En fait, tout ce petit monde très concentré sur sa mission « mouline » des tas d’informations au profit de Thomas, qui en permanence, comme il nous l’a dit, ajuste son plan d’action que David doit être en mesure de faire réaliser sans faute par les mécaniciens et les responsables des pneus.

On voit bien que chez Signatech-Alpine-Matmut la complémentarité et la synergie d’action sont totalement intégrées dans la conduite de la course, que Philippe Sinault orchestre magistralement en faisant une confiance totale à ses fidèles collaborateurs. Pour éviter d’avoir à trop se marcher sur les pieds durant la course avec les divers ravitaillements ou interventions, toutes les fonctions sont parfaitement définies et affectées (organigramme), gage d’une efficacité maximale.

Alain Monnot texte et photos

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Pour résumer

Après Philippe Sinault, le boss de l'écurie Signatech-Alpine-Matmut, place à Thomas Tribotté, l'ingénieur piste et David Vincent, le mécanicien en chef.

Alain Monnot
Rédacteur
Alain Monnot

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