Carlos Ghosn :
par Thibaut Emme

Carlos Ghosn : "Seul face à une armée"

à venir au parloir pour l'interviewer ? En fait, Carlos Ghosn n'est plus en garde à vue. Il est désormais en détention provisoire en attendant son procès. Cela change tout car, durant la garde à vue, seuls ses avocats et le personnel consulaire de la France, du Brésil et du Liban avaient pu obtenir des autorisations de le voir.

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Après Nikkei, c'est au tour des medias Français d'avoir eu accès à Carlos Ghosn au parloir de la prison de Kosuge à Tokyo. L'AFP et Les Echos en rapportent les principaux extraits.Qu'est-ce qui a changé dans la détention de Carlos Ghosn pour que désormais les médias soient autorisés à venir au parloir pour l'interviewer ? En fait, Carlos Ghosn n'est plus en garde à vue. Il est désormais en détention provisoire en attendant son procès. Cela change tout car, durant la garde à vue, seuls ses avocats et le personnel consulaire de la France, du Brésil et du Liban avaient pu obtenir des autorisations de le voir.

Désormais, c'est plus "souple". On a donc droit à ses déclarations qui ne font pas dans la dentelle.

Horreurs

Comme hier dans l'interview du Nikkei, Ghosn charge "certains" chez Nissan qui tordent la réalité et n'hésitent pas à l'enfoncer pour sauver leur peau.

"Le 19 novembre, je suis arrêté et, depuis, je suis soumis à des conditions très sévères face à une armée de gens qui ne cessent de me jeter des horreurs à la tête. Il y a non seulement des allégations des procureurs, mais également celles de Nissan. Ils prennent beaucoup de faits hors de leur contexte, c'est une distorsion de la réalité pour détruire ma réputation.

Chez Nissan, il y a beaucoup de gens dont le rôle est discutable, étrange. C'est très surprenant, alors qu'on me refuse tout droit de me défendre. Je parle d'équité. J'aime le Japon, j'aime Nissan, j'ai consacré tant d'années à relancer l'entreprise, à la reconstruire, à la transformer. Je n'ai rien contre la compagnie."

Comment puis-je me défendre?

Continuant sur sa lancée du "rouleau compresseur" conduit à la fois par les procureurs et par des gens de chez Nissan, Carlos Ghosn fait l'amer constat de la justice nippone. Pour quelqu'un qui connait bien le Japon, cela pourrait relever d'une certaine candeur.

"Je suis concentré, je veux me battre pour rétablir ma réputation et me défendre contre de fausses accusations. On m'a refusé la libération sous caution, ça n'arriverait dans aucune autre démocratie. J'ai fait tout ce que je pouvais pour montrer que je n'allais pas m'enfuir et pour les rassurer sur le fait que je ne détruirai aucune preuve.

J'ai face à moi une armée chez Nissan, des centaines de personnes se consacrent à cette affaire, 70 au bureau du procureur et je suis en prison depuis plus de 70 jours. Je n'ai pas de téléphone, pas d'ordinateur, mais comment puis-je me défendre ?"

Soif d'air frais

"Ne sous-estimons pas les conditions dans lesquelles je suis. Quand je dors la nuit, j'ai une lumière en permanence. Je n'ai pas de montre, plus la notion du temps. Je n'ai que 30 minutes (par jour) pour aller dehors sur le toit, j'ai une soif d'air frais. Oui je suis fort mais, évidemment, je suis fatigué.

La chose la plus dure est que je ne peux pas parler à ma famille. Depuis le 19 novembre, je n'ai même pas pu appeler ma femme Carole, ni mes enfants. Ma fille aînée a eu 29 ans et je n'ai même pas pu lui souhaiter un joyeux anniversaire. C'est la première fois que ça arrive. C'est très difficile. Pourquoi suis-je puni avant d'être reconnu coupable ? De toute évidence, je suis extrêmement défavorisé."

Affaire de trahison

Depuis le début, la théorie de la trahison interne et du complot existe. Il est vrai que la volonté de l'ancien numéro un de l'Alliance était de rendre "indétricotable" celle-ci et que certains chez Nissan ne voulait pas d'une quasi-fusion entre les constructeurs. Carlos Ghosn semble indiquer que Saikawa était le principal opposant à ce rapprochement. Est-ce une façon de l'accuser sans réellement le nommer ?

"Est-ce un complot, un piège ? Il n'y a aucun doute là-dessus. C'est une affaire de trahison. Et il a plusieurs raisons pour cela. Il y avait beaucoup d'opposition et d'anxiété sur le projet d'intégrer les compagnies (Nissan, Renault, Mitsubishi Motors). J'avais dit à Hiroto Saikawa (patron de Nissan): si je faisais un autre mandat (à la tête de l'alliance), nous allions devoir travailler beaucoup plus sur l'intégration.

Nous en avons beaucoup parlé au début de l'année (2018), puis les discussions ont ralenti entre juillet et septembre, avant de reprendre. L'objectif était clair et il y avait des résistances dès le début, mais quelles sont les options pour assurer la stabilité de l'alliance ?"

Le déclin de Nissan

Saikawa en prend encore pour son grade quand Ghosn évoque ses plans pour la fusion Renault-Nissan-Mitsubishi. On comprend que le patron de Nissan était sur un siège éjectable. De là à dire que c'est lui qui a lancé la trahison. Là encore, Ghosn ne le dit pas ouvertement, mais presque.

"Le scénario consistait à créer une société holding qui contrôlerait les trois entités (Nissan, Renault, Mitsubishi Motors) et détiendrait toutes les actions, tout en préservant l'autonomie de chaque groupe. Mais (ce schéma) devait reposer sur des performances fortes et solides de chaque entreprise. Or, les performances de Nissan ont diminué au cours des deux dernières années. Quand vous regardez la tendance de Renault, quand vous regardez la tendance de Mitsubishi, quand vous regardez la tendance de Nissan, vous voyez qu'il y a un problème. Je ne m'y attendais pas, mais cela a conduit à la trahison actuelle."

(Avait-il prévu de limoger M. Saikawa?) "Ce n'est pas une question de personne, mais quand la performance d'une entreprise baisse, aucun PDG n'est immunisé contre un limogeage. Personne ne peut y échapper. C'est la règle dans toute entreprise. Il n'y a aucune exception."

"Fier" de Renault

Carlos Ghosn revient également sur sa démission du poste de Président du Conseil d'Administration du Groupe Renault.

"Il n'était pas possible de maintenir Renault dans une situation de gouvernance temporaire. Alors, quand j'ai appris que ma demande de liberté sous caution était refusée, j'ai décidé de démissionner, mais j'aurais voulu avoir la possibilité de me présenter devant le conseil d'administration de Renault".

Et quitte à parler de Renault et de l'Alliance, autant parler du bilan 2018. Outre les ventes mondiales en hausse et une place de numéro un mondial (en ne tenant compte que des voitures et véhicules utilitaires légers NDLA), Carlos Ghosn annonce des résultats financiers "remarquables". Une façon de montrer qu'il a été un bon patron pour l'Alliance et que les traîtres l'ont sans doute "sacrifié" pour garder leur poste et leur pouvoir.

"Je suis fier d'avoir dirigé la société de 2005 à 2018 pour l'aider à se transformer (en un groupe si fort) en termes de croissance, de rentabilité, de qualité des produits et de technologies. Les résultats financiers de Renault (pour l'an dernier) vont être remarquables."

Carlos Ghosn pourrait rester en prison jusqu'à son procès. Ce dernier n'aura sans doute pas lieu avant des mois selon ses avocats. De quoi largement pouvoir se défendre par voie de presse et "balancer" sur les traîtres au sein de Nissan. Même en prison et fatigué, Carlos Ghosn mord encore. Pour rappel, il risque jusqu'à 15 ans de prison.

Avec AFP

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Pour résumer

à venir au parloir pour l'interviewer ? En fait, Carlos Ghosn n'est plus en garde à vue. Il est désormais en détention provisoire en attendant son procès. Cela change tout car, durant la garde à vue, seuls ses avocats et le personnel consulaire de la France, du Brésil et du Liban avaient pu obtenir des autorisations de le voir.

Thibaut Emme
Rédacteur
Thibaut Emme

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