25 ans déjà: Alfa Romeo terrassait les allemands en DTM
par Nicolas Anderbegani

25 ans déjà: Alfa Romeo terrassait les allemands en DTM

L’Alfa Romeo 155 V6 Ti est sans nul doute l’une des voitures de course les plus incroyables de la fin du XXe siècle. Une voiture fascinante, envoûtante même, de celles qui vous font aimer le sport automobile. Une madeleine de Proust sur 4 roues.

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Alfa Romeo Delta ou Lancia 155 ?

Les origines remontent à la fin des années 80, en raison de la réorganisation du groupe FIAT : en 1986, Fiat rachète Alfa Romeo à Finmeccanica et rattache le Biscione à Lancia, pour former l’entité Alfa-Lancia Industriale Spa. Dans un but de rationalisation industrielle, les marques sont amenées à partager plateformes et moteurs. La 164 par exemple partage le châssis des Fiat Croma et Lancia Thema. Il en est de même avec la 155 lancée en 1992 et qui doit remplacer la vieillissante 75. Ce modèle présente un design assez baroque, tout en lignes anguleuses, qui est signé par l’institut d’Ercole Spada, qui a notamment travaillé chez Zagato. Agressif et affichant un très bon cx, le design se démarque par un avant acéré et plongeant, en opposition à un arrière proéminent et haut.

C’est surtout au niveau technique que les puristes crient au scandale : la 155 rompt la tradition maison des berlines milieu de gamme avec le choix d’une architecture de traction avant, délaissant la traditionnelle propulsion arrière et des suspensions à roues indépendantes sur le train arrière. Les trains roulants sont empruntés à la Fiat Tipo et partagés avec la Lancia Dedra et la Delta de 2e génération. Un mélange des genres qui fait craindre aux puristes une perte d’identité des marques. Si la version V6 est toujours issue de la fameuse lignée des moteurs Busso, la version ultra sportive Q4 reprend la mécanique et la transmission, à quelques réglages près, de la Lancia Delta HF intégrale.

De la GTA à la V6 Ti

Comme pour la production industrielle, la département compétition profite des synergies avec Lancia.  Le désengagement de Lancia sur les pistes du championnat du monde se répercute sur le renouveau en compétition d’Alfa Romeo. Depuis 1991, le programme Delta étant délaissé, les talents de Lancia Corse et d’Abarth sont réaffectés à Alfa Romeo, qui n’avait pas particulièrement brillé avec la 75 Turbo. A l’origine, Alfa devait s’engager en Groupe C et un prototype, la SE 048SP, fut développé, avec la motorisation du projet mort-né 164 Procar. La politique du groupe décida finalement d’abandonner le projet Endurance et de s’investir dans le supertourisme.

La 155 est déclinée en version GTA de compétition dès 1992, avec traction intégrale et un moteur turbo 2 litres de 400 chevaux. Comme les disent volontiers leurs concepteurs, « toute la mécanique de la Delta s’est retrouvée dans une coque de 155 GTA ». Elle s’adjuge le championnat italien de Supertourisme la même année avec Nicola Larini. La version route, la Stradale, restera par contre à l’état de prototype. Mais Alfa voit plus grand.

Le DTM (Deutsche Tourenwagen Meisterschaft) avait été développé par et pour les constructeurs allemands, qui se partageaient la plupart des lauriers depuis son inauguration en 1984. La nouvelle catégorie « classe 1 », introduite par la FIA pour 1993, est alors adoptée par le championnat allemand. Les spécifications du moteur sont contraintes (moteur dérivé de la série, architecture V6 et cylindrée de 2,5 litres) mais le règlement donne une marge de manœuvre importante aux ingénieurs sur le reste. Les aides électroniques, comme en F1, sont autorisées ainsi que le système 4 roues motrices. Les voitures de supertourisme se muent encore en véritables prototypes. Alors que BMW et Audi ont quitté le DTM avec perte et fracas fin 1992 pour s’orienter vers la classe 2 (Super Touring), Alfa Romeo est accueilli à bras ouverts par le championnat allemand, qui va s’internationaliser et prendre de l’ampleur, jusqu’à son apogée de l’ITC 1996.

Orienté dans le sens longitudinal pour optimiser le choix de la traction intégrale, le V6 à 60° de la 155 DTM, dérivé du V6 Busso de série, ne fait que 110 kilos. Il délivre en hurlant ses 420 chevaux pour 11800 tours/minute, le tout couplé à une boîte séquentielle à 6 rapports. Avec sa carrosserie en fibre de carbone, la voiture dépasse à peine la tonne. En comparaison, Mercedes aligne toujours des 190E avec un 4 cylindres de 380 chevaux.  Pour la 1ère manche à Zolder, sous la pluie, c’est une douche froide pour les Allemands et surtout Mercedes : l’Alfa 155 domine outrageusement et le choix de la traction intégrale s’avère redoutable. Nicola Larini (Alfa Corse) gagne la manche 1 devant Danner (équipe Schübert Alfa) et dans la manche 2, c’est un triplé Larini-Danner-Nannini ! Tout au long de la saison, la 155 poursuit sa domination et remporte 12 des 20 manches, même si Mercedes ne s’en laisse pas compter avec une 190 Evolution moins puissante mais plus légère et agile. Larini triomphe et remporte haut la main le titre, Alfa s’adjuge le championnat constructeur.

La contre-offensive allemande

La 155 se distinguera encore en 1994 mais la concurrence, cueillie à froid, revient férocement. Quand le championnat devient presque mondial à partir de 1995, Mercedes réplique avec la Classe C V6 et Opel débarque avec le coupé Calibra V6 4x4. En 1996, l’ITC est officiellement en place. C’est l’apogée de ce championnat démesuré, avec des courses partout en Europe ainsi qu’au Japon et au Brésil. Sur la piste, les stars du DTM (Schneider, Ludwig, Thiim) côtoient des vétérans de la F1 (Modena, Tarquini, Lehto, Nannini) et des jeunes loups (Jan Magnussen, Fisichella, etc.). Les voitures sont de véritables prototypes déguisés, les coûts s’envolent.

Alfa fait évoluer son monstre avec un nouveau V6 orienté à 90°, un angle jugé plus efficace au niveau de l’induction pour les motoristes. Problème : le moteur doit être issu de la série et le seul moteur à 90° produit en quantité chez Alfa Romeo était celui de la…Montréal !  Le V8 de la Montréal fut ainsi homologué en version V6 mais uniquement pour servir de « paravent » et sauver l’honneur, car Alfa se basa en réalité sur le V6 de la Lancia Thema (voiture qui partageait sa base avec l’Alfa 164), qui n’était autre que le fameux… V6 PRV !

Pour des raisons évidentes de marketing, il aurait été peu glorieux d’admettre les origines étrangères du moteur de la V6 Ti. La puissance monte à 490 chevaux mais ne suffit pas à battre des allemandes plus affutées, le développement de la 155 étant stoppé. Sergio Limone révéla aussi que Mercedes avait été plus malin pour interpréter à son avantage les « vides » de la règlementation et que la traduction en anglais du règlement, utilisée par les ingénieurs d’Alfa Corse, n’était pas exactement conforme à l’original en Allemand…

Aujourd’hui encore, la 155 V6 Ti détient le record de victoires en DTM (38). On peut toujours en admirer dans des courses de côte en Italie.

Et pour le plaisir des oreilles, je vous recommande ces essais réalisés par Davide Cironi.

sources : dtm.com, fcaheritage.com, davide cironi drive experience

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Pour résumer

L’Alfa Romeo 155 V6 Ti est sans nul doute l’une des voitures de course les plus incroyables de la fin du XXe siècle. Une voiture fascinante, envoûtante même, de celles qui vous font aimer le sport automobile. Une madeleine de Proust sur 4 roues.

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