Rallye de Monte Carlo : savoir s’adapter aux éléments
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Rallye de Monte Carlo : savoir s’adapter aux éléments
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par Alain Monnot

Rallye de Monte Carlo : savoir s’adapter aux éléments

Il en va du rallye de Monte Carlo comme des vins des grands crus, on en retient les grands millésimes, qui entretiennent le mythe.

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Effectivement, 2018 restera gravé dans les mémoires des pilotes mais aussi des spectateurs, qui comme nous, ont pu braver les éléments atmosphériques et les difficultés d’accès-grâce aux rotations d’hélicoptères mis en place par Toyota France pour nous acheminer en bordure des spéciales N°4-6-7-10 et 11.

En fait, c’est dans la spéciale N° 9 du samedi matin que les dés de la course ont sans doute vraiment roulé sur un parcours (29,16 km), où le duel amorcé dès le début de course  entre Ogier (Ford) et Tänak (Toyota), vit, le très expérimenté champion du monde, marquer son avantage sur l’Estonien. Pourtant le Gapençais Ogier avouait en quelque sorte en avoir bavé en déclarant : « C’était l’une des pires spéciales de ma vie. Il y avait beaucoup de soupe, j’ai vu beaucoup de traces et une Hyundai sur le côté. »

Tänak répliquait dans la spéciale suivante, un peu moins piégeuse, certes mais tout à fait délicate à négocier sur le 16 kilomètres entre Saint Léger les Mélèzes et La Bâtie Neuve.

A l’issue il déclarait : « C’était beaucoup mieux dans celle-ci. Il y a un petit souci avec les amortisseurs, ils sont durs d’un coup. Nous devons regarder ça à l’assistance. »

A cette assistance Toyota nous avons pu nous y rendre par deux fois mais, avant de découvrir cette magistrale organisation, nous nous devons d’éclairer nos lecteurs sur la question des pneumatiques, cruciale, on le voit bien, au Monte Carlo.

La clé du rallye : les choix des pneus

Précisons d’entrée de jeu que les quatre constructeurs : Citroën, Ford, Hyundai et Toyota sont tous logés à la même enseigne, c’est le cas de le dire, puisque c’est Michelin le fournisseur officiel du WRC.

La quantité de pneus disponibles par pilote est limitée par le règlement. Il y a d’une part le nombre global de pneus mis à disposition,  et d’une autre le nombre d’enveloppes que les pilotes auront le droit d’utiliser dans cette dotation.

Au Monte-Carlo, ces chiffres sont plus élevés que pour les autres rallyes, compte tenu de la typologie des lieux. Le nombre total de pneumatiques mis à disposition de chaque pilote WRC au Rallye Monte-Carlo 2018 se compose de 80 pneus :

- 20 MICHELIN Pilot Sport S6 (soft)

- 24 MICHELIN Pilot Sport SS6 (super soft)

- 12 MICHELIN Pilot Alpin A41

- 24 MICHELIN Pilot Alpin A41 CL (cloutés)

Parmi cette dotation, chaque pilote aura le droit d’utiliser au maximum 39 pneus au choix pour toute la durée du rallye, plus 4 pour le shakedown.

Pour comprendre les difficultés éprouvées par les pilotes sur des surfaces aussi variables que celles rencontrées le samedi (neige, plaques de glace, glace fondante, mouillé ...) il faut savoir que les pneus aux dimensions imposées par la FIA, sont d’une largeur trop importante pour que les pilotes soient à l’aise dans ces conditions.

Ainsi,  l’on a assisté à des choix particulièrement bizarres aux yeux d’un automobiliste normal. Au départ du parc d’assistance certains équipages ont 4 super soft et 2 cloutés, d’autres 4 neige et deux cloutés. D'autres, de manière plus étonnante sont chaussés de 4 neige et embarquent un clouté. On se demande comment les choses peuvent ainsi fonctionner, avec éventuellement avec une seule roue cloutée ou deux roues cloutées, montées en diagonale.

L’explication nous est en partie fournie par un technicien Michelin dédié à une équipe officielle.

« Vous devez savoir qu’en hiver nous procédons à des essais avec le team auquel nous sommes attachés. Cela nous apporte un certain nombre de références. En course, des techniciens  effectuent  des relevés de températures et des contrôles de chaussée. Ensuite, les ouvreurs font part de leurs observations et remarques. Enfin, une concertation entre pilotes, ingénieur d’exploitation du team et nous-mêmes -les conseillers techniques- permet de déterminer le choix définitif.

La décision finale est toujours celle du pilote. Parfois, pour se rassurer, il va opter pour un choix sécuritaire. Tout dépend des enjeux finaux et aussi bien sûr, de la position de départ dans la spéciale, qui -comme vous le savez- change selon les jours. »

Après une course solide, quasi exemplaire, Tänak débute donc chez Toyota par une superbe seconde place, il ne manque pas de souligner le rôle capital des ouvreurs :

« Je suis vraiment content, c’est un soulagement d’être là et de débuter la saison comme ça. Il y a toujours un peu d’excitation quand vous arrivez dans une nouvelle équipe. J’avais un très bon feeling avec cette voiture, tout comme avec l’équipe. Je remercie mes ouvreurs qui ont très bien travaillé. »

Par ailleurs, Ogier leader de bout en bout, remportant un sixième succès au Monte Carlo, souligne la particularité de ce rallye, à savoir ce qui peut ressembler à la roulette russe du Casino, sauf pour les grands pilotes comme lui ou le fougueux Tänak très sage et efficace pour son premier rallye sur la Yaris WRC.

« C’était un week-end vraiment difficile. Tous les Monte-Carlo sont difficiles mais celui-là était vraiment compliqué, notamment au niveau des choix de pneus. C’est super de débuter la saison comme ça, l’équipe a très bien travaillé. »

Toyota progression efficace

L’équipe Toyota est, pour sa seconde année, parfaitement dans la course donc et c’est ce que nous confirmait Tommi Mäkinen lors de la l’assistance de la fin de la première journée. Présent en bord de route lors des spéciales N° 10 et 11, le boss finlandais appréciait le mental de Tänak, résistant fort bien à la pression et se situant parfaitement comme un challenger très sérieux face à Ogier.

Pour ce qui concerne l’auto, il précisait : « tous les datas accumulés l’an dernier lors de la première saison, viennent faciliter les marges de progrès concernant le châssis, le moteur et les suspensions, avec comme objectif premier : être performant partout et décrocher le titre constructeurs 2018 ».

Le double podium du Monte Carlo, malgré la petite faute commise par Lappi : « J’ai perdu l’arrière sur la terre, je n’ai pas pu freiner. J’ai ensuite peiné pour mettre la marche arrière pour repartir. Je n’arrive pas à décrire à quel point je suis déçu », semble bien confirmer que cet objectif est tout à fait à la portée du constructeur japonais.

Au cœur de l’assistance dévolue aux trois Yaris WRC, où tout est parfaitement huilé et coordonné, nous retrouvons Dimitri -le seul Français de ce team typé un peu Légion étrangère- responsable des sous-ensembles mécaniques.

Il faut le voir jongler avec les différentiels, berceaux, ½ trains, disques des freins, amortisseurs… C’est lui qui approvisionne les équipes de mécaniciens en fonction des décisions prises après concertation entre les pilotes et les ingénieurs. Il surveille les témoins de température de fonctionnement des disques. Quand les pastilles vertes, roses ou jaunes-intégrées aux disques (370 mm devant et 350mm derrière)- ont viré au blanc, on sait que l’on a fonctionné aux environs de 150 , 200 ou 300 degrés. En plus de cette vérification, au Monte Carlo, il faut savoir qu’en raison de la glace ou la neige, projetée sur des disques chauds, on constate de nombreuses fissures ou vrillages des disques, nécessitant une grande vigilance.

Dimitri Demore, casque de cheveux bouclés dépassant du bonnet, sourire permanent malgré l’arrivée des 3 autos pour une assistance de 45 minutes, prend le temps de nous préciser combien ces questions techniques sont très encadrées par le règlement de la FIA.

Il précise : « Nous, avec trois voitures engagées en WRC n’avons droit qu’à seulement 7 jeux d’amortisseurs et 7 jeux de systèmes de connexion au porte-moyeu par rallye (1 jeu = 2 avant + 2 arrière).L’amortisseur lui-même est plombé. »

De même pour les différentiels (avant-arrière et central) la FIA se montre très sourcilleuse quant à la régularité et l’équité lorsqu’elle précise :

« Pour chaque numéro attribué pour la saison à la voiture, une liste des rallyes liés qu’il/elle entend disputer avec la même transmission et pièces de rechange doit être notifiée à la FIA avant le premier rallye auquel il/elle participera comme suit :- 2 liens de 2 rallyes par voiture et 1 lien de 3 rallyes et 1 lien de 4 rallyes par numéro attribué pour la saison à la voiture pour un Constructeur qui a désigné tous les rallyes du Championnat. »

Bien évidemment, en dehors des imposées en termes de quotité à gérer scrupuleusement, les choix en vue de telle ou telle boucle du parcours demeurent un facteur déterminant pour la gestion de la course, presque tout autant que le choix des pneumatiques.

Les amortisseurs montés à l’intérieur de la jambe de force comportent 30 clics de réglages balayant de la basse, à la haute vitesse. Un ressort principal et un ressort compensateur conjuguent leur travail, ils peuvent être choisis dans une gamme de 10 tarages différents, alors que le pilote dispose au tableau de 8 positons de régale de l’hydraulique. Les barres anti roulis, quant à elles,  comportent 15 diamètres différents.

Dans ces conditions, on imagine bien la responsabilité incombant à ce jeune professionnel ayant débuté en tant mécanicien moto chez Metiss, puis ayant suivi une formation à l’auto Academy-FFSA au Mans, avant de rejoindre le team Toyota pour y vivre une passion sur un rythme décalé entre essais, rallyes aux 4 coins du monde et travail d’atelier en Finlande.

Dimitri quel est votre souci premier avant de relâcher les 3 autos du parc d’assistance ?

« Bien sûr les réglages qui vont être effectués sur les  voitures  qui doivent prendre en compte les conditions météo. En effet, en fonction de cela il  y a pas mal de réglages qui changent et cela me donne beaucoup de travail. Il faut intégrer les difficultés particulières rencontrées sur un Monte Carlo comme celui-ci, avec les changements d’adhérence et les conditions de course. »

La première journée s’étant bien déroulée, Dimitri approvisionne les 12 mécaniciens dévolus aux 3 voitures, sous l’œil sourcilleux de deux commissaires italiens représentant la FIA. Toutes les pièces sont marquées et numérotées et la traçabilité parfaitement établie.

Ces commissaires nous confiaient d’ailleurs, que le team Toyota était certainement le mieux structuré et le plus rigoureux en termes d’organisation et de sérieux.

Un rallye populaire

Malgré des conditions météorologiques plus que délicates bien des spectateurs s’étaient égaillés en bordure des spéciales. Gap, point central des premières journées de course, se devait de venir encourager l’enfant du pays : Sébastien Ogier. Le vendredi soir, lorsque nous voulûmes nous approcher du podium où le leader était interviewé, nous fûmes dans l’impossibilité d’avancer, tant on se battait presque, pour apercevoir l’Ogier du pays.

Ne parlons pas de cette foule compacte également en bordure des stands pour profiter du spectacle donné par les mécaniciens, tombant en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, tous les éléments mécaniques évoqués plus haut.

Ecrasé en bordure du stand M-Sport, je décide alors de me réfugier au sein de la structure Citroën, paisible et réservée au staff maison et aux médias. J’y aperçois Carlos Tavares en grande conversation avec des membres de l’équipe. Comme quoi l’engagement de Citroën constitue une démarche portée au plus haut niveau (la patronne de Citroën, Linda Jackson, était elle-même sur place NDLA).

Au cours de notre brève conversation, le Président du directoire PSA nous confirme sa participation au prochain Rallye Monte Carlo historique sur une 104 ZS. On croit savoir qu’il ne laisse le soin à personne de fignoler la préparation de son véhicule. C’est dire sa compétence et son amour de la compétition. Pour cette saison 2018, Carlos Tavares se déclare confiant en ce qui concerne l’évolution progressive  de la Citroën C3 WRC.

« On ne peut pas dire que notre saison passée fut une réussite. Pourtant, aujourd'hui notre voiture a évolué positivement et nous devons retrouver sérénité et confiance, sans mettre une trop grande pression sur nos pilotes. »

A propos du départ tout récent d’Yves Matton (ex directeur du team) le grand boss lâche : « Après une saison décevante, Yves a reçu une proposition très intéressante de la part de la FIA, il a tout naturellement accepté, j’aurais fait comme lui. »

En guise de conclusion

Si tout le monde s’accorde à dire que le Rallye de Monte Carlo est particulièrement différent de tous les autres, il n’empêche, qu’y bien figurer, aide à se persuader que l’inter-saison a permis de se préparer au mieux. Pour autant, on sait que la régularité de la surface du rallye de Suède (tout neige) autorise des comparaisons plus justes entre les différentes équipes.

Hyundai qui a paru en retrait ici aura sans doute à cœur d’y prouver que Neuville-enfin- peut de manière constante figurer aux avant-postes.

Laissons Citroën reprendre confiance et permettons à Pierre Budar, le nouveau directeur, ‘balancé’  dans la marmite sans trop de préparation, de saisir et maitriser tous les rouages d’un grand barnum ambulant.

Souhaitons que Ford et Toyota joue des coudes pour décrocher la couronne d’aussi belle manière qu’ils surent le faire au Monte Carlo. En tout cas, on peut faire confiance à Tänak pour aller tirer des croupières à son ex-co-équipier Ogier. On en est pour le moment à 2 victoires à 41. Quelle que chose nous dit que la pépite estonienne va aller chatouiller le solide bas alpin. Attention ! Loeb reviendra, par éclipses, arbitrer le débat. Que du plaisir en perspective !

Alain Monnot (texte et photos)

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Pour résumer

Il en va du rallye de Monte Carlo comme des vins des grands crus, on en retient les grands millésimes, qui entretiennent le mythe.

Alain Monnot
Rédacteur
Alain Monnot

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