Est-ce la fin des coupés ?
par Joest Jonathan Ouaknine

Est-ce la fin des coupés ?

Discrètement, les coupés disparaissent des catalogues. Surtout chez les généralistes. Est-ce la fin d'une carrosserie ?

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Un peu d'historique

La grande époque des coupés, c'était les années 50-60. A l'époque, les généralistes n'avaient encore qu'un ou deux modèles dans leurs gammes. Ajouter un coupé, c'était un moyen de toucher une nouvelle clientèle, en réutilisant un maximum d'éléments d'un modèle existant (cf. Volkswagen et la Karmann-Ghia.)

On pouvait distinguer alors deux types de coupés. D'un côté, le coupé "sportif", même si souvent, il n'en avait que l'aspect, qui visait une clientèle jeune : les minets des beaux quartiers. De l'autre, le gros coupé, plus statutaire, qui mettait l'accent sur le confort et les équipements. Ce dernier s'adressait davantage à une clientèle mure. Aux Etats-Unis, c'est une voiture de cadres supérieurs : pas besoin de coffre et de places arrières, c'est bobonne qui s'occupe des courses et des enfants !

La crise du pétrole fut un coup dur. Aux Etats-Unis, on bricola à la hâte des coupés 4 cylindres, avec catalyseurs, qui s'avérèrent être des bateaux asthmatiques. Pour l'aspect statutaire, mieux valait une grande berline "importée". Quant à la clientèle jeune, elle se mit à préférer les GTI, qui ont un ramage à la hauteur du plumage...

On pensa donc que les coupés appartenaient au passé. Les constructeurs européens ne les remplaçaient pas lorsqu'ils arrivaient en fin de carrière. Mais les Japonais, eux, se sont accrochés. Ils proposèrent des véhicules plus polyvalents et plus aboutis, qui trouvèrent une clientèle. Surtout, cela a dynamisé l'image de ces marques. Les Européens ne pouvaient rester les bras croisés. L'Opel Calibra (1989) sonna le début de la reconquête. Bientôt, presque tous les généralistes eurent à nouveau un coupé au catalogue. Certains, comme Ford et Opel, en avaient deux.

Déclin

Forcément à la longue, le marché devint saturé. Certains se retrouvèrent avec des coupés ayant coûté cher en conception et qui ne se vendaient pas. Et lorsque le constructeur buvait la tasse, ils étaient les premiers à passer par-dessus bord. C'est le cas au Japon dans les années 90, puis en Italie et aux Etats-Unis dans les années 2000... Même si les Américains les réintroduisent avant la fin de leur convalescence.

Et le diesel devint clivant. Les puristes ne voulaient pas d'un coupé diesel. Mais le grand public se mit à n'acheter que du diesel. Fallait-il ne proposer qu'un diesel et s'attirer les foudres des puristes ? Ne proposer qu'un moteur essence et se couper d'un public plus large ? Proposer plusieurs motorisations ce qui coûte cher et rend la rentabilité encore plus illusoire ? En bref, il n'y avait que des mauvaises solutions...

Rationalité irrationnelle

Le point commun des coupés des années 90, c'est qu'ils étaient souvent conçus ou produits en Italie. Or, vers 2005, on passe sans transition d'un paradigme de l'externalisation totale à celui de l'internalisation totale. Les bureaux de design interne montent en puissance. Au passage, pour faire baisser les coûts, on veut maximiser les carry-over des berlines, y compris pour les pièces visibles.

Concrètement, on passe de ça...

A ça. L'acheteur n'est pas un gogo ; il n'est pas d'accord pour surpayer une berline 2 portes.

Pourquoi faire ?

On l'a dit, certains produisent un coupé juste parce que le voisin en produit un et qu'il se vend bien. Quel est son véritable apport par rapport à une berline avec laquelle il partage mécanique, trains roulants et nombre d'éléments ? En prime, il se retrouve noyé dans une gamme toujours plus riche qui va jusqu'à une trentaine de modèles chez certains constructeurs. Seuls quelques gros concessionnaires ont toute la gamme en stock. Les autres se contentent des best-sellers, allant jusqu'à rechigner à commander les modèles plus exclusifs comme les coupés.

Faute de positionnement clair, de mise en valeur et de véritable développement, certains modèles se retrouvent condamnés.

Usual suspects

Lorsque l'on parle de segment qui souffre, on retrouve souvent les mêmes causes. Le grand public ne veut plus de "voitures plaisir". A quoi bon avoir une voiture qui atteint 250km/h dans un monde où les portions d'autoroutes limitées à 130km/h sont rares ? En prime, le bonus/malus a tué les grosses cylindrées.

De plus, de nombreux cadres ont négocié une voiture de fonction en compensation d'un gel des salaires. Or, les flottes sont ultra-rationnelles. Elles discutent PRK, ROI, taux d'amortissement, etc. avec les constructeurs. Le tout en jouant sur les économies d'échelle. Pas de place pour la fantaisie ; ce sera Qashqai gris pour tout le monde !

Le second problème, c'est la demande extra-européenne. Le coupé reste un produit très occidental. Dans les pays émergents, l'automobile doit être familiale. Il faut transporter confortablement ses parents, qui doivent être assis à l'arrière, surtout en Asie.)Les coupés sont vu comme des voitures d'égoïstes, ce qui n'est pas socialement acceptable. Donc, entre des SUV à peu près universels et des coupés qui ne se vendront qu'en occident, les choix stratégiques sont vite faits pour les constructeurs.

Chez les constructeurs, les GTI reviennent en force. Transformer une berline en voiture de sport, c'est toujours plus simple que de créer une voiture de sport ad hoc. D'où la multiplication des "R", "S" et autres "RS". Y compris chez des constructeurs sans tradition de modèles sportifs, comme Hyundai.

Que reste-t-il aux coupés ?

Paul Bracq divise le transport en deux visions. Depuis la nuit des temps, l'Homme veut dominer la route, s'asseyant toujours plus haut (cf. les carrosses du XVIIIe siècle.) Les premières voitures poursuivent cette volonté. Puis, pour aller toujours plus vite, on veut se glisser au ras-du-sol, tel le skeletoneur. Or, depuis une quinzaine d'années, on voit que le désir de prendre de la hauteur, notamment pour se sentir en sécurité, revient en force. Toutes les voitures sont "crossoverisées". Quid des coupés ? Le SUV coupé, à ne pas confondre avec une simple exécution 3 portes d'un véhicule disponible en 5 portes est une pierre philosophale. Les tentatives (Isuzu VehiCROSS, Suzuki X90...) ont été des flops. Les constructeurs se contentent de "coupés 4 portes" comme le BMW X6. Qui osera de nouveau sauter le pas ?

Les coupés qui marchent, ce sont des coupés radicaux. Des quasi "track cars", qui servent avant tout de deuxième voiture. Le marché s'est fracturé. La semaine, impossible de rouler. Alors tant qu'à ne conduire le week-end, autant le faire au volant d'un bolide ! Jaguar l'a bien compris. La XK était une 2+2 et la gamme débutait avec un V8 250ch. Sa remplaçante de facto, la F-Type, est une 2 places et elle propose d'emblée un V6 compressé 340ch.

Dans le premium et chez les artisans spécialisés, on se frotte les mains. Mais cela signifie la fin des coupés chez les généralistes : cette clientèle de niche exige de l'exclusivité et elle maudit les roturiers. Terminés les "coupés popu"...

Crédits photos : Opel (photo 1), Peugeot (photos 2, 5 et 6), Fiat (photos 3 et 4), Toyota (photo 7), Nissan (photo 8), Volkswagen (photo 9), Ford (photo 10), Suzuki (photo 11) et Jaguar (photo 12.)

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